A l’instar de tous les acteurs du système éducatif, solidaritéS estime qu’une réforme du système actuel (qui est sélectif et incohérent dans sa prise en charge des enfants) doit être urgemment conduite. Le projet soumis à consultation remplit une partie de ces buts, notamment dans la volonté de lutter contre la dévalorisation des filières (stigmatisation de la section préprofessionnelle) et ségrégation entre les élèves des différentes filières. Un système à niveaux et options permettrait en effet de redonner de la cohésion au sein des établissements scolaires et de valoriser les acquis de chacun, à condition de prévoir un encadrement suffisant (diminuer le nombre d’élèves par classe/groupe et niveau). Mais ce contrat de prise en charge individuelle de chaque élève n’est pas possible sans moyens financiers supplémentaires. A l’heure où l’on inclut tous les élèves au sein de la même classe (y compris celles et ceux qui ont un handicap, ce que nous soutenons), imaginer qu’on peut faire mieux avec moins de moyens financiers, c’est faire fausse route.

 

Nous nous opposons à l’idée sous jacente à ce projet qui ne conçoit pas l’école comme un espace d’universel, mais comme une académie pluridisciplinaire destinée à former les petites mains spécialisées du capitalisme mondialisé. Bien sûr, le projet conserve la pluridisciplinarité, mais il est acquis maintenant que l’élève qui aura choisi « Arts visuels » ira à l’école d’Art et pas ailleurs. Derrière ce processus, il y a la comptabilisation des savoirs pour plus de productivisme. Une telle sélection est problématique et se ressentira d’autant plus fortement dans le parcours scolaire  tel qu’il est conçu, avec les disciplines « non-marchandes » qui tendent à disparaître (grec, philologie, logique, italien, latin…) au profit de spécialisations  qui se veulent « plus en phase » avec le marché de l’emploi. Sans réel fil conducteur universaliste, nous craignons de voir certaines disciplines, d’importance sociétale cruciale, devenir les nouveaux parents pauvres d’un système éducatif de plus en plus privatisé. D’autant que l’exemple américain, qui s’appuie sur la participation productive et rentable de la science appliquée, où la recherche fondamentale et les sciences humaines ne pèsent pas bien lourds, ne va pas sans poser certaines inquiétudes. Dans l’optique défendue par le Conseil d’Etat, la pluridisciplinarité apparaît comme un substitut sémantique à l’idée de flexibilité exigée par le marché du travail. Nous trouvons déjà cette spécificité dans le post-obligatoire pré-académique où les élèves jonglent sans faillir entre anglais, sport et biologie.

Dès lors, si nous acceptons l’idée d’une école plus égalitariste et soucieuse du développement de chacun-e, nous déplorons une trop grande implication des impératifs économiques qui exigent cette spécialisation forcée des élèves, ce qui finalement n’est pas si libératoire que cela. Mais le problème pincipal de cette réforme réside dans le fait que l’année dite d’orientation –qui en réalité est une année de sélection- reste maintenue. Nous pensons qu’il serait au contraire grand temps de garantir une continuité effective entre le cycle primaire et le cycle secondaire et de renoncer complètement à l’idée de filières jusqu’au degré 11, tout en introduisant, l’idée de niveaux  dès que l’enfant  a acquis les connaissances de base en lecture, écriture et calcul, afin de tenir au mieux compte des aptitudes propres à chaque enfant. solidaritéS regrette en particulier que l’évaluation continue à être sélective plus que formative et qu’il ne soit pas donné à chaque enfant la chance de se développer au mieux et sans sélection, tout au long de la scolarité obligatoire, selon ses aptitudes et son rythme propre.

SolidaritéS estime que de meilleurs garde-fous doivent être posés pour sauvegarder un certain niveau de cohésion dans le champ social, soit l’acquisition d’un certain nombre de valeurs relatives au droit, à l’histoire, à la culture et au civisme. Ces matières du savoir être et de l’éducation à la citoyenneté doivent être placées au centre, et non pas en marge, de l’apprentissage. Le français et les mathématiques, comme l’anglais et l’allemand ne sont en effet pas suffisants pour construire la participation sociale d’un individu en devenir.

En conclusion, SolidaritéS ne s’opposera pas à cette rénovation, mais ne soutiendra ce projet qu’à condition d’obtenir des garanties, notamment au niveau l’encadrement (nombre d’élèves par classe/ groupe et niveau), afin que la prise en charge des élèves soit significativement meilleure qu’aujourd’hui, tienne mieux compte des rythmes individuels d’apprentissage et s’accorde avec le développement de l’enseignement post-obligatoire.

 

Le secrétaire, Camille Jean Pellaux