reglo neuchatel

Le Conseil d'État vient de présenter un premier bilan de sa campagne «Réglo». Portant sur la période 2016 mais prolongée jusqu'à mars 2017 pour gérer le flux des «autodénonciations», cette campagne était censée «prévenir et combattre le travail au noir, la fraude fiscale et l'abus de prestations sociales». Comme on pouvait s'y attendre, les «tricheurs», les «abuseurs» se trouvent essentiellement dans le domaine fiscal.

 

Pour convaincre les «tricheurs» de se dénoncer, la campagne «Réglo» promettait l'abandon des poursuites pénales et des amendes, une amnistie fiscale (intérêt moratoire baissé de 10 à 3 %) et, pour les prestations sociales, la renonciation à des intérêts sur les montants indûment perçus.

Sur la période concernée, c'est 641 millions de francs non déclarés qui sont apparus pour 4901 dossiers. En rentrées fiscales supplémentaires cela représente 95.4 millions de francs. À noter, au passage, que cette amnistie aux fraudeurs et fraudeuses constitue dans les faits un cadeau que l'État leur octroie. Elle leur permet de régulariser leur situation sans devoir payer les 10 % facturés aux contribuables qui prennent du retard pour payer leurs impôts. Une chose est sûre: sans engagement de contrôleurs et contrôleuses fiscaux supplémentaires pour débusquer les fraudeurs et fraudeuses, ces «tricheurs-là» (ou d'autres qui leur ressemblent) pourront simplement recommencer dans l'attente de la prochaine amnistie.

La fraude fiscale loin devant la sociale

Pour les subsides LAMal versés automatiquement aux personnes qui ont un très bas revenu – elles sont 40 000 dans le canton de Neuchâtel –, 1230 cas ont conduit à une baisse ou à une suppression des subsides. Le canton y a gagné moins de 500 000 francs, c'est-à-dire un montant de 400 francs en moyenne. Il s'agit donc de petits réajustements fiscaux avec une faible incidence sur le droit aux subsides.

Sur les 9000 personnes qui touchent des prestations complémentaires AVS/AI, 127 bénéficiaires devront rembourser un montant touché par erreur. En tout, cela représente un gain de 700 000 francs pour l'État. À noter que les prestations complémentaires AVS/AI ne s'obtiennent que sur demande. Le montant économisé par l'État à cause d'ayant-droits qui ne demandent rien (soit par méconnaissance ou même sciemment) est à coup sûr beaucoup plus élevé que ces malheureux montants repris à des personnes pauvres qui ne s'étaient de toute façon pas enrichies avec ces prestations complémentaires.

Concernant l'aide sociale, sur les 13 000 bénéficiaires que compte le canton, ce sont 32 personnes (61 si l'on compte les enfants) qui devront rembourser un montant indûment touché. Pour l'État, cela représentera un gain de 315 000 francs. On est loin des montants de la fraude fiscale.

Au bout du compte, l'État aura récupéré 94 millions des fraudeurs fiscaux dont on peut présumer qu'il s'agit pour l'essentiel de gens aisés qui ont les moyens de camoufler leurs fortunes et revenus. Du côté des pauvres, l'État aura récupéré 1,5 million. La conclusion est claire: l'argent investi pour débusquer du côté social (LAMal ; AVS/AI ; aide sociale) des erreurs, des oublis ou d'éventuels «vrais» fraudeurs et fraudeuses est à coup sûr plus élevé que ce qu'il rapporte. Pour ce qui est des «fraudeurs» fiscaux, c'est différent. Les montants sont d'une tout autre dimension, ce qui justifie pleinement notre demande de renforcement des contrôleurs fiscaux.

Ces chiffres nous laissent penser que la nouvelle loi fédérale sur la surveillance des assuré·e·s n'est qu'une opération politicienne pour stigmatiser les plus faibles et pour camoufler le fait qu'on ne veut surtout pas s'en prendre aux fortuné•e•s qui, de leur côté, cachent des milliards qui devraient revenir à l'État. HVu

(image: campagne "Réglo")

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