tiré du journal solidaritéS n° 190

 

Neuchâtel: résultats des votations cantonales du 19 juin 2011

 

Taux de participation : 28 %. Acceptation des baisses d’impôts pour les multinationales 77 %. La campagne massive des autorités, de la Chambre du commerce et du Parti socialiste allié au PLR et à l’UDC a porté ses fruits.

En effet, le gouvernement et les médias n’ont cessé de présenter la loi comme la fin des exonérations fiscales généreusement accordées depuis 30 ans, alors que rien n’est plus faux, puisque la loi continue d’autoriser le Conseil d’Etat à accorder des exonérations fiscales, totales ou partielles, et qu’il le fera. Comme jusqu’à présent. A la tête du client.

Le désintérêt populaire pour cette votation a été patent; il n’exprime pas seulement la difficulté de se forger une opinion face au matraquage médiatique, mais il est aussi signe des doutes profonds sur la capacité de la démocratie parlementaire à répondre aux défis que pose la mondialisation capitaliste.

solidaritéS a joué un rôle essentiel dans l’aboutissement du référendum contre la révision de la fiscalité des entreprises; nous ne pouvions pas laisser passer un tel cadeau aux actionnaires sans manifester publiquement notre opposition. Les entreprises ne sont pas une abstraction, elles ont des propriétaires, et quand on sait que 90% des impôts sur les personnes morales sont payés par quelques 200 entreprises -pour l’essentiel des sociétés par actions-, ce sont bien les actionnaires qui se frottent les mains sur le dos des plus démunis, mais aussi des classes dites moyennes.

Les autres cantons suivront

Pour le reste de la Suisse, le vote des Neuchâtelois-es est un signal très net vers une baisse d’impôt sur le bénéfice des entreprises et sur les holdings, à commencer par Genève et tous nos cantons voisins. Dans le monde néolibéral globalisé, les sociétés de placement veulent du rendement pour leurs actionnaires. Ainsi, le rôle de l’Etat se réduit de plus en plus à attirer les entreprises sur son territoire en baissant leurs impôts sur les bénéfices pour leur offrir des conditions cadres dites favorables. Dans cette catégorie, l’Irlande est championne; aujourd’hui Neuchâtel rejoint cette tête de peloton. Bonjour la crise économique et les dégâts pour la population!

Promotion de l’individualisme

Une chose est sûre: le résultat de la votation neuchâteloise va donner des ailes aux politiciens de tendances libérales, qu’ils soient radicaux, libéraux, UDC, ou qu’ils se disent socialistes. A court terme des sociétés holdings et des sociétés de capitaux s’installeront peut-être dans le canton ou y feront surgir leurs bénéfices, le temps que d’autres cantons prennent le relais avec des impôts encore plus bas.

Le culte de l’argent, l’adoration des riches sont aujourd’hui les valeurs dominantes, mais le néolibéralisme n’a pas seulement pour effet d’enrichir les plus riches, il a aussi une dimension politique plus large. Le mouvement ouvrier a été porteur d’une culture de solidarité, de justice sociale, d’égalité. Le monde du travail neuchâtelois en a été largement imprégné, mais si aujourd’hui l’avenir des travailleurs-euses dépend, pour les bobos du PS, de la capacité d’attirer des entreprises en promouvant la flexibilité pour le travail et la baisse d’impôt pour le capital, c’est toute une autre vision du monde qui s’installe, faite de concurrence, d’égoïsme, de rejet et d’individualisme.

Services publics dans le collimateur

Le consensus libéralo-socialiste forgé par le PS, les radicaux-libéraux et l’UDC triomphe dans les urnes, mais dans la société, c’est le désarroi. Le programme de législature du Conseil d’Etat prévoit une réduction du budget de 150 millions. Ainsi donc l’éducation, le social, la santé vont faire les frais de ces cadeaux concédés à quelques 200 entreprises (sur un total de plus de 6400). Combien de temps faudra-t-il encore avant qu’on entende d’autres sons de cloches et que la rue, aujourd’hui désorientée et déserte, ne se réveille ?

Henri Vuilliomenet


Crèches : le maintien de listes d’attente pour la garde des enfants est garanti

En présentant le contre-projet du Grand Conseil comme seul réaliste, les partisans de cette solution à la baisse ont réussi à enterrer l’initiative populaire pour un nombre approprié de structures d’accueil de qualité. Cette initiative, qui demandait que les besoins effectifs des parents soient satisfaits, a été rejetée dans les mêmes proportions que l’acceptation des baisses d’impôts sur le bénéfice des entreprises et des holdings.

Cette initiative, qui au fond ne demandait rien d’autre que l’application de la loi approuvée en juin 2001 par 78 % des votant·e·s, a fait l’objet d’une campagne mensongère de la part du Conseil d’Etat et de tous ceux et celles qui ont refusé jusqu’ici d’appliquer la loi de 2001 qui exigeait la création (en 5 ans !) d’un nombre suffisant de crèches pour répondre aux besoins. Le Conseil d’Etat fera-t-il aujourd’hui ce qu’il a refusé de faire hier ?

Une chose est sûre, la nouvelle loi, aujourd’hui acceptée par 73 % des votants suite à cette campagne de dénigrement, permettra une diminution de la qualité d’accueil (encadrement éducatif et surface moindres par enfant) et ne sera à coup sûr pas à même de répondre aux besoins des parents. Les listes d’attente et le système D continueront d’être le lot de celles et ceux qui cherchent à concilier travail professionnel et éducation.

Marianne Ebel