Intervention de Marianne Ebel en défense du projet de résolution à l’adresse de l’Assemblée fédérale

Pour que les « sans papiers » aient accès à l’apprentissage !

 

Madame la Présidente,

Mesdames, Messieurs,

 

La Suisse a adhéré à la Convention des droits de l’enfant en 1984.

 

L’article 28 de cette convention prévoit que chaque enfant a droit à l’éducation et notamment à la formation professionnelle.

 

Avec l’arrêté proposé en 1989 par le Conseiller d’Etat Jean Cavadini et son action en 1991 en tant que prédisent de la CDIP, le canton de Neuchâtel a joué un rôle pionnier dans l’application de ce droit sur le plan cantonal et fédéral.

Aujourd’hui tous les enfants sont scolarisés dans le canton de Neuchâtel, quel que soit le statut de leurs parents. Ce droit à la formation ne règle bien sûr pas le problème du statut de leur parent, ni le leur, mais à défaut de pouvoir régler ce problème des sans-papiers, nous évitons au moins de punir et prétériter leurs enfants en les privant de l’école.

 

Mais on le sait, le droit fédéral actuel empêche ces jeunes de faire un apprentissage. Même les employeurs qui souhaiteraient les engager ne peuvent pas le faire sans tomber dans l’illégalité. La seule manière pour ces jeunes d’apprendre un métier passe par une formation à plein temps dans une école de métiers ou en faisant un lycée, puis l’université, une HES ou l’Ecole polytechnique fédérale.

 

Le 4 mars, le Conseil national a adopté une motion demandant au Conseil fédéral de mettre en oeuvre un mode d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse. C’est un signe encourageant pour un changement que nous appelons de tous nos voeux. Mme la Conseillère fédérale Eveline Widmer Schlumpf s’est dite elle aussi favorable à ce que ces jeunes sans-papiers puissent suivre des apprentissages en Suisse, soulignant qu’il lui est difficile de comprendre pourquoi des jeunes qui ont été scolarisés ici se voient privés de formation et soulignant l’injustice qui frappent celles et ceux qui voudraient faire un apprentissage, à qui l’on ferme la porte, alors que d’autres peuvent se lancer dans des études.

Cette pratique différenciée

  • pénalise des jeunes parfois nés ici et solidement intégrés dans notre pays
  • elle prive l’économie de compétence et de savoir faire potentils, dans des domaines où toutes les statistiques s’accordent à prédire une prochaine pénurie, des compétences et des savoirs faire dont la Suisse a besoin et qui, soulignons-le, représenteraient un juste investissement sur les sommes dépensés pendant la scolarité obligatoire de ces jeunes
  • prive aussi les employeurs de la possibilité d’engager des jeunes très motivés pour faire un apprentissage.

A l’heure où nous  voulons favoriser l’apprentissage dual, il est important que la législation fédérale n’entrave pas cet accès à l’apprentissage des jeunes qui n’y peuvent rien s’ils n’ont pas de statut légal.

Les employeurs doivent pouvoir librement choisir les meilleurs, les plus motivés, les mieux profilés pour le métier qu’ils souhaitent apprendre.

Nous souhaitons donner un signe positif dans ce sens. C’est le but de la résolution à l’adresse de l’assemblée fédérale que nous soumettons aujourd’hui au vote du Grand Conseil, et nous intégrons volontiers l’amendement du Conseil d’Etat qui propose de modifier la dernière phrase de notre texte, ce qui donnera

Résolution à l’adresse de l’Assemblée fédérale

Pour que « les sans-papiers » aient accès à l’apprentissage !

 

Nous avons pris connaissance avec intérêt de la volonté du Conseil national de mettre en œuvre un mode d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans papiers qui ont la capacité et la volonté d’envisager une formation professionnelle. Nous partageons la conviction de celles et ceux qui estiment qu’il vaut mieux donner à ces jeunes une occasion de se former dans une profession qui leur correspond plutôt que de les orienter dans une école à plein temps lorsque ce n’est pas véritablement leur choix ni leur voie ou, pire, de les laisser à la rue, sans avenir.

Du point de vue humain, il est injuste d’empêcher des jeunes de se former sur le plan professionnel ; du point de vue économique, il est regrettable de devoir refuser de bonnes candidatures à l’apprentissage en raison d’une loi. C’est pourquoi nous aimerions apporter aujourd’hui notre soutien à l’idée de modifier les bases légales en vigueur  pour régler uniformément au niveau fédéral l’apprentissage aux jeunes sans papiers.

 

Résolution acceptée par 89 voix sur 105.