Tiré du Courrier du samedi 16 juin 2012

Le PS demande au gouvernement d’étudier le retour d’HNe dans le giron de l’Etat. La gauche alternative rappelle qu’elle a toujours combattu son autonomisation.

 

Le Grand Conseil neuchâtelois a accepté en avril par 65 voix contre 35 un postulat PS demandant au Conseil d’Etat d’examiner la possibilité de reprendre directement la gouvernance d’Hôpital neuchâtelois (HNe) (notre édition du 26 avril 2012). Ce parti estime en effet que «si l’autonomisation d’HNe a eu un sens au moment du regroupement des hôpitaux régionaux et communaux au sein de HNe, elle n’en a plus aujourd’hui, cette institution dépendant dans une très large mesure des finances de l’Etat». Il espère aussi à moyen terme réunir sous une même structure des entités autonomes de la santé telles que le Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP) et Nomad (Neuchâtel organise le maintien à domicile).
Cette prise de position peut paraître pour le moins surprenante si l’on sait que le PS a soutenu en 2004, aux côtés de Monica Dusong, sa ministre de la Santé d’alors, l’autonomisation d’HNe que la conseillère d’Etat présentait comme la panacée. Estimant qu’il s’agissait d’une privatisation de la santé, la gauche alternative (Solidarités, POP et les Verts) et les syndicats ont alors lancé et fait aboutir un référendum contre la loi sur l’établissement hospitalier multisite (EHM), qui entérinait entre autres le statut d’autonomie. Privée du soutien du PS qui a fait campagne avec la droite pour combattre le référendum, la loi a été acceptée en juin 2005 par une très large majorité des votants.
Mais la bataille n’en est pas restée là. Thierry Clément, du Syndicat des services publics (SSP), a déposé en mai 2005 un recours pour violation des droits politiques, qui est allé jusqu’au Tribunal fédéral. Il dénonçait notamment le fait que l’information donnée par le Conseil d’Etat dans le message adressé aux citoyens manquait d’objectivité. Le Tribunal fédéral a jugé son recours recevable mais a renoncé à annuler la votation, la population ayant accepté la loi sur l’EHM par 47 837 voix contre 16 201. Celle-ci est donc entrée en vigueur en 2006, et avec elle un conseil d’administration chargé de «définir la stratégie et la politique d’HNe dans la cadre fixé par le Conseil d’Etat».
Depuis cette bataille référendaire et juridique, la position de la gauche alternative n’a pas bougé d’un iota. Au contraire, Marianne Ebel (Solidarités), fer de lance de l’opposition à l’autonomisation d’HNe, est plus que jamais convaincue qu’il est nécessaire de revenir en arrière. Et vite. Interview.

Solidarités, Les Verts, le POP et les syndicats ont toujours été opposés à l’autonomisation d’HNe. Le dépôt du postulat PS prouve-t-il que vous aviez vu juste dès le début?
Marianne Ebel: Les inquiétudes justifiées de la population, basées sur des expériences parfois douloureuses de prise en charge problématique de patient-e-s, les conflits de gestion, la valse des médecins, et aujourd’hui le renvoi du responsable des ressources humaines, bref, la crise profonde du système de soin dans tous les secteurs de la santé du canton de Neuchâtel – HNe, psychiatrie, soins à domicile –, tous «autonomisés» de la même manière: oui, tout cela nous donne malheureusement plus vite et plus clairement raison que nous ne le pensions nous-mêmes à l’époque. Aujourd’hui, Solidarités reste convaincu que seule une gestion publique de la santé peut définir de façon cohérente la mise en place de soins de proximité – de base et de qualité – pour toute la population.

Comment expliquez-vous ce «revirement» du PS qui a soutenu à l’époque l’autonomisation d’HNe, et même de l’UDC, favorable à un retour d’HNe sous le contrôle de l’Etat?
A force de problèmes, de licenciements ou de départs «spontanés» et face à des tentatives trop souvent avortées pour stabiliser les directions, tant au niveau du conseil d’administration que dans les différents centres hospitaliers, il est difficile de ne pas admettre qu’il faut changer quelque chose....

Un postulat ne constitue pas une démarche très contraignante. Cela peut faire douter de la réelle volonté politique de faire avancer le dossier...

En effet, un postulat n’est qu’une demande d’étude. Le Conseil d’Etat aurait dû entreprendre cette dernière sans attendre une proposition formelle du législatif. Et ce depuis longtemps déjà car il est évident qu’il est au courant – mieux que quiconque – des problèmes qui ne cessent de s’accumuler au sein de cette structure complexe où plus personne ne sait – ou ne veut savoir – qui au juste dirige quoi.

Ne faudrait-il pas venir avec une proposition de loi visant à régler cette question encore pendant cette législature?
Le groupe PopVertsSol pourrait bien sûr déposer une loi qui supprimerait toute forme d’autonomisation et/ou de privatisation dans le secteur de la santé. Mais pour qu’une loi passe, il faut une majorité, sinon l’exercice est vain. Et on en est loin. Ce qui manque trop souvent dans ce parlement – comme ailleurs! –, c’est une analyse critique permettant de mieux comprendre les logiques néo-libérales qui sont au cœur des propositions qui nous sont faites. Dès les années nonante, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prédisait qu’au XXIe siècle les nouvelles sources de profits majeurs se trouveraient pour l’essentiel dans le secteur de la santé et de la formation, à condition de les privatiser. Elle ajoutait qu’il ne serait pas facile de démanteler le service public sans résistances populaires et expliquait, à qui voulait l’entendre, qu’il faudrait commencer par changer les lois et passer par des stades intermédiaires, avant d’arriver à cette fin. Le canton de Neuchâtel n’est pas le seul à avoir suivi ces «conseils» et à avoir commencé, dix ans plus tard, à concrétiser ce programme néo-libéral préconisé par l’OMC. Combien de député-e-s de gauche ont-ils voté avec cette conscience-là?
Pour en revenir à ce changement de loi, Solidarités est convaincu que la santé n’est pas une marchandise et doit être un service public. Pour qu’une telle position se traduise en loi, il faudra sans doute encore bien des crises, et bien des mobilisations.

Pensez-vous que les statuts autonomisés de Nomad et du CNP pourraient eux aussi être remis en question?
On n’en est malheureusement pas encore à la remise en cause réelle des autonomisations. Le PS et les Verts sont à la tête des conseils d’administration de Nomad et de la psychiatrie et semblent fort bien s’en accommoder.

Claude Grimm