Celtique Energie s’intéresse au sous-sol jurassien. Pour y trouver quoi au fait ? Du gaz ? Mais sous quelle forme ?

L'entreprise, basée à Londres, fondée en 2004, est en contact avec le canton de Neuchâtel depuis 2008 déjà. Vieille histoire qui s’est subitement accélérée avec la déferlante du gaz de schiste.

En septembre 2010, le Grand Conseil neuchâtelois avait adopté un décret octroyant à Celtique, en cas de découverte de gaz, une concession d’exploitation. Décret admis dans son principe, mais la procédure et les conditions demeuraient expressément réservées et devaient faire l’objet d’un dispositif légal ultérieur. En juin dernier, Celtique a rendu publiques les demandes d’études complémentaires qui minimisent les risques du forage. La porte est ouverte pour une autorisation, s’il n’y a pas de réaction populaire.

Où se situe le lieu de prospection ?

Noiraigue, petit village du Val-de-Travers à l’entrée des gorges de l’Areuse qui conduisent la rivière jusqu’au lac. C’est là qu’est pompée une grande partie de l’eau potable du canton, en particulier celle des villes de Neuchâtel et Chaux-de-Fonds.

Pour rechercher quoi ?

Celtique connaît parfaitement les oppositions populaires au gaz de schiste, aussi c’est aux seuls actionnaires qu’elle fait miroiter l’extraction du fameux gaz (et des profits qui vont avec). Pour la population et les autorités, elle jure ses grands dieux qu’elle ne recherche que du gaz naturel et qu’éventuellement elle pourrait utiliser la couche géologique pour stocker du gaz importé.

Quels dangers ?

Si on écarte les dangers du gaz de schiste, du pompage ou de l’injection de gaz naturel et qu’on ne retient que le seul forage, ils ne sont nullement négligeables comme le mentionne l’Express/Impartial du 4 juin :

« […] Il faut savoir que le forage se fera à une profondeur de 2300 mètres pour atteindre une couche de grès susceptible d’abriter une poche de gaz. Il traversera donc les nappes phréatiques. ‹ La zone autour de Noiraigue constitue un château d’eau extraordinaire, qui alimente plus de 110 000 habitants du canton de Neuchâtel ›, explique Roland Stettler, ancien chimiste des eaux et délégué à l’environnement de la Ville de Neuchâtel. Et pour remonter les débris à la surface, il faudra utiliser un fluide de forage. ‹ Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les rejets d’eaux usées : on n’aura pas les moyens d’enlever tous les éléments chimiques ?.?»

A cela s’ajoutent les risques sismiques, des tremblements de terre étant de plus en plus signalés dans les lieux de forages, en particulier en Amérique du Nord où on creuse beaucoup.

Les lobbyistes

Pour obtenir son autorisation de creuser, Celtique s’est attaché les services de Thomas Borer, ancien ambassadeur suisse à Berlin, plus connu pour l’organisation de party à destination de la jetset que comme spécialiste de la géologie ou des hydrocarbures. Cela ne l’empêche pas d’être péremptoire, dans le même journal

« Thomas Borer […] affirme que la technologie utilisée à Noiraigue est parfaitement maîtrisée : ‹ Celtique a fait ce type de forages des milliers de fois dans le monde ›. Selon Celtique, ‹ le risque reste minimal.  En cas d’accident peu probable devant entraîner une perte temporaire de la qualité de l’eau potable, Celtique garantit que tous les habitants seraient approvisionnés ›. »

Où Celtique a-t-elle procédé à des milliers de forages ? Cette entreprise jeune (2004), qui annonce 30 employé·e·s, est surtout intéressée à obtenir des concessions. A-t-elle d’ailleurs jamais creusé ne serait-ce qu’un trou quelque part ? Thomas Borer fait miroiter des centaines de millions de royalties, mais il y a loin de la coupe aux lèvres et si les risques et les inconvénients sont certains, la poule aux oeufs d’or est bien aléatoire.

Forer, c’est accepter tout ce qui suivra

La balle est maintenant dans le camp de la commune et du canton, qui doivent donner le feu vert pour le forage. Celtique n’investit pas des millions pour creuser un trou dans le but de savoir ce qu’il y a dessous. Une fois creusé, il faudra rentabiliser, et c’est là que le cauchemar du gaz de schiste risque fort de devenir la réalité.

Il est inconcevable de procéder à l’exploitation de gaz de schiste dans une région source d’eau potable. Une pétition a été lancée par un collectif « Non à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures sur la commune de Val-de-Travers » qui s’opposera à toute forme de forage, qu’il s’agisse de rechercher du gaz conventionnel ou du gaz de schiste. SolidaritéS soutient ce collectif, car nous sommes opposés à donner l’autorisation de forage à Noiraigue?; l’eau doit être précieusement protégée, c’est elle qui permet la vie, et nous ne voulons pas la mettre en danger pour quelques hypothétiques millions sur une période limitée. L’effort, en ce qui concerne l’énergie, doit être concentré sur le renouvelable, en particulier le solaire.

Même le Conseil fédéral met en garde

Les premières réactions à l’action des oppo­sant·e·s sont réjouissantes. Dans une lettre adressée au comité le 12 août, la conseillère fédérale Doris Leuthard rappelle que la politique du Conseil Fédéral « vise la substitution, par les énergies renouvelables, des agents fossiles (pétrole, gaz) et non une utilisation accrue de ces derniers, ce qui serait en contradiction avec sa stratégie énergétique 2050 ».  Bon départ pour obtenir le refus du forage à Noiraigue.

 

Henri Vuilliomenet