rotatives sudouest

Le 27 novembre dernier, le groupe Hersant, éditeur des journaux régionaux L'Express et L'Impartial, a annoncé la fermeture de l'imprimerie de la Société neuchâteloise de presse (SNP) qui assurait jusqu'ici l'impression des deux quotidiens. Par soucis de rentabilité, dans un secteur déjà moribond et auquel on réclame une marge bénéficiaire de 15%, ces journaux seront désormais imprimés à Lausanne par les presses de...Tamedia. 31 personnes seront licenciées.

 

La presse vit des heures difficiles en Suisse et les journaux régionaux n'échappent pas à cette lente transformation de la société de l'information. Non seulement les supports ont changé de forme pour passer au numérique si gratuit, mais ils subissent de plus les exigences capitalistes de leur gestion. Les titres disparaissent, fusionnent ; les rédactions sont réduites ; le travail journalistique se limite à la réécriture des dépêches ; le sensationnalisme imagé et le fait-divers se sont substitués au reportage, à l'enquête de fond : tout cela pour que les grandes maisons d'édition puissent garantir une rente confortable aux actionnaires, qui se moquent bien du principe qu'être informé est un droit, une garantie démocratique faite au citoyen.

Moins de titres... et donc moins de rotatives !

La rationalisation libérale du monde médiatique, obligé de dégager du chiffre, touche évidemment de plein fouet les imprimeurs (reprographes, typographes) de la SNP qui produisent ces titres. Obligée de cesser son activité au 31 avril, on notera avec amertume que les premiers exemplaires produits dans la mégastructure de Tamedia à Lausanne le seront un premier mai. Avec ce départ, argué sur des raisons de matériel vieillissant trop onéreux à remplacer, c'est des savoirs-faire qui disparaîtront – et même si Hersant a assuré un plan social ! - car ces travailleur-euses ne pourront pas être reclassés dans leur secteur. C'est une réalité. Des imprimeries à rotatives, il y en a de moins en moins en Suisse et les places à pourvoir le sont déjà. Ainsi, le métier de typographe, comme du reste ceux de lithographes, sérigraphes ou reprographes sont en voie d'extinction et ne sont plus enseignés. Alors, si la plume du journaliste souffre aujourd'hui de sa condition généralisée de pigiste au service de l'ATS, les Gutemberg, qui sont les véritables inspirateurs de la démocratisation de l'information, voient également la beauté de leur métier réduite aux conditions marchandes de la production de masse.

Or la capacité de diffuser une information indépendante dépend grandement de la possession des moyens de la produire et de la distribuer librement, c'est pourquoi solidaritéS dénonce cette concentration des moyens médiatiques, de l'écriture à la lecture, entièrement sous la domination des grands éditeurs. Cette prétendue rationalisation, qui touche également la Poste lorsqu'elle décide d'augmenter ces tarifs de distribution, s'opère fatalement au détriment des citoyen-nes. Et même si le devenir de la presse demeure une question cruciale, la réponse n'est certainement pas de léguer le contrôle de toute la chaîne médiatique à quelques grands groupes capitalistes qui cherchent la meilleure formule pour dégager des bénéfices. Les salariés de la SNP en savent quelque chose...

CJP