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Mercredi 17 août au soir, un cœur généreux s’est arrêté de battre. Rentrant de son travail, notre camarade et ami Pierre-Yves Oppikofer s’est effondré devant l’entrée de son logement. Agé de 61 ans, il fut de toutes nos luttes. Nous lui rendons hommage ici.

Nous ne reverrons plus cette longue silhouette portant inévitablement un porte-documents débordant de papiers multiples et divers dans lequel il piochait, à la recherche d’un ordre du jour, d’un texte ou d’une convocation. Nous n’entendrons plus ses interventions en AG, prononcées d’une voix douce, quelquefois même un peu inaudible. C’est que « Oppi » comme nous l’appelions n’avait pas besoin de hausser le ton pour défendre ses convictions, appuyées sur de solides lectures, notamment en économie politique, et une longue expérience du monde du travail.

Natif de La Chaux-de-Fonds, ce fils d’ingénieur en mécanique indépendant, aîné d’une fratrie de trois enfants, fera ses premiers pas politiques en ferraillant contre la guerre du Vietnam dans un débat de classe. L’antimilitarisme ne le quittera plus, renforcé par l’accueil plutôt tendu qu’une partie de la population chaux-de-fonnière réservera au défilé militaire de 1970.

Antimilitarisme et luttes ouvrières

A la recherche d’une orientation politique plus générale, le jeune militant va rencontrer alors l’antimilitarisme révolutionnaire de la Ligue marxiste révolutionnaire (LMR), organisation qui en plus a l’avantage de fournir une explication cohérente du développement de la bureaucratie en Union soviétique. Dans les années qui suivent la répression brutale du Printemps de Prague, c’est un élément qui compte. Adhérant formellement en 1973 à la Ligue, il militera alors comme nous tous et toutes dans l’urgence d’une révolution qui, nous n’en doutions pas, pointerait bientôt son nez de vieille taupe. Pas nécessairement en Suisse, Pierre-Yves comme d’autres connaissait trop bien la réalité conservatrice du pays pour le croire, mais qui sait, dans un pays du sud de l’Europe peut-être.

Oppi poursuivra son action antimilitariste dans l’organisation et l’animation des comités de soldats et de caserne. Il participera avec ardeur au soutien de la lutte des LIP et de celles des ouvriers de Bulova et Dubied (1976). Dans un texte destiné à un fonds d’archives qui sera prochainement rendu public, il témoigne de la forte impression ressentie lorsque plus d’un millier de travailleurs de Dubied manifestèrent à Neuchâtel en scandant « Non à la paix du travail ».

Ayant quelque peu délaissé ses études de droit au profit d’un militantisme de tous les instants, il se dirigera ensuite vers une formation de mécanicien de précision. Il restera dans l’industrie des machines neuchâteloise jusqu’en 1988. Période de dur apprentissage du militantisme d’atelier et de confrontation avec la bureaucratie syndicale, qui tentera, sans succès, d’empêcher son élection à la tête de l’Union syndicale de la ville de Neuchâtel. Ce ne sera pas le seul épisode dans sa vie syndicale ou il devra affronter des vents contraires, avec une impressionnante solidité personnelle. Après un emploi dans l’industrie des machines vaudoise, il deviendra secrétaire syndical du Syndicat des services publics (SSP-VPOD). Conjointement à son travail syndical, Oppi participera — après le délitement du Parti socialiste ouvrier (PSO), qui avait succédé à la LMR ­— à la fondation, en terre vaudoise, du mouvement solidaritéS. Il y assumera des responsabilités internes et externes, portant nos couleurs à plusieurs reprises au Conseil communal lausannois. Cet hommage serait toutefois incomplet si nous ne mentionnons pas son séjour d’un an et demi aux côtés de la Révolution nicaraguayenne à la fin des années 80.

Solide et discret

Père à 24 ans, Oppi a connu une vie familiale riche. Il était d’une discrétion rare sur ces aspects, gardant son jardin personnel à l’abri des curieux. Ce n’est presque qu’accidentellement que l’on découvrait l’une ou l’autre facette de sa personnalité. Là par une anecdote, ici par une information lâchée au détour d’une phrase ou encore lors de réunions entre proches. Pierre-Yves n’avait rien d’un bavard sur le plan personnel. Et cela se traduisait aussi dans son inimitable manière de téléphoner. On savait tout de suite lorsqu’Oppi vous appelait. Non pas à cause de sa voix ou de son ton, mais bien à cause du silence qui précédait son annonce. Comme une ultime retenue avant de se lancer dans la communication.

Cette retenue s’étendait aussi à ses drames personnels. Marqué par la disparition accidentelle, il y a quelques années, d’un de ses fils, il n’en laissa paraître que le moins possible à son entourage militant, sans diminuer son engagement. Cette pudeur affective était une forme de politesse, un refus d’embarrasser les autres de ses petits et grands tracas.

Pierre-Yves, merci pour tout, et que la terre te soit légère, comme disent les anarchistes espagnols.

A sa famille, à ses enfants et petits-enfants, solidaritéS adresse ses messages de profonde sympathie.

Daniel Süri

La cérémonie d’adieu se déroulera le vendredi 26 août 2016 à 11h, au Centre funéraire de Montoie (Lausanne), Chapelle B.