Quarante ans après le coup d’Etat contre le gouvernement de Salvador Allende et le peuple du Chili, le Movimiento Libres del Sur veut saluer et honorer les milliers de compagnons et de compagnes victimes de la persécution politique, de la torture et de la brutale répression subie des mains des militaires. Nous voulons aussi honorer leurs familles qui ont souffert de la disparition d’êtres chers et de l’amertume que justice n’ait pas été rendue jusqu’à aujourd’hui.

A vous tous, notre message reste plus que jamais : Ni pardon, ni oubli ! Tant que dans ce pays les criminels seront toujours protégés et traités comme des héros, tant qu’on ne saura pas la vérité sur les cas de milliers de camarades emprisonnés et disparus, et tant que les injustices d’hier opprimeront toujours la majorité de notre peuple, nous ne pouvons pas pardonner et encore moins oublier. C’est pour cela que notre route emprunte celle de ceux et celles qui sont tombés, en impulsant la lutte pour la récupération du cuivre, des ressources naturelles, pour l’éducation gratuite, pour la santé et le logement dignes, pour les droits des travailleuses et des travailleurs, des peuples originaires et des milliers de personnes qui se mettent debout dans tout le Chili.

Le coup d’Etat militaire de 1973 visait à frapper le projet politique et social des travailleurs et du mouvement populaire qui avait jusqu’alors conquis une grande partie de ses revendications. Le processus révolutionnaires qui s’est déroulé dans les quelques années de l’Unité Populaire avait permis le développement d’une conscience transformatrice dans les larges masses des travailleurs. Cela s’est directement exprimé dans la création d’espaces de dualité de pouvoir (comme les cordons industriels ou les commandos industriels) ainsi que dans l’élargissement des revendications sectorielles, qui allèrent au-delà des questions économiques ou simplement revendicatives.

La force du mouvement populaire, qui déborde souvent les partis politiques, fut le moteur des transformations que le Chili a vécu au cours de ces années. Chaque usine, chaque quartier ou chaque assemblée étudiante était le germe d’un nouveau Chili, né à partir d’en bas et à gauche.

Dans cette conjoncture d’avancées et de conquêtes pour le peuple, le coup d’Etat a voulu écraser de toutes ses forces la remise en question des privilèges et des richesses de la bourgeoisie nationale et internationale. Il a concentré son énergie dans la répression ouverte et massive des travailleurs, dans le démantèlement du pouvoir qu’ils avaient accumulé jusqu’alors et dans l’élimination des droits sociaux gagnés par le peuple.

Le coup d’Etat militaire, soutenu par la droite politique et la complicité de la Démocratie Chrétienne, a brisé les rêves de millions de Chiliens et de Chiliennes d’une vie meilleure. Avec lui commença une série de transformations contre-révolutionnaires dans le domaine économique, politique, social et culturel du pays qui signifièrent concrètement notre défaite. La profondeur de ces transformations a menée d’une part au démantèlement de tous les droits généraux des secteurs populaires et à la cooptation et à la répression de ses organisations. Il a impulsé, d’autre part, la privatisation de divers secteurs productifs et des services afin de les offrir aux capitaux étrangers, ainsi que la dérégulation du marché et son extension à quasiment tous les domaines de la société. En termes politiques, l’Etat s’est dépouillé de toute responsabilité quant aux droits sociaux et démocratiques, en séquestrant les espaces de participation, en constituant un régime coercitif et excluant qui avait pour fonction finale de garantir la liberté du profit, des affaires privées et d’assurer la gouvernabilité d’un duopole politique.

C’est pour ces raisons que nous disons qu’on respire encore la dictature au Chili, parce que la contre révolution néolibérale a continué à s’approfondir avec les gouvernements de Concertation et de droite qui se sont succédé jusqu’ici. Parce qu’au Chili, le mot justice n’existe pas pour les plus pauvres ; parce qu’on continue toujours à piller aveuglément nos ressources naturelles ; parce que le peuple mapuche est toujours réprimé et assassiné dans ses terres usurpées et parce qu’au Chili le mot « droits » n’existe pas.

Nous sommes un pays où la seule chose qui n’a pas été privatisée est notre indignation et notre conviction que la lutte doit continuer. Cela, ils ne pourront jamais nous l’enlever, parce que l’histoire de notre peuple est présente dans la mémoire de tous ceux et de toutes celles qui se dressent contre le capitalisme et parce que nous continuons aujourd’hui à écrire l’histoire.

Pour tous les nôtres qui sont tombés : Ni pardon, ni oubli. Notre meilleur hommage et de poursuivre la lutte.

Le Movimiento Libres del Sur est une organisation anticapitaliste chilienne née il y a un peu plus d’un an à la suite des mobilisations étudiantes et de la remontée des mouvements sociaux dans ce pays.

Source :
http://libresdelsur.cl/a-40-anos-del-golpe-no-perdonamos-no-olvidamos-la-lucha-continua/
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera