Les tensions, inévitables dans la promiscuité de ces obscurs dortoirs souterrains, empoisonnent le quotidien d’une trentaine de requérants d’asile parqués depuis le mois de mai dans un abri PC de la banlieue industrielle de la Chaux-de-Fonds. La « solution » déclarée par le Conseil d’Etat comme « provisoire » perdure.

Placés là, sans activité, ne pouvant même pas se préparer eux-mêmes leurs repas, 35 demandeurs d’asile -des hommes qui n’ont fait de mal à personne- sont soumis à un régime humiliant de la carotte (un toit, des repas et 5.- d’argent de poche par jour contre une signature et un bon comportement) et du bâton (discipline et règles communautaires inévitablement strictes, avec une descente de police au moindre soupçon).

Les autorités cantonales ont dès le départ cherché à rassurer les requérants, comme celles et ceux qui s’inquiétaient avec eux: « Il s'agit d'une solution d'urgence et elle ne doit revêtir qu'un caractère provisoire.» (réponse du Conseil d’Etat à la question d’une députée). Mais quatre mois plus tard, le canton n’offre toujours rien d’autre que ce « guet-apens » et envoie une nouvelle fois la police en nombre dans ce centre placé en permanence sous la surveillance d’une entreprise de sécurité. 46 policiers, inspecteurs et conducteurs de chiens ont investi les lieux fin septembre pour un butin dérisoire. La presse a été invitée au spectacle, car le but de l’opération n’est pas caché : marquer l’autorité de l’Etat auprès des occupants du centre et envoyer un message à la population : « Nous sommes fermes, nous tenons la situation bien en main ». Un régime inhumain, et qui, plus est, coûte cher, car tous ces contrôles policiers ont un prix.

Après la première intervention policière, organisée en mai, le Conseiller d’Etat Thierry Grosjean s’était voulu rassurant, promettant d’autres hébergements, tout en banalisant la descente de police : « (…) Dieu soit loué, les forces de polices rassemblées pour une manifestation, que nous qualifierons encore de sportive, à la Maladière, en fin d'après-midi, n'avait pas été trop mises à contribution. Il a été jugé opportun de mobiliser les trente policiers pour faire une inspection et essayer de retrouver des natels et d'autres produits. Nous aimerions dire qu'ensuite le calme est redescendu. Il n'y avait donc pas d'intentions de bousculer quoi que ça soit, mais il faut se rendre compte que si vous avez plus d'une vingtaine de personnes à maitriser et que vous voulez faire une perquisition, il faut le faire avec un effectif conséquent. »

Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que ces mêmes autorités cantonales entament une autre voie et trouve des hébergements plus humains ? Cette alternance insupportable entre promesses creuses et contrôles policiers déstabilisants a assez duré.

Changer de lieu d’accueil permettrait de faire baisser les tensions temporairement, mais le fond du problème restera : avoir le droit de chercher du travail, obtenir des papiers, avoir sa chance de se créer un avenir. C’est ce que veulent ces hommes jeunes, avides de liberté. Nous soutenons leurs demandes.

Marianne Ebel