Guerre en Ukraine

Résistance armée et livraison d’armes en débat

L’invasion impérialiste par l’État russe continue de mobiliser la solidarité avec la population ukrainienne à travers l’Europe. Au sein des divers milieux de gauche, un débat continue cependant sur la résistance armée ukrainienne et la question de l’envoi d’armement. La revue en ligne Contretemps a publié plusieurs prises de position. Cet article participe à ces discussions en défendant une orientation politique propre à l’auteur. 

Deux manifestantes contre la guerre en Ukraine tiennent des pancartes "send medicine" et "send arms"
Manifestation contre la guerre, Londres, 2 avril 2022

Certains secteurs de la gauche refusent tout envoi d’armes vers l’Ukraine en affirmant qu’un tel soutien nourrirait la « guerre inter-impérialiste » entre l’OTAN et les États Unis, tandis que d’autres refusent tout soutien à la résistance armée à cause de la nature bourgeoise du gouvernement ukrainien dirigé par V. Zelensky. Ces arguments reposent sur deux problèmes principaux. 

Une Guerre Inter-impérialiste ?

Un premier problème porte sur le supposé caractère inter-impérialiste de cette guerre, deux impérialismes cherchant à envahir le domaine territorial et (néo)colonial de l’autre, comme l’était la Première Guerre mondiale. Si tel était le cas, l’attitude de la classe ouvrière et des soldat·e·s en Ukraine et en Russie exigerait l’opposition à la guerre et la défaite de leurs gouvernements respectifs. En d’autres termes, l’adoption d’une politique de défaitisme révolutionnaire

Mais cela est très loin de la réalité actuelle en Ukraine. Les États membres de l’OTAN sont d’ailleurs unanimes à ne pas vouloir envoyer des troupes pour combattre les forces armées russes en Ukraine, ou à chercher à rentrer en confrontation directe avec des avions russes dans l’espace aérien ukrainien.

Le gouvernement de Kiev n’a aucune ambition ou intention de s’emparer du territoire russe, au contraire de la Russie qui n’a pas caché sa volonté de soumettre l’Ukraine et d’occuper une grande partie de son territoire. Il s’agit donc d’une guerre d’invasion impérialiste sur fond de chauvinisme grand-russe menée par un gouvernement autocratique et oligarchique ultraréactionnaire. 

Dans ce cadre, le défaitisme révolutionnaire ne s’applique qu’aux travailleurs·euses et aux soldat·e·s qui appartiennent au pays impérialiste agresseur, dans ce cas l’État russe. La classes des travailleurs·euses de la nation opprimée, dans ce cas l’Ukraine, a par contre le droit légitime à la défense de son pays et de ses proches et doit être soutenue par les internationalistes du monde entier.  

Assistance à une gouvernement bourgeois ?

Deuxièmement, depuis quand la nature bourgeoise d’un gouvernement ou d’un mouvement de résistance armée empêche la gauche de soutenir un peuple en lutte contre une invasion surarmée ? Devrions-nous soutenir uniquement une résistance dirigée par des communistes ? 

Il s’agit là d’une vieille position d’ultragauche sur la question nationale que Lénine avait déjà fortement critiquée à son époque. Le soutien à une lutte légitime contre une occupation étrangère, doit se faire indépendamment de la nature de sa direction. Prenons le cas de la Palestine soumise au joug colonial du régime d’apartheid israélien comme comparaison. Nous soutenons le droit de résistance des Palestinien·ne·s, y compris par des moyens militaires, contre l’occupation israélienne. De même, nous ne condamnons pas les armes envoyées à la résistance palestinienne provenant d’États autoritaires.

Dans le cas ukrainien, cette position se traduit par un soutien à la libération du pays de ses occupants par tout moyen légitime, y compris le droit des Ukrainien·ne·s à obtenir des armes défensives de n’importe quelle source, y compris des pays de l’OTAN.

Le soutien au droit à la résistance armée et à la livraison d’armes ne doit cependant pas être confondu avec l’appui aux perspectives politiques des leaderships ou groupes politiques qui les mènent. Les socialistes démocratiques d’Ukraine appellent par exemple à l’envoi d’armes à la résistance ukrainienne et à l’armée ukrainienne, tout en ayant un soutien critique au gouvernement de Zelensky. 

Internationalisme contre non-assistance à population en danger

L’opposition de certains secteurs de la gauche à la résistance populaire ukrainienne et à la livraison d’armes au nom des positions évoquées ou parfois sous couvert de« pacifisme » et en espérant une voix diplomatique pour « sauver la paix », apparaît davantage dès lors comme une forme de non-assistance à peuple en danger.

Le point de vue défendu ici est que le soutien à la résistance (armée et non armée) du peuple ukrainien, y compris par la livraison d’armes défensives pour lutter contre l’invasion de l’armée russe de son territoire, est absolument nécessaire, comme l’est également le soutien au mouvement antiguerre en Russie. Il s’agit d’une solidarité internationaliste élémentaire avec les victimes de l’agression impérialiste de l’État russe.

Joe Daher