gerardo pisarello

Entretien avec Gerardo Pisarello * sur « Un long Thermidor. L’offensive du constitutionnalisme antidémocratique » (I). – 15.2.2012

 

Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Barcelone, membre de l’Observatoire des droits économiques, sociaux et culturels (DESC), activiste infatigable, maître – malgré sa jeunesse – d’étudiants universitaires et de citoyens parmi lesquels j’ai j’honneur de m’inclure, Gerardo Pisarello est l’auteur et l’éditeur de nombreux articles d’enquête, de formation et de divulgation sur le constitutionnalisme, la démocratie et les droits humains. Membre du Conseil éditorial de Sin permiso et d’autres revues incontournables, journaliste admiré à Público, Gerardo Pisarello est l’auteur de Los derechos sociales y sus garantías. Elementos para su reconstrucción (2007), publié par Trotta, la maison d’édition où a paru Un largo Termidor, nœud central de cet entretien. Avec Antonio de Cabo, il a été l’éditeur de La renta básica como nuevo derecho ciudadano (2006) et de Los fundamentos de los derechos fundamentales (2009), ainsi que de l’essai de Luigi Ferrajoli, Razones jurídicas del pacifismo (2004).

Sa dernière publication, avec Jaume Asens, autre juriste incontournable, a pour titre : No hay derecho(s). La ilegalidad del poder en tiempos de crisis (Icaria, Barcelona, 2012).

Salvador López Arnal **

 

* Pour plus d’informations sur cet auteur, cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Gerardo_Pisarello_Prados

** Pour plus d’informations sur cet auteur, cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Salvador_L%C3%B3pez_Arnal

 

« Je tente d’utiliser le concept de démocratie tout court, à la manière de Arthur Rosenberg, comme un mouvement en faveur de l’autogouvernement politique et économique »

 

- Félicitations pour ta dernière publication. Une première question sur le titre du livre : de quel « long Thermidor » (1) nous parles-tu ?

Cette expression renvoie à la révolution française. Dans le calendrier républicain, Thermidor (2) fut le mois du coup d’Etat contre le vigoureux mouvement démocratique qui suivit la chute de la monarchie Ce coup d’Etat fut réalisé pour protéger la grande propriété et les élites politiques qui lui étaient liées. Le titre du livre tente de souligner l’air de famille que ce processus conserve avec d’autres réactions antidémocratiques postérieures, en commençant par celle qui a permis la consolidation du néolibéralisme et, en général, de l’actuel capital financier.

 

- Le sous-titre est : « L’offensive du constitutionnalisme anti-démocratique ». De quoi s’agit-il ?

Le constitutionnalisme est un instrument d’organisation du pouvoir. Penser qu’il doit nécessairement être au service de la démocratie est une erreur. Déjà, les Anciens, Aristote en tête, avaient compris que la constitution matérielle d’une société pouvait être démocratique ou antidémocratique. Cette tension traverse le constitutionnalisme moderne. Par exemple, le constitutionnalisme étatsunien est né en bonne partie comme dispositif freinant les pressions à la démocratisation générées par le mouvement indépendantiste. En Europe, le constitutionnalisme thermidorien, d’abord, et le libéral ensuite tenaient de protéger la grande propriété et de contenir les réclamations des majorités populaires. Et, dans cette tradition libérale antidémocratique, il faudrait situer aussi le constitutionnalisme impulsé par le Consensus de Washington dans les années 1990. Ou celui qui se propage aujourd’hui dans l’Union européenne, en contradiction ouverte avec les garanties figurant dans les constitutions des Etats.

 

- Une catégorie centrale apparaît de manière réitérée dans ton essai, la démocratie réelle. Qu’entends-tu donc ?

En réalité, je tente d’utiliser le concept de démocratie, tout court, à la manière de l’historien Arthur Rosenberg (3). Non comme un régime fini, statique, mais comme un mouvement en faveur de l’autogouvernement politique et économique. Cette idée de la démocratie a peu à avoir avec les conceptions libérales dominantes qui prétendent la réduire, dans le meilleur des cas, à un simple mécanisme de sélection des élites. Par contre, elle s’accorde bien avec la notion antique, classique, de la démocratie comme mouvement égalitaire, d’élargissement des personnes incluses dans le « demos » (le peuple). Et avec les actuelles exigences des « indignés » de redistribution réelle du pouvoir, non seulement dans les institutions, mais aussi dans le marché.

 

- Ton livre se compose d’une introduction et de six chapitres. Commençons par l’introduction, qui débute par un hommage à Marx et Engels : « Une vague de protestations parcourt l’Europe ». Quelle est l’importance de ces protestations ? Contre quoi protestent-elles à ton avis ?

Ces protestations, précédées par celles du « printemps arabe », pourraient être vues comme partie d’une vague de révoltes populaires anti-oligarchiques. Comme des révoltes dirigées contre une variante démesurée de capitalisme rentier qui précarise, exclut et semble prêt à liquider tout obstacle démocratique qu’il trouve devant lui. Quelques voix les ont comparées avec les protestations qui ont secoué l’ordre de la Restauration et le capitalisme libéral en 1830 et en 1848. Cette dernière année est celle du « printemps des peuples » et, comme tu le relèves, celle du « Manifeste » de Marx et Engels. Il s’agit de protestations regroupant une pluralité de classes et d’acteurs non ploutocratiques autour d‘un programme incisif de démocratisation politique et sociale. Dans le cas de l’Europe ou des Etats-Unis, nous sommes aujourd’hui sans doute devant des révoltes embryonnaires, avec un impact toutefois très limité. Néanmoins, si la crise s’approfondit, il est probable que ces révoltes croîtront et donneront lieu à de nouvelles formes d’antagonisme et d’action collective. Entre-temps, elles sont l’unique espérance d’une sortie non despotique du Thermidor néo-libéral.

 

- Tu parles d’assaut oligarchique contre la démocratie. Que prétend réaliser cet assaut qui, à ton avis, n’est pas un phénomène nouveau ? Liquider les libertés citoyennes ? Annuler les conquêtes ouvrières ?

Le capitalisme financier qui s’impose devant nous peut en effet être considéré comme un assaut oligarchique contre la démocratie. Il suppose une reconfiguration profonde des relations de pouvoir qui conduit à sa concentration politique et économique. Pour l’instant, tout au moins, son objectif ne semble pas être la suppression pure et simple des libertés publiques et des droits sociaux, mais leur réduction maximale possible. Il s’agirait ainsi de préserver des régimes mixtes où coexistent des éléments oligarchiques et démocratiques, mais où ces derniers jouent un rôle marginal. Ce serait une variante dégradée de ce que les Anciens, une fois de plus, appelaient « oligarchies isonomiques » : des régimes contrôlés par des minorités, qui tolèrent l’existence de quelques libertés, dans la mesure où celles-ci ne remettent pas en cause leur domination.

 

- Tu t’appuies sur Walter Benjamin (4) et tu parles de brosser l’histoire à contre-poil. En quoi consiste cette opération ? Comment passe-t-on la brosse à contre-poil ?

A mon avis, cela suppose au moins deux choses. D’une part, rompre avec les visions linéaires, planes de l’histoire voyant en celle-ci une évolution ascendante, quasi-nécessaire, vers une liberté et une rationalité toujours plus grandes. Au contraire, il faut montrer l’histoire comme un scénario conflictuel et ouvert, marqué par de grandes tragédies et rébellions, mais dépourvue en tout cas d’un sens fixé d’avance. D’autre part, la brosse à contre-poil exige de questionner l’histoire expliquée d’en haut, selon la seule perspective du pouvoir et de ses produits. Cela suppose aussi de refléter la trace des gens d’en bas, des opprimés pour raisons économiques, sexuelles, ethniques, victimes des rapports de pouvoir dominants, mais qui résistent aussi et articulent des formes de pouvoir alternatives.

 

- Tu consacres le premier chapitre à la Constitution des Anciens. « Irruption et éclipse du principe démocratique ». Démocratie esclavagiste en général, marginalisation des étrangers, système misogyne, aussi en général, fréquemment censitaire, peu affable envers les jeunes, politiques extérieures impériales. Dans ces conditions, de l’irruption de quel principe démocratique pouvons-nous parler ?

Ta caractérisation dénonce des limites incontestables, mais à mon avis elle est trop statique. Indéniablement, les régimes politiques et économiques de l’Antiquité s’appuyaient sur des structures productives anti-égalitaires et patriarcales. Mais l’avance du mouvement démocratique a suscité le questionnement de ces bases. Ce fut alors, et ni à un autre moment, ni en un autre lieu, qu’eurent lieu les réformes institutionnelles et économiques les plus audacieuses de l’Antiquité. La démocratie attique a limité radicalement le pouvoir de la noblesse, des oligarques et des grands créanciers. En même temps, elle a bénéficié aux petits débiteurs et aux hommes libres pauvres, et elle est arrivée à donner la liberté de parole aux esclaves et aux femmes. Tout cela lui a acquis la haine des classes privilégiées. L’oligarchie n’a pas hésité à assassiner des dirigeants démocrates comme Ephialtès (5). Et une bonne partie des intellectuels, en commençant par Platon (6) et Aristote (7), a lancé de dures diatribes contre la démocratie, en la considérant comme un régime de classe qui favorisait les pauvres. Et parce qu’ils comprenaient, non sans raison, que l’impulsion égalitaire qui l’animait tendait à envahir toutes les sphères de la vie publique et privée, en octroyant un pouvoir excessif aux non-propriétaires, aux femmes et aux esclaves.

 

- Tu t’appuies tout au long de ce premier chapitre sur Aristote. Pourquoi accordes-tu tant d’importance à son œuvre ?

Hormis d’être un grand philosophe, Aristote fut un chercheur exhaustif, très zélé du travail empirique. Parmi les écrivains antiques, ce fut celui qui a le mieux connu et compris la Constitution matérielle de la polis, c’est-à-dire les relations concrètes des pouvoirs politique et économique qui la traversaient. D’entrée, nous devons à Aristote les réflexions les plus lucides sur la tension entre Constitutions oligarchique et démocratique. D’un point de vue normatif, ce fut un adversaire acharné de la démocratie pure, qu’il identifiait à la domination des pauvres libres. Mais ce fut, dans son aristocratisme, un adversaire fin, subtil. De fait, l’un des premiers à défendre la nécessité d’un régime mixte, où le principe démocratique ne disparaîtrait pas, mais viendrait à jouer un rôle accessoire, subordonné. Quelque chose qui enthousiasme évidemment, à notre époque, de nombreux libéraux et conservateurs.

 

- Tu termines ce chapitre en citant Silvia Federici (8) : « l’image qui a été transmise actuellement d’une bourgeoisie en opposition pérenne contre la noblesse et porteuse des bannières de l’égalité et de la démocratie est une distorsion ». Pourquoi crois-tu que cette distorsion a tant duré ?

En partie, c’est la conséquence de cette conception évolutionniste et plane de l’histoire si critiquée par Benjamin. Une conception assumée par un certain « progressisme » marxiste et non marxiste qui vient comme un anneau au doigt des bourgeoisies globalisatrices de notre époque. Dans ce récit, développement capitaliste et démocratisation vont de pair. Ceux qui s’opposent au développement capitaliste – la paysannerie et d’autres secteurs populaires – sont présentés comme des ennemis du progrès, de la démocratie et même du socialisme, auquel ils opposent seulement des résistances pré-politiques. Au contraire, ceux qui soutiennent ce développement capitaliste – comme la grande bourgeoisie – apparaissent comme les agents par excellence de la démocratisation. Dans la ligne d’historiens comme Rodney Hilton (9), Silvia Federici argumente de manière convaincante contre ce réductionnisme, en le présentant comme un cadeau excessif à la bourgeoisie. Face à cette image, elle montre qu’existaient des luttes paysannes et populaires préconisant une issue démocratisante aux rapports féodaux, mais aussi au capitalisme débutant. Et comment cette alternative fut frustrée, plus que par le caractère rétrograde des revendications, par le concours fréquent entre la noblesse et une bourgeoisie peu démocratique. L’importance de ce type de lectures est évidente. D’une part, parce qu’elles exigent de ne pas concéder hâtivement à la bourgeoisie – ni celle d’alors, ni celle de maintenant – des médailles de mérite démocratique. D’autre part, parce qu’elles demandent de repenser, contre un certain progressisme mécaniste, le rôle attribué aux mouvements paysans et indigènes et à leur économie politique populaire particulière dans les processus de démocratisation.

 

- Cela a-t-il quelque chose à avoir avec ce que tu appelles droit naturel révolutionnaire ? Qu’y avait-il de révolution dans celui-ci ?

Il est possible d’envisager un droit naturel révolutionnaire égalitaire. Une conception qui a inspiré les révolutions modernes et le discours des droits humains. Ce droit naturel, comme l’ont vu des auteurs tels que Ernst Bloch (10) était inscrit dans l’économie morale de la paysannerie aux 11e et 12e siècles et fut ensuite théorisé par des juristes et des philosophes. Il prêchait la reconnaissance de tous, sans distinction de sexe, les droits de participation et d’accès à la nourriture et à tout ce qui était nécessaire pour vivre. Cette conception exigeait des limites au droit de propriété privée et l’attribution des biens des riches à ceux et à celles qui en avaient besoin. Des siècles plus tard, elle fut reprise et enrichie par Bartolomé de Las Casas (11) et par l’Ecole de Salamanque (12) pour critiquer les méfaits du colonialisme en Amérique. Et, comme l’a montré l’historienne Florence Gauthier (13), elle fit partie de l’humus qui a favorisé le développement de la révolution française et d’une bonne partie des révolutions indépendantistes latino-américaines. De fait, nous pouvons affirmer que cette conception du droit naturel révolutionnaire résonne aujourd’hui dans des luttes comme celles des peuples indigènes et paysans contre le néolibéralisme en Bolivie ou en Equateur.

 

- Que te paraît-il le plus important dans les apports de Machiavel (14), par lequel tu ouvres le second chapitre de ton essai ?

J’ai toujours admiré le Machiavel républicain des Discours et de l’Histoire de Florence. Bien que n’étant pas un auteur strictement démocratique, il n’a pas dissimulé sa sympathie pour les secteurs populaires. Et, surtout, il a prévenu des périls qui s’abattent sur la république quand les oligarques, les nobles et les optimates acquièrent trop de pouvoir. Son réalisme aigu et sa connaissance de l’histoire lui ont permis de comprendre que, sans conflit, la liberté républicaine finit par se dégrader. Face aux conceptions statiques de l’ordre constitutionnel, cette vision dynamique continue d’être un remède authentique.

 

- Pourquoi crois-tu que les Levellers et les Diggers (15) furent deux mouvements politiques clefs dans la réintroduction du mot « démocratie » dans le lexique politique moderne ?

Les Levellers et les Diggers ont représenté l’aile la plus égalitaire du mouvement républicain démocratique qui renversa l’absolutisme anglais au milieu du 17e siècle. En réalité, le mot « démocratie » fut davantage utilisé contre eux que par eux. Car alors le mot « démocrate » était une insulte prétendant disqualifier un programme de réformes institutionnelles et économiques très préjudiciable aux classes dominantes. Comme dans l’Antiquité, ce programme incluait l’élargissement des droits politiques pour les petits propriétaires et la paysannerie. Et dans le cas des Diggers de Gerard Winstanley (16) un clair plaidoyer pour la réforme agraire.

 

La déclaration d’indépendance nord-américaine au 18e siècle, qui « laisse à l’écart » les populations indienne et afro-américaine, signifie-t-elle réellement une avancée démocratique ?

De nombreux processus de démocratisation génèrent une impulsion égalitaire, qui n’est pas toujours menée jusqu’à ses ultimes conséquences, mais qui remet en question les hiérarchies existantes. Le processus indépendantiste des colonies nord-américaines a déclenché des expériences notables d’autogestion et de participation populaire. Cette impulsion émancipatrice a mené des activistes comme Thomas Paine (17) à exiger son extension aux rapports entre les sexes et à la question de l’esclavage. Paine a suggéré à son ami Thomas Jefferson (18) l’inclusion d’une clause abolitionniste dans la Déclaration de 1776. En constatant les énormes résistances suscitées par une telle mesure, ce dernier a reculé. Malgré tout, la Déclaration a continué d’alimenter la mobilisation populaire et la Constitution de 1787 a été pensée, en partie, comme un instrument pour la freiner. Cela explique que la promesse égalitaire de la Déclaration ait subsisté avec force dans la conscience populaire. Les mouvements ouvriers et féministes n’ont pas cessé de l’invoquer. Et elle a joué un rôle notable dans les luttes pour les droits civiques de la population afro-américaine au 20e siècle.

 

- Je vais continuer avec la révolution française et la démocratie plébéienne.

D’accord.

Entretien avec Gerardo Pisarello sur « Un long Thermidor. L’offensive du constitutionnalisme antidémocratique » (II). – 22.2.2012

 

« Chez Marx, le communisme et le socialisme révolutionnaire apparaissent comme une radicalisation de la démocratie »

- Abordons la Révolution française. Pourquoi l’associes-tu à la démocratie plébéienne ? Qu’est-ce que cette démocratie plébéienne ?

Comme les révolutions républicaines de l’Angleterre et des Etats-Unis, la révolution française a ouvert un processus démocratique complexe et intense. Avec la chute de la monarchie, en 1792, ce processus s’est approfondi et a mis les secteurs plébéiens urbains et paysans au centre de la scène. Alors, la notion de démocratie a récupéré son sens premier, un mouvement faisant avancer les classes populaires. Une partie du programme de ces classes s’est matérialisée dans la Constitution jacobine de 1793 (19), la plus avancée et la plus démocratique, malgré ses limites, des temps modernes.

 

- Crois-tu que la gauche puisse revendiquer actuellement la figure de Robespierre (20) ? Les Jacobins ne furent-ils pas un peu autoritaires ? Ne sont-ils pas tombés dans un excès de centralisme ?

Ce qui est inacceptable, c’est la légende noire forgée par une certaine historiographie libérale et conservatrice. Robespierre a pu commettre des erreurs, mais il fut l’un des dirigeants les plus lucides et les plus probes du mouvement populaire ayant conduit à la proclamation de la République et à l’approfondissement de la démocratie. Il a critiqué sans ambages la terreur punitive de la monarchie, il a dénoncé le colonialisme français d’outre-mer, il s’est opposé au suffrage censitaire, il a condamné l’accumulation spéculative de la propriété et il a défendu l’élargissement des droits politiques et sociaux pour les classes populaires. L’accusation de tyrannie à son encontre est une infamie de ses détracteurs. Robespierre a manqué pratiquement de pouvoir exécutif. Il n’eut à son service aucune police secrète, et à un moment où la révolution était assiégée militairement par les puissances étrangères et comptait de nombreux ennemis intérieurs il a montré un sens fort de l’auto-limitation. Cela ne suppose pas de nier les sottises commises non seulement par les Jacobins, mais aussi par d’autres groupes et acteurs durant la dénommée « Terreur ». Il suffit de lire les avertissements de Tom Paine à Danton (21) sur les dangers d’une révolution incapable de se fixer des limites morales et juridiques dans le traitement de ses adversaires. Ce qui n’est pas recevable, c’est de charger du gros de ces erreurs Robespierre – qui a vécu cette conjoncture de manière tragique et mit un soin particulier à minimiser la violence. Y compris certains critiques lucides du jacobinisme, comme Babeuf (22) ou Paine, l’ont clairement vu après l’arrivée de la terreur thermidorienne. Enfin, je crois que, plutôt que de se reconnaître dans le jacobinisme ou l’anti-jacobinisme, les gauches devraient s’efforcer de suivre le conseil de Kautsky (23) en 1919 : éviter que les querelles entre les Danton, les Hébert (24) et les Robespierre se transforment en disputes fratricides finissant par ouvrir le chemin à la réaction la plus déchaînée.

 

- Quel penseur politique t’intéresse le plus dans toutes ces personnalités que nous associons à la grande révolution populaire française ?

L’impulsion démocratisante de la révolution a donné de grands noms, non seulement en France, mais par-delà ses frontières. Des agitateurs notoires et des dirigeants populaires comme Marat (25), Saint-Just (26) ou Robespierre. Des adeptes aguerries des droits des femmes, comme la girondine Olympe de Gouges (27) ou comme les révolutionnaires jacobines Claire Lacombe (28) ou Pauline Léon (29), qui en vinrent à demander des armes pour défendre les conquêtes politiques et sociales des classes plébéiennes. Des internationalistes indéniables comme Tom Paine, qui avait participé à la lutte indépendantiste nord-américaine et qui a animé le républicanisme démocratique et l’anticolonialisme là où il agissait. Resteront aussi liés à la révolution des noms comme celui de Mary Wollstonecraft (30), la grande féministe républicaine anglaise. Ou comme celui de Toussaint Louverture (31), l’esclave qui, sous l’inspiration émancipatrice de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dirigea le mouvement des Jacobins noirs qui débouchera sur l’indépendance de Haïti (32).

 

- Tu ouvres le chapitre 3 de ton livre par cette phrase : « l’hégémonie d’un libéralisme conservateur d’aspect doctrinaire a tenté d’évacuer de la conscience populaire la mémoire du républicanisme démocratique et plébéien ». Deux questions à ce propos : cette tentative d’éliminer de la conscience populaire la mémoire du libéralisme plébéien a-t-elle suivi un plan élaboré ? Y a-t-il eu une conception. D’autre part : qu’est-ce que le libéralisme doctrinaire ? Quelles furent les principales critiques formulées à son encontre ?

Je ne sais pas qu’il s’agisse d’un plan élaboré. Il est certain qu’après la chute de Robespierre et de Saint-Just, on a assisté à une répression féroce des mouvements populaires qui avaient grandi après la proclamation de la République. Cette terreur blanche, propre aux grandes vagues de recul démocratique, se reflète sans équivoque dans la Constitution de 1795. Ce texte trace un cadre institutionnel élitiste, il réintroduit le suffrage censitaire et rabaisse généralement le niveau des droits. Ce sera la carte d’identité du libéralisme doctrinaire postnapoléonien: restriction des droits politiques et sociaux, blindage du droit à la propriété privée et reconnaissance sélective de certaines libertés civiles. Une idéologie où, avec des nuances, se reconnaissaient des gens comme Benjamin Constant (33) ou Alexis de Tocqueville (34), des libéraux intelligents, mais qui défendaient un libéralisme antidémocratique et conservateur, atterré par la montée des majorités. Cette peur de la pression populaire contraste nettement avec la pensée révolutionnaire de Locke (35) ou de Kant (36), qui a fait l’éloge de la révolution française, y compris de son époque jacobine troublée. Elle contraste aussi avec la sensibilité de libéraux égalitaires comme Stuart Mill (37), qui va se rapprocher du socialisme, ou des libéraux agrariens latino-américains. De nombreux libéraux et néolibéraux actuels évitent ces distinctions. Ils tentent de s’approprier des penseurs qui ont défendu des intérêts assez éloignés des leurs et de nier les composantes élitistes et antidémocratiques de leurs propres conceptions.

 

- A plusieurs reprises, tout au long de ce troisième chapitre, tu cites Luciano Canfora (38). Dans ce cadre, quelle opinion as-tu de ses apports ?

La critique de Canfora au libéralisme doctrinaire et conservateur du 19e siècle est l’un des aspects de son œuvre qui m’intéresse le plus. Tout comme la dénonciation des liens de ce libéralisme avec un certain néolibéralisme actuel, qui n’accepte la démocratie que lorsqu’au travers des systèmes électoraux ou des mécanismes de financement des partis il réussit à la transformer en un principe inoffensif. Cet aspect de Canfora est très inspirateur. Je n’en dirais pas autant de certaines de ses lectures du monde antique, malgré son indiscutable compétence en la matière. Ou de son analyse, au 20e siècle, de phénomènes comme le stalinisme et de son influence dans la tradition communiste. A mon avis, il s’agit d’une lecture trop complaisante, dans la ligne, par moments, d’auteurs comme Domenico Losurdo (39). Je préfère la vision plus laïque et complexe offerte par Josep Fontana (40), dans sa reconstruction de l’histoire universelle des 70 dernières années.

 

- Dans Por el bien del Imperio. Una historia del mundo desde 1945 ?

Exact. A mon avis, c’est un travail important. D’entrée, si on le compare à d’autres travaux proches, comme celui de Hobsbawn (41), on perçoit la sensibilité spéciale de Fontana pour les périphéries, pour la question nationale et pour les luttes anti-coloniales en Afrique, en Asie et en Amérique. Et ensuite sa manière de se mesurer à des thèmes épineux comme l’impérialisme étatsunien, les régimes bureaucratiques dans les pays de l’Est ou les désertions de la social-démocratie. On es surpris par sa sensibilité, son rejet des manichéismes et l’adoption, toujours, d’une vision empathique envers les victimes et avec les alternatives le plus démocratiques, souvent frustrées. Quand on voit la manière dont travaille Fontana, en vérité il est inévitable de percevoir un certain schématisme dans ses propres propositions.

 

- Qui fut Isabella Baumfree (42) ? Subsiste-t-il quelque chose de ses apports et de ses luttes ?

Le « printemps européen » de 1848 eut un certain écho de l’autre côté de l’océan. Aux Etats-Unis, il se manifesta par l’irruption d’un important mouvement pour défendre les droits des femmes. Ce mouvement a maintenu des liens étroits avec le mouvement abolitionniste. Isabella Baumfree fut le nom d’esclave d’une activiste afro-américaine connue sous le nom de Soujourner Truth - quelque chose comme « La vérité qui reste » - qui défendit héroïquement ces deux causes. En 1861, elle prononça un discours fameux – Peut-être ne suis-je pas une femme ? – et elle appuya l’armée de l’Union dans sa lutte contre le Sud esclavagiste (43). Elle parvint à s’entretenir avec Lincoln (44), mais lorsqu’elle demanda des terres pour les esclavages libérés, elle cessa d’être si sympathique. Depuis lors, elle a reçu quelques hommages institutionnels, mais elle a été aussi le drapeau de mouvements anti-racistes et de féministes hétérodoxes comme Bell Hooks (45).

 

- Tu affirmes que Marx (46) se sentait héritier de la tradition républicaine-démocratique. Que signifie se sentir « héritier » d’une tradition ? Quels aspects de cette tradition républicaine convenaient-ils ou furent assumés par le révolutionnaire de Trèves ?

Marx était un penseur original, mais il ne prétendait pas partir de zéro, ni le faire en tournant le dos au mouvement des masses : sa pensée s’inscrivait dans une tradition républicaine qui avait bien compris le rôle décisif joué dans l’histoire par les questions économiques, tout comme son étroite interaction avec les questions politico-juridiques. D’où ses éloges d’Aristote ou de Machiavel. D’autre part, il s’identifiait à la tradition des opprimés et il a tenté de la lier au mouvement démocratique de masse à son époque. Chez Marx, le communisme et le socialisme révolutionnaire apparaissent comme une radicalisation de la démocratie, comme une voie pour construire une association républicaine de producteurs libres. Cette identification entre communisme et démocratie par en bas impliquait, comme chez Flora Tristan (47), que l’émancipation des travailleurs soit l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. Les réflexions théoriques de Marx et ses options pratiques ont reflété cette conviction. Il est entré en politique comme rédacteur d’un journal qui représentait l’aile gauche du mouvement démocratique allemand, et il s’est maintenu dans ce cadre, avec Engels (48), tout au long de sa vie. L’un des premiers groupes auquel Marx et Engels ont appartenu s’appelait Fraternal Democrats, un groupe lié au mouvement chartiste anglais qu’ils appuyaient. Dans leur exil de Bruxelles, Marx et Engels ont organisé les « communistes démocratiques allemands » avec la mission de travailler à l’union et à l’accord des partis démocratiques de tous les pays. Cela ne les a pas empêchés ensuite d’exercer une critique vigoureuse à l’intérieur de ces mouvements. Dans ses Gloses marginales au Programme de Gotha (1875), par exemple, Marx lance des traits mordants contre ce qu’il nomme « le démocratisme qui se meut dans les limites de ce qui est permis par la police et fermé par la logique ». En effet, il n’aspirait pas à un capitalisme réformé, mais à la démocratisation radicale de la société. Un dépassement de la division en classes qui permette aux individus un développement maximal de leurs potentialités. Marx n’a pas énoncé clairement quelle stratégie permettrait d’atteindre cet objectif. Par contre, il a critiqué celles qui ne lui paraissaient pas viables : les utopismes élitistes, les petites sectes communistes, mais aussi les illusions du socialisme d’Etat ou la recherche d’un « sauveur » charismatique. Sa critique anticapitaliste a toujours avancé en polémiquant avec ces alternatives.

 

- Quel fut l’apport de l’expérience de la Commune de Paris (49) à la tradition de la démocratie républicaine ?

La Commune de Paris (1871) fut un vaillant et créatif essai de radicalisation démocratique, réalisé dans un contexte très compliqué et contre des adversaires très puissants. Sur le plan institutionnel, la Commune a introduit des mesures audacieuses, comme l’élection populaire et la révocabilité de toutes les charges publiques, administratives ou judiciaires. Et elle a limité la rétribution de ces charges au salaire d’un ouvrier qualifié. Tout cela conserve une actualité notoire. Elle a aussi voulu appliquer ces principes dans l’ordre économique et social. Elle a annulés les arriérés de loyers, municipalisé le service de l’emploi, impulsé la gestion de fabriques et d’ateliers comme des coopératives ouvrières. Tout cela, avec un esprit fortement égalitaire, qui a donné une place notable aux étrangers et aux femmes. Naturellement, ce ne fut pas une expérience idyllique. Des erreurs ont été commises sur le plan économique; il y eut des problèmes pour articuler les mécanismes de démocratie directe avec ceux de la démocratie représentative et des tâches furent laissées en suspens, comme l’établissement de liens entre les travailleurs urbains et la paysannerie. Beaucoup de ces tâches auraient pu être accomplies si la Commune n’avait pas dû gérer l’assaut criminel de l’armée versaillaise et de ses complices. Raison pour laquelle, malgré ses limites, la Commune est restée l’exemple d’une lutte démocratique à la base: elle montre ce que les gens d’en bas sont capables de faire, lorsqu’ils décident de « monter à l’assaut du ciel » et de prendre le contrôle de leurs vies.

 

- Faut-il ranger la catégorie « dictature du prolétariat » aux archives des concepts périmés et ne plus l’en extraire ?

Je crois que la catégorie, comme telle, est discréditée, mais les questions de fonds qu’elle pointe n’ont pas disparu. Dans des sociétés profondément inégales, la démocratisation implique le conflit. Parce qu’elle suppose d’en finir avec des privilèges, que leurs détenteurs ne cèdent pas de bon gré. Marx et Engels – comme Machiavel et beaucoup d’autres républicains – pensaient que cela ne se produirait pas sans utiliser la force. L’unique manière pour que cet usage de la force ne dérive pas vers le despotisme ou le simple arbitraire, c’est que cette force soit utilisée par les majorités sociales, dans un contexte d’ample pluralisme. La dictature du prolétariat se voulait un moment exceptionnel, mais nécessaire de force, permettant aux majorités sociales de faire plier la résistance des minorités privilégiées, selon le modèle de la dictature temporaire dans la Rome antique. Une institution républicaine qui admettait une certaine concentration des pouvoirs, mais limitée dans le temps et soumise à des contrôles. Il ne s’agissait donc pas d’une carte blanche à la violence indiscriminée. Marx pensait – même si cela apparaît aujourd’hui contradictoire – à une dictature démocratique: quelque chose de similaire à la Commune parisienne de 1871. Ce qui s’est passé ensuite, les régimes despotiques de Staline (50) ou de Pol Pot (51), n’a rien à voir avec cela. Ce furent des dictatures sur le prolétariat et sur la dissidence, souvent communiste, socialiste, anarchiste. Ces expériences et celle d’autres dictatures criminelles – Hitler (52), Mussolini (53), Franco (54) ou Pinochet (55) – ont discrédité ce concept. Mais aucun projet émancipateur ne peut éluder le débat de fonds sous-jacent: le rapport entre l’élimination de l’injustice, de l’oppression, et la nécessité de la force. Pensons au pouvoir concentré par le capital spéculatif, par les entreprises transnationales, par les grandes oligarchies économiques. Ces phénomènes ne pourront pas être contrecarrés par le simple dialogue ou par l’action communicative. Il faudra aussi utiliser la force. Le défi, c’est d’éviter que cet usage de la force se traduise par un appauvrissement des libertés démocratiques, engendrant des logiques militaristes irréversibles ou dérivant vers de nouvelles formes de despotisme. Pour que cela ne se produise pas, il faut la penser comme une force capable de minimiser la violence, de s’imposer des limites et de se soumettre à des contrôles juridiques. Parce que, sans contrôles, même les « purs » peuvent tomber dans l’arbitraire. Telle est, du moins, la leçon des tragiques expériences du 20e siècle.

 

- Passons au chapitre suivant et à la partie finale de cet entretien. D’accord ?

D’accord.

 

 

 

Entretien avec Gerardo Pisarello sur « Un long Thermidor. L’offensive du constitutionnalisme antidémocratique » (III). – 27.2.2012

 

- Venons-en à un autre chapitre de ton livre. Aujourd’hui, quels aspects de la révolution mexicaine peut-on revendiquer ?

La révolution mexicaine fut un processus fascinant de démocratisation dans un pays périphérique, confronté à une modernisation autoritaire et générant l’exclusion. Hormis quelques secteurs ouvriers urbains, ses grands protagonistes furent la paysannerie et les peuples indigènes. Cette génération d’hommes et de femmes – celle de Zapata (56), Villa (57) ou les frères Flores Magon (58) – ont donné un contenu nouveau au mot d’ordre républicain « Terre et liberté ». Ils ont laissé leur trace dans la première constitution sociale du XXe siècle : la Constitution de Queretaro (1917) tentait de rénover l’héritage de la Révolution française, en ajoutant à la revendication des droits de l’homme et du citoyen, les droits des travailleurs et des paysans. Cette promesse égalitaire et laïque, comme l’a expliqué brillamment Adolfo Gilly (59), fut souvent annulée ou interrompue par de féroces résistances internes et externes. Mais elle a survécu dans l’ascension du cardénisme, dans des soulèvements paysans comme ceux de Ruben Jaramillo (60) ou Lucio Cabanas (61), dans les luttes étudiantes pour défendre l’éducation publique et dans les nombreuses protestations indigènes et populaires qui ont eu lieu durant ces dernières décennies. Je crois que ce fil rebelle n’a pas disparu. Tôt ou tard, il se fera sentir même dans le funeste scénario narco-oligarchique et paramilitaire que vit le Mexique actuel.

 

- Tu parles de L’Etat et la Révolution de Lénine (62). De la théorie léniniste de l’Etat, quelque chose peut-il nous être utile aujourd’hui ?

Je ne crois pas que l’on puisse parler d’une « théorie » léniniste de l’Etat. Lénine fut un dirigeant perspicace, qui adaptait ses points de vue aux changements des circonstances. Il croyait à la nécessité de renverser l’Etat tsariste et de construire une démocratie socialiste. Il pensait que la voie parlementaire suggérée par la social-démocratie allemande ne fonctionnerait pas en Russie. Mais sa propre proposition de construction du socialisme a passé par différentes étapes. Comme Marx, il fit l’éloge de la Commune de Paris. Il a lancé l’idée d’une démocratie des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats. Ensuite, il a pris conscience que, dans de vastes territoires, la démocratie exigeait la planification et la combinaison entre mécanismes de démocratie directe et mécanismes représentatifs. Et il s’est voué à l’organisation de l’instrument qui rendrait ce processus possible, le parti politique. Le parti bolchevique fut très efficace dans la lute contre l’autocratie tsariste. Ensuite, il a généré des inerties centralistes et autoritaires, qui conspiraient contre la construction – par en bas et plurielle – d’une démocratie socialiste. A mon avis, Lénine en fut partiellement responsable. Certes, il a tenté de le corriger. Mais la maladie l’a laissé hors-jeu à un moment politique décisif.

 

- A ton avis, les critiques de Rosa Luxemburg (63) à certains aspects de la révolution bolchevique étaient-elles raisonnables ?

Rosa a salué avec enthousiasme le processus révolutionnaire russe. Mais, avec lucidité, elle a alerté sur les risques de réduction du pluralisme et de la liberté de critique à l’intérieur de ce processus. Rosa fut une socialiste avec une forte sensibilité anti-bureaucratique. Une sensibilité qui provenait de son expérience allemande : en effet, le parti social-démocrate allemand était traversé par une contradiction de fonds. D’un côté, c’était le parti socialiste le plus important en Europe et il maintenait un lien étroit avec des syndicats de masse. D’autre part, il avait généré un vaste appareil réticent aux grands changements. Cette institutionnalisation a suscité des thèses comme celle de Robert Michels (64) sur la loi de fer des oligarchies. A un moment, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht (65) ont compris que l’unique manière de résoudre cette contradiction était de créer un nouveau parti, un parti avec davantage de volonté de lutte, bien que minoritaire. Pour quelqu’un qui considérait essentiel le lien avec les masses, il n’a pas dû être simple d’adopter ce point de vue. En tout cas, la situation était très différente en Russie. Le parti bolchevique était beaucoup plus chaotique. Quand Rosa a polémiqué avec les bolcheviks, certaines décisions de ces derniers avaient commencé d’éroder la pluralité interne d’un mouvement de démocratisation qui les dépassait et qui était antérieur a Octobre 1917. Rosa a maintenu sa loyauté envers le processus, mais elle a fortement réagi contre le péril bureaucratique naissant.

 

- Des penseurs comme Carl Schmitt (66) peuvent-ils apporter quelque chose à la philosophie politique de gauche ?

Schmitt est un représentant intéressant de la pensée de droite antilibérale et antisocialiste à l’époque de la République de Weimar (67). Juriste cultivé, l’un des classiques du 20e siècle, il développa une vision pénétrante des rapports de pouvoir, combinant de manière originale réalisme et vitalisme. Il a suscité des disciples de gauche comme Otto Kirchheimer (68) ou Franz Neumann (69). A un moment de forte crise économique, il dénonça la décomposition de la démocratie parlementaire, en forçant beaucoup le trait, pour pouvoir justifier ses propres alternatives politiques. Il eut la vertu de rappeler que la politique était un conflit et que cette conjoncture ne se résoudrait pas sans prendre des décisions fortes, capables de changer le cours des choses. Son option personnelle fut la plus réactionnaire possible : l’appel à un Führer, un chef, sachant interpréter la volonté du peuple allemand. Il ne s’agissait pas, c’est clair, d’une option innocente. Mais la gauche d’alors n’a pas su ou n’a pas pu réagir à ce défi. Notre situation actuelle n’est pas si différente. Plutôt que de se nourrir de Schmidt, les gauches démocratiques devraient articuler une réponse efficace au nouveau défi populiste, autoritaire et xénophobe lancé par la droite extrême et pas si extrême…

 

- Tu cites au chapitre 4 ces paroles du juriste social-démocrate allemand Hermann Heller (70) : « Nous savons bien qu’un Etat ne se garantit pas seulement par les bulletins de vote, et nous témoignerons de cette connaissance de manière pratique au moment d’une tentative d’agression violente. Alors, nous défendrons la Constitution de Weimar, s’il le faut, les armes à la main ! ». Cette détermination est-elle aujourd’hui nécessaire ? Qui est disposé à l’assumer ?

Il s’agit d’une phrase révélatrice. Heller appartenait aux secteurs les plus modérés de la social-démocratie, il n’était pas marxiste. Il aspirait à un socialisme d’Etat, construit de manière progressive par des réformes légales et des alliances avec d’autres partis. Durant la première époque de la République de Weimar, il a pensé que le parti social-démocrate pourrait diriger cette possibilité et il s’est consacré à conseiller juridiquement quelques propositions de réformes. L’approfondissement de la crise lui a permis de prévoir les difficultés de cette voie. Il écrivit alors un article au titre prémonitoire : « Etat social de droit ou dictature ». Le dilemme posé était clair : ou on construisait un Etat social – même socialiste -, capable de surmonter l’anarchie du capitalisme financier de l’époque, ou une dictature fasciste s’imposerait. L’avance violente et para-légale de l’extrême-droite mena le pacifiste et modéré Heller à prononcer l’avertissement que tu mentionnes. Mais il était trop tard. Heller mourut exilé en Espagne, peu avant le coup d’Etat illégal qu’y perpétra aussi la réaction. En tout cas, l’alternative reste actuelle. Il suffit de penser à des cas comme la Bolivie et le Venezuela, où les oligarchies locales ont incité à des coups d’Etat (71). Que serait-il arrivé sans l’appui au moins d’un secteur de l’armée et de la mobilisation populaire ? Regarde ce qui s’est passé au Honduras dans une situation similaire.

 

- Quelle opinion as-tu sur le travail constitutionnel de Luis Jiménez de Asúa ? Est-ce une figure suffisamment rappelée ?

Jiménez de Asúa fut avant tout un grand pénaliste, un juriste qui se vit contraint d’entrer dans la politique de parti en raison des circonstances. Il s’affilia au PSOE (72) en 1931. Néanmoins, son travail aux Cortès constituants fut décisif pour consolider les éléments les plus progressistes de la Constitution républicaine. Avec le civiliste Felipe Sánchez Román (73), qui participa de manière importante au débat sur la réforme agraire, il fut l’une des voix juridiques les plus importantes de la 2e République. Il pensait avoir contribué à la rédaction d’une Constitution laïque et de gauche, bien que non-socialiste. Il lui arriva un peu la même chose qu’à Heller. C’était un modéré. Mais lors du soulèvement franquiste il finit comme ambassadeur à Prague, tentant d’obtenir des armes pour la République. Je dirais que l’oubli de son travail constitutionnel coïncide avec la marginalisation du texte de 1931. Par contre, je ne saurais pas te dire jusqu’à quel point il est revendiqué comme l’important pénaliste qu’il fut. Je suis certain de la profonde estime dans laquelle le tenaient ses disciples argentins de l’exil. De fait, l’un d’eux a fini par occuper une place importante dans la magistrature espagnole postérieure à la Transition (74). Même si j’ai l’impression qu’il n’a pas trop fait honneur au maître.

 

- Qu’est-ce que le consensus constitutionnel d’après-guerre ? Quels en sont les protagonistes ?

La chute du nazisme et du fascisme a engendré de grandes attentes de démocratisation. Cela incluait de sévères critiques au capitalisme et des plaidoyers rénovés en faveur d’une démocratie socialiste. Néanmoins, tout ce processus se retrouva très vite pris en tenaille par le climat de la guerre froide. A l’Est, les tentatives de constitutionalisme socialiste et démocratique se heurtèrent à la cécité de la bureaucratie soviétique. A l’Ouest, les Etats-Unis et les grands capitaux tracèrent leurs propres lignes rouges: l’acceptation de limites aux bénéfices des entreprises et la reconnaissance de quelques droits sociaux, mais dans le cadre de constitutions qui blindaient l’économie capitaliste et maintenaient le principe démocratique soigneusement éloigné des entreprises. Cela comportait un changement important par rapport au constitutionalisme de l’Entre-deux-guerres : les constitutions républicaines n’étaient pas socialistes, mais elles admettaient des développements politiques et économiques dans cette direction. En termes généraux, le « consensus » d’après-guerre s’établissait autour d’un capitalisme social, régulé, mais finalement c’était le capitalisme. Une bonne partie de la démocratie chrétienne, de la social-démocratie et des syndicats l’ont accepté. C’était un pacte asymétrique, qui satisfaisait en partie les aspirations des travailleurs et des classes populaires. Mais il comportait en même temps une limitation significative des attentes démocratiques antifascistes.

 

- Tu parles de Salvador Allende (75) dans le chapitre 5 du livre. Allende et l’Unité populaire (76) ne furent-ils pas très ingénus, en faisant confiance au chemin démocratique vers le socialisme (ou vers le coup d’Etat fasciste, selon la manière dont on voit les choses ?

En Amérique latine, les Etats-Unis et les oligarchies locales ont saboté avec acharnement toute tentative d’articuler des régimes constitutionnels raisonnablement sociaux et démocratiques. Tout cela leur semblait relever du communisme. Au Chili, cette logique a atteint son paroxysme. Nixon (77) et la CIA (78) firent l’impossible pour éviter l’arrivée au gouvernement d’Allende, qui avait été ministre du Front populaire (79) dans les années 1930. Ils financèrent l’opposition et firent assassiner les militaires loyaux au nouveau régime. Il est difficile de dire comment un dirigeant aux convictions socialistes et démocratiques aurait dû agir dans ces circonstances. L’excellent documentaire de Patricio Guzmán (80) montre bien la complexité de l’affaire. Allende et l’Unité populaire ont tenté d’élargir leur base d’appui social, d’ouvrir des espaces de participation et adopter des mesures qui augmenteraient le niveau de conscience des secteurs populaires. Les grandes entreprises et le gros de l’opposition l’ont totalement boycotté, avec l’appui extérieur, c’est clair. A gauche, des groupes comme le MIR (81) exigeaient d’avancer plus rapidement et d’armer la base. Je doute que ce dernier point aurait permis d’éviter la catastrophe. Au moment du coup d’Etat, il y eut de nombreuses responsabilités. La force a manqué, mais aussi la mobilisation populaire et l’appui international. Peut-être y a-t-il eu de l’ingénuité à l’heure d’évaluer les affinités de l’armée chilienne. Mais il me semble que même la personne la mieux informée n’aurait jamais imaginé une clique militaire aussi sanguinaire et sans scrupules.

 

- Lorsque tu parles des révolutions ou des contre-révolutions des élites, à quelles élites te réfères-tu ? Quel processus a suivi leur processus contre-révolutionnaire ? Ont-elles vaincu ?

C’est ce que nous commentions auparavant. Une partie importante du patronat et des dirigeants politiques d’après-guerre a accepté les charges que leur imposait le constitutionalisme social et démocratique. Mais ils l’ont fait à contrecœur. Ils n’ont jamais cessé d’agir pour s’en débarrasser. La progressive étatisation des syndicats et de la gauche leur a facilité le travail. Et la chute du Mur de Berlin leur a permis d’asséner un coup décisif. La rébellion des élites dénoncée par Lasch (82) fut une contre-réforme destinée à vider les constitutions d’après-guerre de leurs aspects les plus protecteurs et démocratiques, et à imposer une nouvelle légalité thermidorienne favorisant la privatisation et la dépossession de droits sociaux et politiques basiques.

 

- Est-ce cela que tu appelles Constitution oligarchique ? En sommes-nous à ce point ?

Maintenant, nous continuons d’avoir des constitutions mixtes, où coexistent des éléments oligarchiques et démocratiques. Mais avec l’avancée des politiques néo-libérales, l’élément démocratique et participatif perd toujours plus sa substance. Dans des pays comme la Grèce et l’Italie, les élections apparaissent comme un problème. Nous ne savons pas où tout cela peut finir. Pour contrecarrer le constitutionalisme anti-démocratique qu’on veut nous imposer, il faudrait une résistance populaire, large et énergique – syndicale, indignée. Sinon, nous connaîtrons une dérive despotique toujours plus crue.

 

- Vois-tu des signes d’espérance, de rébellion et de résistance dans les processus démocratiques de pays latino-américains comme le Venezuela ou la Bolivie ?

De nombreuses politiques d’ajustement, appliquées aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, ont été menées en Amérique latine durant la décennie 1990 du siècle passé. La détérioration sociale fut énorme. Des révoltes populaires se sont produites contre le bradage du secteur public et contre les partis qui y consentaient. Quelques pays, comme le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur, ont connu des processus constituants très participatifs. Ils ont approuvé des constitutions avec un contenu social et écologique avancé. Il est vrai que tout n’est pas résolu et qu’aujourd’hui il existe même des signes de stagnation. Mais les recettes néo-­libérales – qui sont présentées en Europe comme des faits consommés, irrésistibles – ont été remises en cause. Si l’on impulsait ici un audit citoyen de la dette, comme celui mis en route en Equateur, par exemple, il ne serait pas facile aux grandes banques et au bloc des constructeurs immobilier de traverser la crise si impunément.

 

- La démocratie, écris-tu à la fin de ton livre, « se conquiert, jour après jour, par des accords et des consensus, mais aussi par la dissidence et le conflit nécessaires pour susciter des relations sociales plus égalitaires et libres de violence. C’est ici, possiblement, son essence et sa valeur ». Où est cette essence ? Dans la révolution, la lutte, la dissidence ininterrompue ? N’est-ce pas un processus qui épuise excessivement, trop peut-être, des êtres humains avec mille problèmes sur leurs épaules et dix mille inquiétudes dans leurs âmes ?

Démocratiser suppose distribuer le pouvoir et assumer des responsabilités. Cela exige une attitude rebelle face au privilège et à l’injustice. Mais aussi, comme le suggère la citation que tu évoques, la capacité d’arriver à des accords pour assumer le point de vue des autres et pour s’engager avec ce qui est à tous. Rien de cela n’est simple dans des sociétés avec une division sociale et sexuelle du travail injuste, qui oblige les individus à agir sur de multiples fronts domestiques, professionnels et publics. Néanmoins, c’est une alternative raisonnable, parfois la seule, à la perte croissante d’autonomie ou à la complicité avec la misère existante. La démocratie réclame des êtres autonomes, rebelles et coopératifs, mais c’est en même temps l’unique voie pour les susciter. Après, ça ne garantit pas le bonheur. Mais au moins, ça nous rend plus dignes d’elle, comme l’affirmait Kant.

 

- Crois-tu que le passé puisse continuer d’alimenter l’étincelle de l’espérance présente ? Ne faut-il pas être un peu crédule pour continuer d’y croire, face à tant de motifs pour la désolation culturelle, politique ou même anthropologique ?

Quand l’ange de l’histoire benjaminienne regarde en arrière, il voit certainement des tragédies et des cruautés désolantes. Il voit la guerre, l’exploitation de l’homme par l’homme, la dévastation de la nature, la cupidité illimitée. Mais il voit aussi la coopération, l’empathie avec le mal-être et la souffrance des autres, la lutte festive pour la liberté. Par moment, on se sent tenté de penser que ces impulsions se sont estompées. Mais elles sont là. Et l’évocation de la mémoire rebelle est une bonne manière de les activer. Et de trouver des raisons, au milieu de tant de malheur, pour préserver l’humour et lutter en faveur d’une vie et d’un monde moins brutal.

 

- En te lisant, on pense aux réflexions proches de Antoni Domènech (83). Par quels aspects de sa philosophie politique ce disciple de W. Harich (84) et Manuel Sacristán (85) t’a-t-il influencé ?

Une bonne partie des idées contenues dans mon essai est une version synthétique, quasi vulgarisatrice, de thèmes traités par Toni avec une grande pénétration analytique et une rigueur philologique dans ce livre sans égal, El eclipse de la fraternidad (86). Le long Thermidor que nous vivons a pas mal à voir avec l’éclipse de cette grande valeur républicaine dont parle Toni. Et ma lecture du principe démocratique doit sur plus d’un point à sa reconstruction républicaine de la tradition socialiste. Naturellement, il y a d’autres ascendances. Ma manière de voir le droit et le constitutionnalisme doit beaucoup à des maîtres comme Carlos de Cabo (87), Luigi Ferrajoli (88), Antonio Baylos (89) ou Joaquin Herrera (90). Et les lectures philosophico-politiques ou directement politiques, à ce que m’ont appris des amis comme Jaime Pastor (91) et d’autres disciples de Manuel Sacristán.

 

- Tu dédies ce livre « A Aurora Pisarello ». Une citoyenne résistante, signales-tu, dans le pays incivil. De quel pays s’agit-il ?

Je suis moi-même un fils du long Thermidor argentin ayant débouché sur les dictatures de Onganía (92), tout d’abord, puis de Videla (93) et de ses acolytes, ensuite. Mon père était avocat. Il défendait les prisonniers politiques et il fut séquestré et assassiné peu avant le coup d’Etat de 1976. Ma mère a assumé son nom de famille comme un geste politique et a résisté dans des conditions très dures, comme des milliers d’Argentins. J’imagine que ces démons biographiques s’agitent aussi en moi au moment de choisir des thèmes et de me prononcer sur eux.

 

- Je ne vois pas de meilleure manière pour terminer cet entretien que de te remercier très sincèrement. Veux-tu ajouter quelque chose ?

Simplement, te remercier aussi de l’intérêt et du valeureux travail de pédagogie politique, culturelle et scientifique que tu viens d’effectuer et duquel nous apprenons tant. Et remercier les lectrices et les lecteurs qui ont eu la patience d’arriver jusque là.

 

Propos recueillis par Salvador López Arnal

Traduction de l’espagnol et notes : Hans-Peter Renk

1) Gerardo Pisarello, Un largo Termidor : la ofensiva del constitutionalismo antidemocrático. Madrid, Ed. Trotta, 2011

2) Françoise Brunel, Thermidor : la chute de Robespierre, 1794. Bruxelles, Ed. Complexe, 1989 (La mémoire des siècles ; 211)

3) Arthur Rosenberg (1889-1943), Demokratie und Klassenkampf im Altertum. Bielefed, 1921. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Rosenberg

4) Michael Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie : une lecture des thèses « sur le concept d’histoire ». Paris, Presses universitaires de France, 2001 (Pratiques théoriques)

5) Ephialtès, homme politique athénien, assassiné en 461 avant J.C.

Cf. http://www.universalis.fr/encyclopedie/ephialtes

6) Platon, La République: du régime politique. Paris, Gallimard, 1994 (Folio. Essais ; 228)

7) Aristote, La politique. Paris, J. Vrin, 2005 (Bibliothèque des textes philosophiques)

8) Silvia Federici (Ed.), Enduring Western civilization : the construction of the concept of Western civilization and its « others ». London, Praeger, 1995

9) Rodney Howard Hilton (1916-2002), historien marxiste britannique.

Cf. http://en.wikipedia.org./wiki/Rodney_Hilton

10) Ernst Bloch (1885-1977), Le principe espérance. Paris, Gallimard, 1976-1991 (Bibliothèque de philosophie). Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_Bloch

11) Bartolomé de Las Casas (1474-1566), conquistador, puis prêtre espagnol, défenseur des Amérindiens. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_Las_Casas

12) Ecole de Salamanque : groupe de théologiens et de juristes espagnols du XVIe siècle.

Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartolom%C3%A9_de_Las_Casas

13) Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution : 1789-1795-1802. Paris, Presses universitaires de France, 1992 (Pratiques théoriques). Réédition : Florence Gauthier, Triomphe et mort de la révolution des droits de l’homme et du citoyen. Paris, Syllepse, 2014 (Histoire : enjeux et débats)

14) Niccolò Machiavelli (1469-1527), philosophe et homme politique florentin.

Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Machiavel

15) Olivier Lutaud (Ed.), Les Niveleurs, Cromwell et la République. Paris, Julliard, 1967 (Archives ; 31)

16) Gerrard Winstanley (1600-1676), L’étendard déployé des vrais Niveleurs, ou, L’Etat de communisme exposé et offert aux fils des hommes. Paris, Ed. Allia, 2007.

Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gerrard_Winstanley

17) Thomas Paine (1737-1809), pamphlétaire et révolutionnaire étatsunien, membre de la Convention nationale (1792-1793 et 1795). Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Paine

18) Thomas Jefferson (1743-1826), 3e président des Etats-Unis d’Amérique du Nord, USA (1801-1809). Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Jefferson

19) On peut trouver le texte complet de cette constitution, sur le site http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-du-24-juin-1793.5084.html

20) Maximilien Robespierre (1758-1794), député à l’Assemblée constituante (1789-1791), puis à la Convention nationale (1792-1794), membre du Comité de salut public (1793-1794) et du Club des Jacobins.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maximilien_de_Robespierre

21) Georges Danton (1759-1794), ministre de la Justice (1792), député à la Convention nationale (1792-1794), membre du Comité de salut public (1793) et membre du Club des Cordeliers et du Club des Jacobins.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Jacques_Danton

22) François-Noël, dit Camille, puis Gracchus, Babeuf (1760-1797), révolutionnaire français. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Gracchus_Babeuf

23) Karl Kautsky (1854-1938), théoricien marxiste, membre du SPD.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Kautsky

24) Jacques-René Hébert (1757-1794), rédacteur du journal Le Père Duchesne (1790-1794), substitut du procureur de la Commune de Paris (1792-1794), membre du Club des Cordeliers et du Club des Jacobins.

. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Ren%C3%A9_H%C3%A9bert

25) Jean-Paul Marat (1743-1793), rédacteur du journal L’Ami du Peuple (1789-1793), membre de la Convention nationale (1792-1793).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Marat

26) Louis-Antoine Saint-Just (1767-1794), député à la Convention nationale (1792-1794), membre du Comité de salut public (1793-1794) et du Club des Jacobins.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Antoine_de_Saint-Just

27) Marie Gouze, dite Olympe de Gouge (1748-1793), femme de lettre et féministe. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Olympe_de_Gouges

28) Claire Lacombe (1765- ?), actrice et militante révolutionnaire,membre de la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Claire_Lacombe

29) Pauline Léon (1768-1838), militante révolutionnaire, membre de la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires (1793). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauline_L%C3%A9on

30) Mary Wollstonecraft (1759-1797), féministe anglaise.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Wollstonecraft

31) Toussaint-Louverture (ca 1743-1803), dirigeant de la révolution anti-esclavagiste de Haïti. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Toussaint_Louverture

32) Cyril Lionel James, Les Jacobins noirs : Toussaint Louverture et la révolution de Saint Domingue. Paris, Ed. Caribéennes, 1983 33)

33) Benjamin Constant (1767-1830), romancier et homme politique français.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Constant

34) Alexis de Tocqueville (1805-1859), philosophe et homme politique français.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_de_Tocqueville

35) John Locke (1632-1704), philosophe anglais.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Locke

36) Immanuel Kant (1724-1804), philosophe allemand.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Kant

37) John Stuart Mill (1806-1873), philosophe et économiste britannique.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Stuart_Mill

38) Luciano Canfora (né en 1942), philologue et historien italien.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Luciano_Canfora

39) Domenico Losurdo (né en 1941), philosophe communiste italien.

Cf . https://fr.wikipedia.org/wiki/Domenico_Losurdo

40) Josep Fontana i Lázaro (né en 1931), historien catalan.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Josep_Fontana

41) Eric Hobsbawm (1917-2012 ), historien communiste britannique.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Eric_Hobsbawm

42) Isabella Baumfree (ca 1797-1883), dite Sojourner Truth, esclave , abolitionniste et féministe nord-américaine. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sojourner_Truth

43) Guerre de sécession (1861-1865), déclenchée par les Etats esclavagistes du sud des USA.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_S%C3%A9cession

44) Abraham Lincoln (1809-1865), 16e président des Etats-Unis d’Amérique du Nord, USA. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Abraham_Lincoln

45) Gloria Jane Watkins, dite Bell Hooks (née en 1952), féministe nord-américaine.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bell_hooks

46) Karl Heinrich Marx (1818-1883), théoricien et militant communiste.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Marx

47) Flora Tristan (1803-1844), féministe et socialiste française.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Flora_Tristan

48) Friedrich Engels (1820-1895), théoricien et militant communiste.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Engels

49) Commune de Paris (1871). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Commune_de_Paris_(1871)

50) Iosif Visarionovic Djugachvili, dit Joseph Stalin (1878-1953), secrétaire général du PC(b)US (1922-1953) et président du Conseil (1946-1953).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Staline

51) Saloth Sâr, dit Pol Pot (1925-1998), dirigeant des Khmers rouges et chef de l’Etat cambodgien (1976-1979). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pol_Pot

52) Adolf Hitler (1889-1945), dirigeant du NSDAP et chancelier de l’Allemagne (1933-1945). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Hitler

53) Benito Mussolini (1883-1945), fondateur du parti fasciste et premier ministre de l’Italie (1922-1943), puis chef de la République sociale italienne (1943-1945).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Benito_Mussolini

54) Francisco Franco y Bahamonde (1892-1975), chef de l’Etat espagnol (1936-1975).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Franco

 

55) Augusto Pinochet (1915-2006), militaire chilien, chef de l’Etat (1974-1990).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Augusto_Pinochet

56) Emiliano Zapata (1879-1919), révolutionnaire mexicain, Etat de Morelos.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emiliano_Zapata

57) Francisco, dit Pancho, Villa (1878-1923), révolutionnaire mexicain, Etat de Durango.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pancho_Villa

58) Les frères Flores Magon, révolutionnaires mexicains, dont deux (Ricardo et Enrique) se réclamaient d’une orientation anarchiste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A8res_Flores_Mag%C3%B3n

59) Adolfo Gilly (né en 1928), professeur à l’Université nationale autonome de México et militant de gauche révolutionnaire. Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Adolfo_Gilly

60) Ruben Jaramillo (1900-1962), guérillero mexicain (d’origine paysanne), Etat de Morelas.

https://es.wikipedia.org/wiki/Rub%C3%A9n_Jaramillo

61) Luciano Cabanas (1938-1974), maître rural, puis guérillero mexicain, Etat de Guerrero.

https://es.wikipedia.org/wiki/Lucio_Caba%C3%B1as

62) Vladimir Ilitch Oulianov, dit N. Lénine (1870-1924), dirigeant bolchévik, président du Conseil des commissaires du peuple (1917-1924).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Ilitch_L%C3%A9nine

63) Rosa Luxemburg (1871-1919), militante socialiste et théoricienne marxiste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_Luxemburg

64) Robert Michels (1876-1936), sociologue italien, d’origine allemande.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Michels

65) Karl Liebknecht (1871-1919), militant socialiste, puis communiste allemand.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Liebknecht

66) Carl Schmitt (1888-1985), juriste et philosophe allemand.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Schmitt

67) République de Weimar (1918-1933), nom du régime allemand après la chute du IIe Reich.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_de_Weimar

68) Otto Kirchheimer (1905-1965), juriste socialiste allemand.

Cf, https://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Kirchheimer

69) Franz Neumann (1900-1954), juriste et philosophe allemand.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Franz_Leopold_Neumann

70) Hermann Heller (1891-1933), juriste socialiste allemand.

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_de_Weimar

71) coup d’Etat du 11 avril 2002 contre le gouvernement du président Hugo Chávez.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Coup_d%27%C3%89tat_de_2002_au_Venezuela

72) Luis Jiménez de Asúa (1889-1970), juriste et homme politique espagnol, président du gouvernement républicain en exil (1962-1970).

Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Luis_Jim%C3%A9nez_de_As%C3%BAa

73) Felipe Sánchez Román (1883-1956), juriste et homme politique républicain espagnol.

Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Felipe_S%C3%A1nchez-Rom%C3%A1n

74) Transition démocratique espagnole (1975-1982) : période entre la mort de Franco et l’arrivée du PSOE au gouvernement, par un accord entre les cercles du régime et les forces d’opposition. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Transition_d%C3%A9mocratique_espagnole

75) Salvador Allende Gossens (1908-1973), socialiste chilien, président de la République (1970-1973). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Salvador_Allende

76) Unité populaire (Chili), coalition électorale formée en 1969 et qui porta en 1970 Salvador Allende à la présidence du Chili. Dissoute en 1980.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Unit%C3%A9_populaire_(Chili)

77) Richard Milhous Nixon (1913-1994), 37e président des Etats-Unis d’Amérique du Nord (USA). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Nixon

78) Central Intelligence Agency (CIA), service des renseignements (USA), créé en 1947.

Cf. https://www.cia.gov/fr

79) Front populaire (Chili), coalition électorale et politique de gauche (1937-1941).

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_populaire_(Chili)

80) Patricio Guzmán (né en 1941 ), cinéaste chilien.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Patricio_Guzm%C3%A1n

81) Movimiento de Izquierda Revolucionaria (MIR), Chili, fondé en 1969.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Patricio_Guzm%C3%A1n

82) Christopher Lasch (1932-1994), historien et sociologue étatsunien.

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Christopher_Lasch

83) Antoni Domènech (1952-2017), philosophe catalan.

Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Antoni_Dom%C3%A8nech

84) Wolfgang Harich (1923-1995), intellectuel marxiste allemand

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Wolfgang_Harich

85) Manuel Sacristán (1925-1985), philosophe marxiste espagnol.

Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Manuel_Sacrist%C3%A1n

86) Antoni Domènech, El eclipse de la fraternidad : une revisión republicana de la tradición socialista. Barcelona, Editorial Critica, 2003

87) Carlos de Cabo, docteur en droit de l’Université de Salamanque.

Cf. http://www.trotta.es/autores/carlos-de-cabo-martin/268/

88) Luigi Ferrajoli (né en 1940), juriste italien et philosophe du droit.

Cf. https://it.wikipedia.org/wiki/Luigi_Ferrajoli

89) Antonio Baylos, directeur du Centro Europeo y Latinoamericano para el Diálogo Social (CELDS) de l’Université de Castilla-La Mancha.

Cf. https://www.eldiario.es/autores/antonio_baylos/

90)Joaquin Herrera Flores (né en 1956), professeur de droit à l’Université de Séville.

Cf. http://joaquinherreraflores.org/content/biografia-de-joaquin-herrera-flores

91) Jaime Pastor (né en 1946), professeur de science politique et militant révolutionnaire (Frente de liberación popular - Liga comunista revolucionaria - Izquierda Alternativa - Espacio Alternativo - Izquierda Anticapitalista - Anticapitalistas et Podemos). Cf. https://es.wikipedia.org/wiki/Jaime_Pastor

92) Juan Carlos Onganía (1914-1995), général argentin, président de la République (1966-1970). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Juan_Carlos_Ongan%C3%ADa

93) Jorge Rafael Videla (1925-2013), général argentin, président de la République (1976-1981). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Rafael_Videla