source : journal solidaritéS n°151
9 juillet 2009

 Dans le numéro 148 de solidaritéS, nous présentions le projet du gouvernement jurassien en faveur d’un tarif de crèche uniforme à 10 francs par jour, l’essentiel du financement devant être assuré par l’Etat (76%) et par un prélèvement sur les salaires de 0.14%. Nous avions souligné l’aspect intéressant de cette proposition qui favorisait le libre choix tant pour la mère que pour le père et permettait d’éviter que l’entièreté du salaire, ou presque, ne soit engloutie dans les frais de garde ; nous faisions également remarquer que l’introduction de ce tarif allait buter sur l’insuffisance criante du nombre de places en crèche dans tous les cantons. Bref, nous expliquions pourquoi cette idée jurassienne méritait l’attention de celles et ceux qui comprennent qu’investir dans les crèches est non seulement une nécessité, mais un réel choix d’avenir (favorable à la socialisation de l’enfant, à l’émancipation des femmes et créateur d’emplois).

 

 

Mais à peine présenté, voilà déjà que les résistances à ce projet s’affichent ! D’un côté la chambre jurassienne du commerce et de l’industrie a fait connaître son opposition à tout prélèvement sur les salaires, aussi minime soit-il (la moitié du prélèvement, soit 0.07%, serait à leur charge). Ces Messieurs veulent bien des subsides et des soutiens, du personnel à disposition, mais pour passer à la caisse, non merci, à d’autres. Dans leur opposition, ils ont été rejoints par le secteur le plus réactionnaire de la société, qui soutient les formes traditionnelles de la famille, avec la mère au foyer et le mari au turbin. Ainsi un couple des Breuleux, dont la femme est mère au foyer, récolte des signatures sur une pétition qui s’élève contre ce projet de loi : ils ne veulent pas participer au financement de structures qu’ils n’utiliseront pas !....

 

Cette opposition à l’émancipation de la femme, à sa participation active à la vie professionnelle -sauf pour les pauvres qui n’ont pas le choix- est très présente en Suisse. Voilà qui rendra difficile une victoire en votation sur ce thème, car il est évident que seule une minorité est directement et personnellement intéressée à l’existence de crèches de qualité, en nombre suffisant. C’est ce qui avait fait échouer, en votation populaire nationale, l’assurance pour un congé parental et, pendant plus de 50 ans, l’assurance maternité.

 

A remarquer que tous les services publics sont logés à la même enseigne ; tout le monde finance l’école, qu’il ait des enfants ou non, tout le monde finance les hôpitaux, qu’il soit malade ou en bonne santé. Mais le libéralisme cherche à casser ce système en privatisant chaque institution et en rendant son accès payant. En toute logique, il va évidemment s’opposer à une extension du financement par solidarité, pourtant nécessaire aux crèches et aux structures d’accueil des enfants. La crise actuelle risque bien de renforcer tous les réfractaires à ces lieux d’émancipation et de socialisation que sont les crèches. C’est pourquoi, dans les mois et les années qui viennent, il faudra, à Neuchâtel comme ailleurs, unir inlassablement toutes les énergies de progrès, pour faire obstacle aux forces réactionnaires qui entendent renvoyer les mères au foyer.

 

Marianne Ebel