Mariage et PMA pour tou·te·s, vraiment ?

Communiqué des groupes Queer de solidaritéS et de la Grève Féministe à propos du projet de loi « Mariage civil pour tous » et de l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens.

Marche des fiertés, Rennes, 2018
Marche des fiertés, Rennes, 2018

 Le projet de loi « Mariage civil pour tous », approuvé en décembre dernier par le parlement permet enfin aux couples de même sexe de se marier et d’adopter conjointement. En ce qui concerne les unions lesbiennes, elles peuvent désormais avoir accès à la PMA (procréation médicalement assistée) par don de sperme. De plus, les mères sont toutes deux légalement reconnues comme telles, dès la naissance de l’enfant et sans procédure d’adoption, à condition que la PMA s’opère dans un centre médicalisé en Suisse. Cela offre ainsi la même protection à leurs enfants qu’à ceux d’un couple marié hétérosexuel ayant également eu recours au don de sperme. 

Néanmoins, malgré cette avancée considérable, ce projet de loi soulève un certain nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne la protection des enfants, l’accès à la parentalité et la focalisation sur un modèle hétérosexiste comme unique conception de la famille.

En imposant la PMA dans des centres médicalisés suisses pour les couples lesbiens mariés qui souhaitent bénéficier de la filiation automatique dès la naissance de leur enfant, le législateur crée des inégalités entre les couples mariés hétéros et lesbiens ainsi qu’entre leurs enfants. 

Qu’en est-il des couples mariés lesbiens qui ont eu recours à une PMA dite « privée » ou à l’étranger ? Ils continueront de passer par une procédure d’adoption de l’enfant de la partenaire, longue, coûteuse et parfois stigmatisante, pour être reconnus comme une famille biparentale. Dans l’intervalle, les enfants nés de ces modes de conception ne sont juridiquement affiliés qu’à une seule mère et risquent de se retrouver sans parents juridiques, par exemple si cette dernière décède. Ce n’est pas le cas des couples hétéros mariés qui ont accès à la parentalité par les mêmes biais et dont l’homme est désigné père de par la loi au moment de la naissance en Suisse.

Quel que soit le mode de conception, les enfants nés dans un couple homosexuel doivent bénéficier de la même protection que ceux des couples hétérosexuels !

Il s’agit également d’un enjeu de classe. Seuls les couples aisés auront la possibilité d’avoir des enfants et d’être reconnus comme une famille biparentale dès la naissance car les coûts de la PMA en Suisse sont très élevés ; environ 1500 francs pour une insémination et entre 5000 et 6000 francs pour une FIV (fécondation in vitro). Or, la possibilité de fonder une famille ne doit pas dépendre des moyens financiers des parents d’intention. Des solutions existent pour rendre ce processus accessible, notamment le remboursement complet par l’assurance maladie obligatoire. 

Il est finalement important de souligner que l’accès à la parentalité par les couples gays, notamment par la GPA (gestation par autrui), n’est pas énoncé dans ce projet. C’est un débat auquel nous devons nous préparer afin d’éviter une instrumentalisation de nos mouvements sur la question. Au même titre, les personnes trans* et non-binaires se trouvent tout autant écartées du projet, celui-ci ne résolvant que partiellement les problématiques de filiation auxquelles se trouvent confrontées de nombreuses personnes concerné·e·x·s. Penser une nouvelle façon de faire famille, s’écartant du modèle hétéronormatif, est désormais nécessaire. L’entrée en vigueur d’une législation nouvelle et uniforme applicable à toutes les constellations familiales doit être réfléchie !

En tant que mouvements féministes et queer, nous luttons pour sortir des normes hétérosexistes et genrées. Nous voulons ouvrir la voie à d’autres modèles d’unions et de familles qui nous permettraient aussi de sortir des représentations sociales qui sont liées aux rôles de mères et de pères et de dégenrer les lois. 

L’ouverture de l’accès au mariage et à la parentalité – de façon limitée – aux couples de même sexe est une avancée majeure. 

Néanmoins, nous ne pouvons nous cantonner à défendre des lois et des institutions qui, sous couvert de progrès, reproduisent des discriminations transphobes, racistes et classistes. L’égalité oui, mais pour qui ? Défendons des revendications qui n’oublient pas les personnes trans*, les sans-papiers, les queers, les pauvres. Repensons la famille, ou plutôt les familles, car la famille nucléaire n’a jamais été la seule existante. Osons franchir les barrières cis-hétéro normées imposées par notre société et revendiquons une réelle émancipation pour tou·te·x·s. Osons transformer le droit collectivement au lieu de nous y inclure individuellement. 

Revendiquons nos droits mais sans oublier celleux qui n’en ont pas !

GT Queer interrégional de solidaritéS
GT Queer Vaud de la Grève féministe