Les jeunes socialistes avaient déposé une motion populaire demandant que dans le canton de Neuchâtel on accorde aux jeunes le droit de vote à 16 ans. Cette motion, soutenue par le Conseil d’Etat, a été acceptée par le Grand Conseil lors de la session d’avril 2010.

Intervention de Marianne Ebel, députée solidaritéS, au nom du groupe PopVertsSol :

 

Accorder le droit de vote à 16 ans ? Sujet controversé s’il en est !

 

Que gagnons-nous à accorder ce droit aux jeunes de 16 ans ?

 

à l’inverse : Pourquoi y perdrions-nous quelque chose ?

 

D’autres cantons ou pays ont eu à trancher cette question avant nous :

* Les jeunes Glaronais peuvent exercer leur droit de vote aux niveaux communal et cantonal dès 16 ans, le droit d’éligibilité restant fixé à 18 ans. Lors de sa Landsgemeinde le 6 mai 2007 l’assemblée des citoyen-ne-s de Glaris a élargi son corps électoral de  800 nouveaux membres.

 

* Un mois plus tard, ce sont les jeunes du Canton de Berne qui obtenaient ce même droit, confirmé par un vote du peuple en juin 2008 suite au lancement d’un référendum.

 

* Lucerne, Zurich, Argovie, Schaffhouse et Bâle-ville  par contre ont majoritairement estimé qu’en tel droit était déplacé.

 

Sans vouloir faire le tour complet de la Suisse, on peut dire, en examinant les arguments des opposants que, pour l’essentiel, ce sont les mêmes arguments qui ont été, durant plus d’un siècle, opposés aux femmes qui demandaient à participer activement à la démocratie :

-         nous les femmes serions immatures

-         pas intéressées à la politique

-         pas assez informées pour pouvoir nous prononcer valablement

-         nous serions influencées par notre mari et voterions de toutes façon comme lui

L’histoire récente de la Suisse a prouvé que les électeurs de l’époque s’étaient largement trompés....

 

Notre groupe sera partagé, mais étant personnellement favorable à cette motion, permettez-moi de relever quelques arguments qu’on peut avancer en faveur du droit de vote des jeunes de 16 ans

 

d’abord, et cela est incontestable, ce serait un élargissement de la démocratie : quel que soit le nombre de jeunes qui voteront, le fait de leur accorder ce droit amènera immanquablement plus de citoyens et citoyennes aux urnes.

 

A ce propos on peut se réjouir des résultats d’une récente étude faite sur le plan national  et qui montre un fort accroissement de la participation dans la catégorie des 18 à 24 ans. Ils n'étaient que 21% à participer aux élections fédérales de 1995 contre 35% en 2007.

 

Ce regain d'intérêt pour la politique est aussi perçu, chez les plus jeunes, par les enseignants d'instruction civique.

 

Accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans donnerait d’ailleurs un sens plus fort, une portée plus directe à l’instruction civique, aujourd’hui souvent ressentie comme abstraite, loin de la vie quotidienne, alors que nous savons bien à quel point les lois sont importantes et forgent nos vies, au quotidien.

 

A ce propos, on peut noter que beaucoup de responsabilités doivent être assumées  par les jeunes bien avant 18 ans. Qu’on pense p.ex. à l’obligation de faire un choix de formation, de se déterminer sur le type de profession ou d’études ou, pour les apprentis, de s’occuper de leur déclaration d’impôt.

 

Le droit de vote, accompagné d’un renforcement de l’éducation civique à l’école, ne pourra qu’accroître l’intérêt et la participation politique des jeunes.

 

On entend parfois aussi dire que les jeunes ne devraient pas avoir trop vite le droit de vote parce qu’ils auraient à se prononcer sur trop de questions qui ne les concernent pas encore, telles les retraites ou les conditions d’acquisition de biens immobiliers, etc. Mais l’argument pourrait se retourner trop facilement pour qu’on puisse vraiment le prendre au sérieux. Les personnes âgées, ou celles qui ont quitté le marché de l’emploi,  ont, elles aussi, à se prononcer sur des questions qui ne les concernent pas (ou plus), je pense ici à toutes les questions liées aux conditions de travail pour ne citer qu’un domaine. Les personnes actives, salariées ou non, sont elles aussi amenées à se prononcer sur des points qui ne les touchent souvent pas (plus) personnellement (crèches, structures d’accueil, droit à l’avortement, etc.)

 

L’argument selon lequel les jeunes pourraient se prononcer sur des questions qui ne les concernent pas, on le voit, ne tient guère la route. On pourrait, au contraire lui en opposer un autre, qui me paraît assez fort, à savoir l’équilibre nécessaire, souhaitable en tous cas, des différentes couches de la population qui votent. De nos jours, on devient de plus en plus âgé et on vote donc plus longtemps, ce qui est heureux ; mais ne serait-il pas légitime d’apporter un meilleur équilibre au corps électoral en accordant dès 16 ans le droit de vote à celles et ceux qui le demandent et qui s’y intéressent ? Aucune tranche d’âge n’utilise son droit de vote à 100%, ce serait trop beau, mais tout ne doit-il pas être fait pour élargir la démocratie et pour favoriser la participation du plus grand nombre ?

En conclusion, et pour en revenir à  nos deux questions initiales,

 

Accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans serait immanquablement un élargissement de la démocratie ; à lui seul cet argument me paraît être de nature à nous faire pencher en faveur d’une acceptation de la motion des jeunes socialistes.

 

C’est d’autant plus vrai, me semble-t-il, qu’un tel droit

ne ferait perdre rien à personne. Au pire ce droit ne sera-t-il  pas utilisé pleinement dès le début, mais il pourrait peu à peu être envisagé et compris comme une façon de prendre part à la société et de s’y sentir intégré, pleinement partie prenante.

 

Et peut-être serait-ce là aussi un élément de réponse que nous adultes aurions avantage à apporter aux jeunes qui, on doit bien le dire et le reconnaître, sont aujourd’hui très souvent interpellés comme acteurs –consommateurs, étudiants, apprentis- mais rarement écoutés, et souvent déçus de rester marginalisés, dans un système qui, pourtant, ne cesse de les solliciter. Et si c’était là une façon de contribuer à enrayer, ne fût-ce que partiellement, la violence  parfois due au sentiment d’être les laissés pour compte ? On peut rêver, mais répondre positivement à celles et ceux qui se disent intéressés à participer à la vie citoyenne me paraît une fort bonne chose. Sans se faire d’illusion, car en soi ce droit ne changera pas la face du  monde. Mais ne pas l’accorder, en rester au statut quo, c’est à coup sûr ne pas avancer. Or comme le disent les sages, qui n’avance pas, bien souvent recule.

 

Marianne Ebel, solidaritéS