Racisme

Racisme : le couloir de la mort pour les fils d'immigré·e·s

Les hommes issus de l’immigration maghrébine en France subissent une importance surmortalité, c’est ce que révèle une étude de l’Institut national d’études démographique (INED).

Å'uvre de JR pour commémorer les 30 ans de la “Marche des Beurs

Œuvre de JR pour commémorer les 30 ans de la “Marche des Beurs »

En comparant différentes catégories de la population, cette recherche démontre que les hommes nés en France de parents ayant émigré du Maghreb ont un taux de mortalité très largement supérieur aux autres catégories considérées (à savoir les femmes de la même immigration, les personnes nées en France de parents français, ou encore les personnes issues de l’immigration d’Europe du Sud).
La population touchée par cette surmortalité est donc très spécifique, même si l’étude ne mentionne pas les enfants d’immigré·e·s d’Afrique subsaharienne, dont on pourrait soupçonner qu’ils souffrent d’une situation similaire. Par ailleurs, dans la mesure où les statistiques ethniques sont interdites en France, les recherches sur les rapports sociaux de race doivent passer par des subterfuges pour pouvoir être menées à bien: ici, pour isoler cette population, les démographes ont croisé la variable de la nationalité à celle de la langue maternelle.

Les mécanismes sociaux du racisme

La cause de cette surmortalité ne doit pas être cherchée dans une quelconque spécificité culturelle. Ce sont bien des mécanismes sociaux qui conduisent ces hommes à décéder prématurément, notamment leur statut socioéconomique inférieur à la moyenne et le stress chronique découlant de la discrimination à l’emploi (et la division raciale du travail qui en découle), au logement et dans les services publics. Le racisme tue, littéralement.

Ainsi, les hommes maghrébins ayant eux-mêmes émigré ne sont pas confrontés à cette surmortalité. Pour eux, les discriminations et violences (notamment policières) vécues en France peuvent être relativisées par le fait qu’elles se déroulent dans un pays qui leur est étranger. Pour leurs fils, par contre, elles sont d’autant plus déshumanisantes et délétères qu’elles manifestent leur exclusion de la société dans laquelle ils sont nés et ont grandi. Comme le disait Frantz Fanon dans «Le ‘syndrome nord-africain’», dans lequel il réprouvait l’interprétation raciste des maladies physiques et mentales auxquelles la population immigrée du Maghreb faisait face: «La faute vient de nous (…). Des hommes vont et viennent le long d’un couloir que tu as construit sans eux, où tu n’as ménagé aucun banc où ils puissent se reposer, où tu as cristallisé un tas d’épouvantails qui leur giflent rageusement le visage, où ils se blessent la face, la poitrine, le cœur. Où ils ne trouvent pas de place, où tu ne leur fais pas de place, où il n’y a absolument pas de place pour eux».

Anouk Essyad