2016-lettre-info-GC

 

SUR LE FRONT DU GRAND CONSEIL
Lettre d'information n°9, 18 octobre 2016

Supplément au bimensuel solidaritéS

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Sommaire:

Lors de la session du Grand Conseil du 13-14 octobre, nous avons abordé quatre dossiers significatifs :

I. Expulsion des Musa
II. Nouvelle loi sur les taxis: Pierre Maudet roule pour Uber
III. Pétition du personnel de l’Hospice général: le Grand Conseil botte en touche
IV. Quel contrôle démocratique des régies publiques ?

Les élu·e·s de solidaritéS au sein du groupe Ensemble à Gauche (EàG) entendent renforcer les liens entre leur activité parlementaire et le mouvement social en s'adressant au monde associatif et syndical, mais aussi, individuellement, aux militant·e·s de terrain de la gauche combative.

C'est pourquoi nous nous efforcerons de publier largement une lettre d'information à l'issue de chaque session du parlement cantonal portant sur les principaux enjeux débattus.

Merci de nous faire savoir si vous voulez recevoir cette lettre d'information, et de nous communiquer les adresses mail de votre entourage, auxquelles cette lettre pourrait être aussi envoyée Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

 

I. Expulsion des Musa

II. Nouvelle loi sur les taxis : Pierre Maudet roule pour Uber

III. Pétition du personnel de l’Hospice général : le Grand Conseil botte en touche

IV. Quel contrôle démocratique des régies publiques ?

 

I. Expulsion inhumaine de trois membres de la famille Musa :
UN DÉBAT À CHAUD AU GRAND CONSEIL N’ÉTAIT-IL PAS JUSTIFIÉ ?

Au début du mois de septembre dernier, trois membres de la famille Musa, une fratrie kurde originaire de Syrie, étaient arrêtés et expulsés de force de Genève. Nous avions alors participé à la mobilisation contre cette procédure expéditive inhumaine, qui résulte de l’inflexibilité de Pierre Maudet et du Conseil d’Etat.

Dans ce contexte survolté, lors de la session de septembre du Grand Conseil, les Verts avaient demandé l’ajout à l’ordre du jour et le vote en urgence d’un projet de motion et d’un projet de résolution « Pour une application digne et humaine de la politique d’asile », largement soutenue par Ensemble à Gauche et par le PS. Il s’agissait d’exiger la non application automatique des Accords de Dublin (renvoi dans le premier pays d’entrée dans l’Espace Schengen), lorsque des dérogations sont possibles (« respect de la vie familiale »), ce que la Suisse et Genève se refusent systématiquement à faire.

La discussion de ces deux textes avait pourtant été balayée sans discussion par la majorité de droite. Face à un tel mépris, le socialiste Roger Deneys, soutenu par des député·e·s d’EàG, avait alors tenté d’exiger la tenue d’une séance extraordinaire du Grand Conseil sur ces deux projets, mais les Verts, jugeant cette démarche inopportune, avaient refusé de s’y associer, empêchant par-là de recueillir les 30 signatures nécessaires.

A la session suivante, donc cette fois-ci, le groupe vert à demandé à nouveau l’ajout à l’ordre du jour et le traitement en urgence de son projet de résolution, ce qu’EàG et le PS ont à nouveau soutenu. Ceci n’a pas empêché la droite de la balayer avec la même légèreté que la fois précédente, ce qui signifie que ce point reviendra à l’ordre du jour... mais dans un délai indéterminé, sans doute lorsque le souvenir de cette expulsion scandaleuse se sera suffisamment estompé.

En refusant la convocation d’une session extraordinaire du parlement, les Verts avaient opté pour un respect scrupuleux du fonctionnement « ordinaire » du parlement, espérant peut-être que cette modération leur vaudrait une certaine compréhension de la droite. Ce fut peine perdue. Dommage... car l’expulsion scandaleuse de la famille Musa valait bien une session à chaud du Grand Conseil.

Jean Batou

 

II. Nouvelle loi sur les taxis de Pierre Maudet :
MARCHÉ ET CONCURRENCE ÜBER ALLES - UBER À L’AISE

Jeudi 13 septembre, au Grand Conseil tous les partis gouvernementaux du PS au MCG ont plébiscité la nouvelle Lex-Maudet sur les taxis, Lex-Uber plutôt devrait-on dire, puisque cette nouvelle loi ouvre grand la porte de Genève à cette multinationale US qui « pèse » une septantaine de milliards de dollars de valorisation boursière.

Uber fait chaque semaine l’actualité aux quatre coins du monde du fait des mobilisations massives qu’elle suscite contre ses procédés discutables, liés notamment au fait de prétendre que ses chauffeurs seraient des « indépendants »... et qu’il serait donc légitime de les priver des droits élémentaires des salarié·e·s au respect de la législation sur le travail, au paiement des charges sociales, etc. En début de la semaine dernière, par exemple, c’est à Lisbonne que des centaines de chauffeurs, et leurs taxis, ont bloqué les accès de l’aéroport de la capitale portugaise pour protester contre la nouvelle loi du gouvernement PS lusitanien libéralisant le marché du taxi pour l’ouvrir largement et sans quotas à Uber...

Seul rapporteur de minorité, face au PLR Jean Romain, le soussigné, au nom d’EàG, a ferraillé pendant des heures au cours de deux séances successives du Grand Conseil, pour défendre une vision alternative, mettant en avant la possibilité d’instituer un réel service public de taxis, complémentaire aux transports en commun, garantissant des conditions de travail et de revenu décentes aux chauffeurs·euses.

Au lendemain du débat le conseiller d'Etat, Pierre Maudet a – selon Le Matin – « salué le cadre normatif souple et léger pour cette activité particulière » introduit par la loi. Souplesse et légèreté en effet, au service d’une vision ultralibérale du marché et de la concurrence, massivement accrue par la loi, présentée comme devant régler les problèmes du secteur à l’avantage des utilisateurs·trices...

Au cours du débat, une série d’amendements défensifs – inspirés par les milieux professionnels – ont tenté de limiter – un peu – le caractère ultra-libéral de la loi et de mettre des bâtons dans les roues d’Uber. EàG les a votés pour la plupart, comme l’UDC, qui les proposait, mais au final le résultat de cette tactique de grignotage est peu probant... Il faut beaucoup d’optimisme (ou d’aveuglement) pour saluer, comme l’a fait la porte-parole du PS, la députée Caroline Marti, cette nouvelle loi sur les taxis comme un pas en avant sur le plan du « service public », même si deux ou trois modestes améliorations ont été apportées au texte sorti de commission !

Toutefois, la messe n’est pas dite. Des recours divers sont en train d’être envisagés, l’hypothèse même d’un référendum lancé par des organisations de chauffeurs ne peut encore être exclue. A suivre, donc...

Pierre Vanek

 

III. Pétition du personnel de l’Hospice Général :
LE GRAND CONSEIL BOTTE EN TOUCHE

Pour la majorité du Grand Conseil, la situation de l’Hospice n’est pas encore assez critique pour que des mesures soient prises. Ainsi, la pétition n°1972, portée par le personnel, a été classée (dépôt sur le bureau du GC).

Pourtant, chacun·e a admis, devant la réalité des faits, que les demandes d’aide sociale ont explosé (+62% ces 5 dernières années ; +100% en 10 ans!) et qu'il était anormal que la subvention n’ait pas été adaptée depuis 10 ans.

« Oui à l’octroi de moyens suffisants pour faire face à l’augmentation des demandes » – titre de la pétition – était donc légitime et son besoin n’a pas été contesté. L’argutie pour refuser ce texte a été la suivante : aucun licenciement n’aurait eu lieu (pour l’instant) et il sera donc temps de s’alarmer plus tard. Le personnel est donc prié de prendre son mal en patience, d’accepter toujours davantage de dossiers, de renoncer à assurer des prestations de qualité, etc. Quant aux bénéficiaires, eux aussi sont invités à ronger leur frein, à aller voir ailleurs, à se tourner vers d’autres associations d’aide...

Cette situation absurde, ce refus de demander au Conseil d’Etat de se pencher sur la question, aura des conséquences sur les conditions de travail et de santé du personnel, mais aussi sur les prestations aux ayants-droits. Aujourd’hui, les conditions de travail se sont déjà à tel point détériorées qu’elles obligent à des choix, vu qu’il n’est plus possible de répondre à tous les cas qui le méritent. Vouloir attendre que cela aille encore plus mal pour allouer les postes nécessaires à l’Hospice Général n’est donc pas raisonnable et, in fine, coûtera bien plus cher, en termes humains également.

Olivier Baud

 

IV. Régies publiques:
QUEL CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE ?

Par deux fois, en juin 2008 et juin 2012, le corps électoral s’était prononcé contre le modèle de gouvernance des régies publiques par des Conseil d’administration (CA) restreints, qui excluait la représentation de tous les partis siégeant au Grand conseil.

En refusant ce modèle, il exprimait sa volonté de renforcer le contrôle démocratique des CA. Or, en déposant le PL 11391, sans prévoir cet élément central, le Conseil d’Etat tournait une nouvelle fois le dos à la volonté populaire. Plus grave encore, il entendait ainsi permettre au système qu’il avait instauré à titre expérimental dans quelques CA de perdurer, voire de s’étendre.

S’il fallait « tordre le cou » aux rapports satisfaits de l’exécutif sur le fonctionnement des CA sans représentation des partis, il suffit de jeter un coup d’œil à leur gestion pour se rendre compte de leur tendance accrue à l’autoritarisme et au secret. Le Conseil d’Etat nous accuse de vouloir la politisation des CA. En réalité, ce que nous ne voulons pas, c’est d’une politique en petits comités qui tranchent de tout à huis-clos.

Or, pour l’heure, la plupart des institutions publiques connaissent une représentation de tous les partis siégeant au Parlement, ce qui garantit un minimum de transparence. A l’opposé, le PL de l’exécutif entend verrouiller le secret de fonction, rendre incompatible un mandat de député avec celui de membre d’un CA, exclure la rémunération des membres élus du personnel (seulement déchargés), etc.

Lors du débat en plénière, alors qu’une majorité se dessinait en faveur des amendements que nous avions présentés, une demande de renvoi en commission formulée par le MCG, prétextant le dépôt d’une pléthore d’amendements gouvernementaux, a été acceptée de justesse par 44 voix contre 45.

Dommage, car nous étions sur le point d’obtenir la garantie d’un contrôle démocratique élémentaire sur les institutions de droit public. Le travail sur ce projet de loi avait fait l’objet de 15 séances de commissions, au cours desquelles les fronts avaient été clairement identifiés. Ce renvoi, auquel nous nous sommes opposés, risque de faire basculer les positions de partis assez versatiles, comme le MCG et l’UDC. Nous continuerons à défendre nos positions, même si d’aucuns ont pris le risque d’un recul sur un aspect central sur le point d’être voté.

Jocelyne Haller