Séance du Conseil général (Ville de Neuchâtel), lundi 16 juin 2011



Rachat du FC-Xamax

Prise de position du groupe POP-VERT-SOL (Conseil général-Ville de Neuchâtel)

Intervention: Hélène Silberstein (solidaritéS-NE)



Le groupe POP-VERT-SOL tient à exprimer son inquiétude et son indignation quant aux conditions dans lesquelles s'est opéré le rachat du FC-Xamax. L'acquéreur, Bulat Cagaev, est un homme d'affaires, proche - il le revendique hautement - de Razman Kadyrov, chef du régime répressif mis en place en Tchétchénie (région du Caucause) après plusieurs années de guerre.


Notre groupe estime que les autorités de notre ville n'avaient pas à s'afficher - trois conseiller-e-s communaux (sur cinq) présent-e-s lors de l'apéritif préludant à la session du conseil d'administration pour le changement de propriétaire du club - aux côtés du nouvel acheteur. Elles auraient mieux fait de s'informer à bonne source sur la situation réelle de la Tchétchénie, ou sur les conditions dans lesquelles d'immenses fortunes ont été accumulées dans l'ex-URSS: au début des années 1990, la propriété d'Etat y a fait l'objet d'une vague de privatisations, réalisées dans des conditions carrément mafieuses. Si aujourd'hui en Europe les banques commencent à se soucier un peu plus de la provenance de certaines fortunes, cette prise de conscience n'est pas encore généralisée.


Ainsi, dans Le Temps (3.6.2011) cité par L'Express (4.6.2011), le conseiller aux Etats Dick Marty, auteur d'une enquête du Conseil de l'Europe sur la situation en Tchétchénie, s'exprime sans ambages sur des dérives non-limitées à l'Est européen: « De grands clubs ont été rachetés, la FIFA donne une image de magouilles, de corruption, où l'argent domine sans aucune transparence, sans contrôle démocratique. (...) La fille du président kazakh achète une villa pour 75 millions, la fille du président ouzbek fait une acquisition à Genève, et on accepte cela sans broncher, on continue à penser que l'argent n'a pas d'odeur. (...) Les autorités tchétchènes ont été, ces deux dernières années, condamnées 200 fois par la Cour européenne des droits de l'homme, du jamais vu dans l'histoire judiciaire en Europe ».


A la lueur de ces faits - devenus plus criants ces derniers jours avec la prise en mains du FC-Xamax par son nouveau propriétaire -, nous n'avons pas à nous laisser séduire par des feux d'artifices polluants, des concerts ou des discours lénifiants, du style: "C'est une opération privée, où les pouvoirs publics ne sont pas compétents". Cette triste affaire - dont nous ne vivons certainement que les premiers épisodes - devrait inciter nos autorités à une plus grande attention, notamment sur les points suivants:


1) établir une distinction stricte entre sport/spectacle professionnalisé et sports amateurs (remplissant un rôle d'éducation et de santé par le mouvement) ;

2) faire preuve de vigilance sur certains types d'investissements (sports ou jeux): un contrôle s'impose pour sauvegarder la qualité de notre vie communale.


Notre commune n'est pas à vendre: nous refusons de nous laisser acheter par qui que ce soit - peu importe la nationalité de l'oligarque... - car notre libre-arbitre et la bonne santé de la démocratie n'ont pas de prix. La logique du tiroir-caisse ne peut guider nos choix fondamentaux, qui relèvent de l'intérêt public: celui-ci prend en compte prioritairement l'intérêt du plus grand nombre de nos concitoyen-ne-s, notamment des plus faibles, que nous avons la charge de protéger.


En conséquence, nous souhaitons que le Conseil communal cesse avec effet immédiat toutes relations avec le propriétaire de Xamax, qu’elles soient de politesse, de représentation, sportives ou commerciales. Par ailleurs, les prochains budgets d'investissement concernant le stade de La Maladière et son entretien feront l'objet, de la part de notre groupe, d'un examen minutieux. Si besoin est, nous proposerons de réduire certains crédits pour leur donner, le cas échéant, d'autres affectations.


A l'occasion de ces événements, notre groupe réaffirme sa conviction que la qualité de la vie publique, fondée sur la participation citoyenne, réside dans l'autonomie et le libre-arbitre. Ceci par rapport aux logiques économiques à courte vue, avec de l’argent dont on ne connaît pas la provenance et des méthodes de gestion basées sur la menace.