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Ce 30 janvier, le Conseil municipal de la Ville de Genève traitait d’une « résolution urgente » de toute la droite appelant à la liquidation du campement des indigné·e·s installé aux Bastions depuis cet automne.

Signé par des représentant-e-s du MCG et de l’UDC, mais aussi par des PLR et PDC ce texte exigeait de l’Exécutif municipal de «procéder à l’évacuation» dudit campement, ceci au motif notamment de la «facilité avec laquelle on peut participer aux débats politiques dans notre pays» et de l’abondance de «lieux et occasions d’exercer la liberté d’expression» dans notre pays, canton et Ville.

 

A l’appui cette exigence de faire donner la force publique contre les indigné·e·s, on retrouvait encore pêle-mêle dans les considérants de la résolution l’indignation de ses auteurs contre la «dégradation des pelouses du parc», l’«illisibilité des revendications» des occupant·e·s, le non-dépôt par ceux-ci d’une «demande d’autorisation d’utilisation du domaine public en bonne et due forme» et ainsi de suite.

La liberté d’expression au cœur du débat

Enfin, les auteur·e·s de ce texte y évoquaient le fait que «les parcs publics doivent être à disposition de tous». Le titre de la résolution «Rendons le Parc des Bastions à la population genevoise» était d’ailleurs du même tonneau, comme si les indigné·e·s en question avaient dans les faits privé quiconque d’un accès libre au parc. Or la seule chose dont les habitant·e·s de Genève ont été « privés » par le fait que notre municipalité « de gauche » ait autorisé et toléré ce campement, jusqu’à ce que ses occupant·e·s y mettent eux-mêmes un terme cette semaine, ce n’est pas d’un quelconque accès au parc, c’est de l’apparence lisse d’un espace public policé et «propre en ordre», à deux pas du quartier des banques, sous le regard de pierre de Jean Calvin et de ses acolytes.

Dans le débat sur la résolution au Conseil municipal, le thème de la liberté d’expression, dont le camp était une expression évidente, est revenu de manière récurrente. Le PDC Michel Chevrolet l’a fort bien – et très naïvement ! – exprimé en s’exclamant que si on tolérait les indignés aux Bastions, il n’y avait « pas de raison » pour que son parti à lui ne puisse pas venir planter son minibus, dans ce parc ou un autre, pour y répandre ses idées… Et, en effet, lui avons-nous répondu sur nos bancs de l’assemblée, pour les indigné·e·s ou le PDC, en passant par toutes les couleurs du spectre politique et social, nous nous faisons un point d’honneur de défendre le libre usage du domaine public au service de l’expression d’idées et du débat démocratique...

A l’appui de cet engagement en faveur des libertés publiques de tous et de toutes en ville de Genève, on peut d’ailleurs signaler l’entrée en force en début d’année d’une modification, que nous avons proposée, du règlement municipal sur l’usage du domaine public. Celui-ci autorise désormais la tenue dans nos rues de stands à l’appui de pétitions, d’initiatives ou de référendums, sans avoir à se soumettre à une quelconque procédure de demande d’autorisation.

 

Les Tartuffes municipaux perdent un vote

C’est au nom du respect de ce principe de liberté d’expression que nous avons défendu le droit des indignés de rester aux Bastions et rejeté, bien sûr, aussi le discours des tartuffes, qui, à droite, du PLR au MCG, en passant par le PDC, se gargarisaient dans ce débat de la bienvenue mobilisation des indigné·e·s… en Grèce, en Espagne et partout ailleurs dans le monde, sauf « chez nous » où tout va si bien et où notre démocratie est tellement parfaite qu’il est urgent de faire donner la police contre toute expression contestataire, fut elle aussi modeste que l’a été le campement des in-digné·e·s aux Bastions.

Très tard dans la soirée et à une très courte majorité la droite et l’extrême droite ont été battues et la résolution a été rejetée par un vote qui sauvait l’honneur de la Ville de Genève comme espace un tant soit peu démocratique.

 

Décès tragique et glapissement de charognards

Puis est venu l’annonce du décès d’un jeune homme retrouvé dans le coma aux Bastions aux abords du camp des indigné·e·s et décédé peu après à l’Hôpital. Si nous ne savons rien de définitif à ce stade sur les circonstances et les causes exactes de ce décès banalement tragique d’un « marginal », on peut et on doit condamner avec la dernière énergie l’exploitation populiste détestable qui en a été faite par des charognards de la droite et de l’extrême droite genevoise qui tentent d’en imputer la responsabilité soit aux indigné·e·s, soit au magistrat Rémy Pagani qui avait pris la responsabilité de s’entremettre entre la Ville et les indigné·e·s pour trouver une solution négociée à leur occupation plutôt que de faire donner la police.

En effet, ce décès aurait évidemment pu se produire ailleurs, la seule chose qu’on puisse « reprocher » aux indigné·e·s c’est, semble-t-il, d’avoir ouvert leur campement au jeune homme en question pour y passer quelques nuits… Il y a sans doute – espérons-le – trouvé un peu de chaleur humaine, d’écoute et de lien social. Voilà le crime que reprochent aux indigné·e·s et – par ricochet – à Rémy Pagani et à toute la gauche municipale, cette Genève qui criminalise la mendicité, qui persécute les Roms et qui veut faire de notre Ville ce Monaco-sur-Léman que nous ne voulons pas. La Genève aussi d’un Mark Muller, qui affirmait dans les colonnes de la Tribune de Genève le 8 février qu’il «aurait fait évacuer le camp après quelques jours» et dont la politique en matière de logement privilégie honteusement la réponse aux besoins des nantis plutôt qu’aux besoins criants de la majorité de la population, une politique qui se traduit aussi par une explosion du nombre des évacuations… de locataires.

 

Pierre Vanek