Fiasco étasunien, souffrance continue du peuple afghan

Le fiasco étasunien peut être résumé par les images de la débâcle à l’aéroport de Kaboul lors de l’évacuation de plus de 120 000 afghan·ne·s dans le sillage du retrait des forces armées de Washington d’Afghanistan. Vingt ans après les attentats du 11-Septembre et la chute des talibans, le mouvement fondamentaliste islamique est de retour au pouvoir.

Manifestation en solidarité avec l'Afghanistan
Le 4 septembre 2021, à Genève, plus de 500 personnes ont manifesté devant l’ONU à l’appel du Comité des Jeunes Afghanes et Afghans de Suisse. solidaritéS y a répété que l’asile n’est pas de la charité mais bien un Droit et, rappelant le souvenir douloureux du suicide du jeune Ali Reza, a exigé des autorités fédérales et cantonales un accueil digne des réfugié·e·s.
Alessandro Sofia

Après plus de 20 ans de guerre en Afghanistan, le résultat est catastrophique. Surtout pour la population afghane, qui a souffert de plus de 160 000 mort·e·s, et de centaines de milliers de blessé·e·s et d’exilé·e·s. Près de 4000 soldat·e·s occidentaux·ales (majoritairement étasunien·ne·s) ont également trouvé la mort dans le pays. Les 2200 milliards de dollars dépensés durant cette période par les États-Unis, soit plus de 300 millions par jour, n’ont jamais servi les intérêts des classes populaires afghanes.

Les gouvernements successifs de Kaboul, mis en place puis soutenus à bout de bras par les états-Unis étaient très corrompus et incapables d’améliorer le quotidien de la grande majorité des 38 millions d’Afghan·ne·s. Dès le début, l’occupation s’est appuyée sur d’anciens seigneurs de guerre imposant des pouvoirs répressifs, plutôt que sur un véritable soutien local. Comme le souligne l’Association révolutionnaire des femmes afghanes, « l’occupation n’a entraîné que des effusions de sang, la destruction et le chaos. Elle a fait de notre pays l’endroit le plus corrompu, le moins sûr, le plus mafieux et le plus dangereux, surtout pour les femmes ».

Le taux de chômage dans le pays est de 25 % et le taux de pauvreté de 47 %, tandis que 93 % des ménages afghans n’ont pas assez de nourriture. De plus, les États-Unis ont gelé les 9,5 milliards de dollars de réserves de change afghanes détenues par leur propre Banque centrale, tandis que le FMI a suspendu les 450 millions destinés à l’Afghanistan dans le cadre du programme de lutte contre le coronavirus. Cela signifie que l’Afghanistan, septième pays le plus pauvre du monde, laissé à la merci des talibans, va continuer à s’enfoncer dans la pauvreté.

Faillite de la « guerre contre le terrorisme »

La victoire des talibans a été facilitée à bien des égards par l’impérialisme américain et des États régionaux comme le Pakistan et le Qatar. Après avoir conclu un accord avec ces derniers en février 2020, l’ancien président étasunien Donald Trump a encore réduit le nombre de troupes étasuniennes en s’engageant à achever leur retrait d’ici le 1er mai 2021. Dans le cadre de cet accord, il a contraint le gouvernement fantoche de Kaboul à libérer 5000 prisonnier·ère·s, comme l’exigeaient les talibans – un coup de pouce majeur pour eux.

Malgré les promesses de changements, les talibans imposent une politique réactionnaire et anti-­démocratique, répriment les opposant·e·s, y compris par des assassinats ciblés, et ont décidé d’interdire les manifestations. Tous les membres du nouveau gouvernement sont des talibans, y compris pour certains des liens avec al-Qaida, et presque tous appartiennent à l’ethnie pachtoune. De même, le retour du ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice, qui faisait régner la terreur dans les années 1990, suscite bien des inquiétudes au sein de la population, particulièrement chez les femmes.

Plusieurs manifestations populaires, rassemblant une majorité de femmes le plus souvent, ont néanmoins eu lieu pour contester le pouvoir des talibans, notamment dans la capitale Kaboul, à Mazar-i-Sharif (Nord), Faizabad (Nord-Est) et Hérat (Ouest). Plusieurs d’entre elles ont été réprimées violemment avec des manifestant·e·s tué·e·s et/ou blessé·e·s par balle. De même, des résistances armées existent encore dans quelques provinces comme le Panchir (Est) contre les talibans.

Solidarité internationaliste et accueil massif

Le revers de l’impérialisme étasunien en Afghanistan ne signifie pas une victoire pour les forces anti-­impérialistes, bien au contraire. Le retour des talibans au pouvoir représente une nouvelle ère d’oppression et, à bien des égards, une nouvelle phase de guerre civile. Notre soutien va aux forces progressistes et démocratiques faisant face aux pouvoirs oppresseurs des talibans.

Face à cette situation, l’accueil par la Suisse de tou·te·s les d’Afghan·e·s menacé·e·s par le nouveau pouvoir et ou qui sont danger est une nécessité absolue, et non seulement ceux et celles employé·e·s par la Suisse et leurs familles, soit environ 230 personnes, comme l’a déclaré le Conseil fédéral. De même il faut renoncer à tous les renvois de personnes vers l’Afghanistan et régulariser la situation des Afghan·e·s en Suisse.

Joe Daher