Le PLR manifestait-il vraiment si ironiquement contre l'article sur la liberté d'expression de la nouvelle constitution?

Communiqué · 29.11.2012

La Tribune de Genève du jour contient l'information selon laquelle la Commission législative du Grand Conseil aurait proposé de lever l'immunité de magistrat de Daniel Devaud pour donner suite à une demande du procureur général Olivier Jornot.

 

Cette information appelle de notre part trois commentaires:

 

• Si l'info se révélait exacte, la position de la Commission législative est inquiétante et inadmissible. Inadmissible parce qu'on reproche à Daniel DEVAUD d'avoir transmis au Grand Conseil (plus exactement au bureau et aux Chefs de groupe du Grand Conseil) des informations couvertes par le secret de fonction, à l'appui des allégations concernant les dysfonctionnement de la Cour qu'il a formulées. Or, le Grand Conseil à qui ces informations ont été transmises est - de par la loi - l'autorité de surveillance de la Cour des Comptes. Une autorité de surveillance qui peut et doit connaître les faits concernant le fonctionnement de la Cour des comptes pour pouvoir exercer son rôle de surveillance, une autorité à laquelle ni la Cour des comptes, ni personne ne saurait opposer de "secret de fonction" en la matière. La procédure pénale envisagée par le procureur général Olivier Jornot dans ce cas est donc infondée et ne sauraient justifier une levée d'immunité de Daniel DEVAUD.

• Si le matériel fourni par Daniel DEVAUD au seul Grand Conseil a fait l'objet d'une diffusion publique inappropriée ou illégale... c'est qu'il s'est trouvé, au sein du Grand Conseil même, des député-e-s pour ne pas respecter leur "secret de fonction" propre. Il est d'autant plus choquant de voir une commission dudit parlement décider, unanimement ou presque paraît-il,  que Daniel Devaud doit pouvoir être poursuivi pénalement en la matière.

• Mais ce qui est plus inquiétant encore, c'est qu'on nous a vendu la nouvelle constitution genevoise en vantant en particulier  - notamment du côté du PLR / V. leurs affiches - son art. 26 sur la Liberté d'opinion et d'expression. Or ledit article 26 contient un alinéa 3 sur la protection des "lanceurs d'alerte" (whistleblowers) ainsi libellé:

«Toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, révèle à l'organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d'une protection adéquate.»

Or par sa décision, avant même que l'encre ne soit sèche sur cet texte, la commission législative du Grand Conseil, composée majoritairement de représentant--es de partis gouvernementaux qui l'ont soutenu, en viole grossièrement tant la lettre que l'esprit, en considérant qu'un magistrat qui "de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général" a simplement communiqué "à l'organe compétent" des comportements qu'il a considéré comme non conformes à la loi "constatés de manière licite", non seulement ne bénéficie d'aucune protection, mais se voit dépouillé de celle que la loi lui confère!

C'est particulièrement grave, non pas principalement pour Daniel DEVAUD lui-même, qui saura se défendre... mais parce que le signal donné est détestable pour tous les citoyen-ne-s, pour tous les salarié-e-s, qui seraient appelés par leur conscience, au nom de la défense du bien commun, à prendre leur courage à deux mains et à dénoncer des comportements inacceptables ou illégaux de plus puissants qu'eux.

Enfin, bien sûr il y faut relever l'ironie qu'il y a à lire dans la Tribune le compte rendu d'une décision de commission parlementaire siégeant à "huis-clos", soit sous le sceau d'un secret... obligeant tous les présents. A ce propos, nous vous informons que Daniel DEVAUD a décidé de porter plainte auprès du ministère public et contre inconnu... pour violation du secret de fonction. Vous trouverez copie de cette plainte dans le PDF annexé.

Amicalement, pour solidaritéS,
Pierre VANEK

 

*Illustration : Le PLR manifestait-il si ironiquement contre l'article sur la liberté d'expression de la nouvelle constitution?