Migros contrainte par ses employé·e·s étudiant·e·s à retourner réviser le droit du travail !

« C’est une simple modification de votre contrat pour des raisons techniques », annonçaient les responsables de Migros fin mai, en pleine période d’examens, à leurs employé·e·s étudiant·e·s. Trois mois plus tard, celleux-ci ont d’abord dénoncé publiquement la volonté de la Migros de flexibiliser leur temps de travail. Puis une mobilisation a contraint le géant orange à suspendre les nouveaux contrats et à négocier. Un amoindrissement de la flexibilisation, une meilleure représentation et même un treizième salaire ont déjà été obtenus. Et la lutte n’est pas finie ! Explications de Piotr (prénom d’emprunt) sur les derniers développements de leur lutte.

Action des étudiant·e·s salarié·e·s de Migros
Conférence de presse avec les étudiant·e·s salarié·e·s devant la Migros Cornavin, 21 juin 2022

Vous avez mené une conférence de presse devant la Migros Cornavin pour dénoncer ces nouveaux contrats et la manière dont ils vous ont été imposés. Les retentissements ont-ils été importants ?

Oui, c’était bien, on a eu pour cette action des articles et des interviews dans de nombreux médias! On a eu beaucoup de soutien de la part des collègues, mais plutôt à distance, notamment parce que c’était la période d’examens ou de préparation aux examens. On a eu pas mal de bons échos de la part de nos collègues non-étudiants, ceux qui travaillent à plein temps. Ça fait de la peine quand ils nous disent que s’ils essaient de faire ce genre de choses ils vont être automatiquement mis dehors.

À la suite de cette action, la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) a été saisie. Dans quel but ?

UNIA l’a saisie en notre nom. Notre demande fondamentale c’était une procédure de consultation, tout simplement ! Pour rappel, on ne savait rien du tout avant que nos chefs ne nous avertissent par oral le 29 mai, et les nouveaux contrats ne nous sont arrivés par la poste que le 11 juin, avec un délai de reddition au 23 sous peine d’être mis dehors. En plus, nos chefs avaient «oublié» de nous dire que la flexibilité demandée serait encore plus forte pour les nationaux et permis C : 8h-20h au lieu de 8h-15h. Donc ce qu’on voulait c’était une consultation, mais on en a profité pour dire à la CRCT qu’on était contre toute cette histoire de flexibilisation. Et on a obtenu une audience pour le 30 juin.

Qu’avez-vous obtenu ?

On était deux étudiants et deux secrétaires syndicales, face à la directrice RH et la directrice juridique de la Migros. Le président de la CRCT les a vertement réprimandées pour n’avoir pas engagé une procédure de consultation en amont  [il s’agissait d’un licenciement collectif, ndlr] et il leur a fait comprendre que si ça arrivait de nouveau une prochaine fois il y aurait des problèmes. Finalement il a été convenu que nous allions organiser une AG avec les étudiants et présenter nos revendications vers fin juillet, et que la Migros suspendrait entretemps la procédure de résiliation. En sachant que presque tous les étudiants avaient quand même déjà signé leur nouveau contrat pour ne pas être mis dehors. Donc il s’agissait de faire un avenant à ce contrat à la suite des négociations.

Vous avez donc organisé des Assemblées entre étudiant-e-s. Avec quelles revendications en êtes-vous ressorti·e·s ?

Les AGs et puis les discussions informelles qu’on a eues avec les collègues ont fait ressortir plein de problèmes en dehors même de la question de la flexibilisation, notamment le fait qu’on soit mal payés pour un travail hyper fatigant, surtout les dimanches et jours fériés. Donc ça a donné quatre revendications. D’abord l’annulation ou un amoindrissement de la flexibilisation. Ensuite, dans le nouveau contrat figure aussi avec plus d’insistance le fait que la Migros puisse nous déplacer dans d’autres unités en cas de besoin, donc on voulait que ça requière un accord écrit de la part de l’employé. On voulait aussi deux sièges à la COPE, la commission du personnel, ce qui est l’évidence même, puisque nous faisons partie du personnel, mais apparemment pas pour la Migros. Les «représentants» du personnel à la COPE n’avaient pas cru nécessaire de nous avertir de cette procédure, juste pour montrer comment on est «représentés» pour l’instant. On revendiquait la limitation du travail les jours fériés à 4 sur 9 par an pour chaque étudiant. Avec les fériés ça fait des semaines d’enfer, surtout s’ils tombent à côté d’un dimanche. Et enfin un treizième salaire, puisque tout le monde l’a à la Migros sauf nous.

Quelle a été la réponse de Migros ?

OK pour le treizième salaire, OK pour un siège à la COPE mais seulement à partir de la prochaine législature en 2026, niet pour les jours fériés, et ils ont lâché un peu de lest sur la flexibilisation : ce sera toujours par semaine 8h-15h et 8h-20h pour les nationaux et permis C, mais, je cite, «sur la base du maximum d’heures communiqué par l’employé à son responsable en début de semestre». Et ils ont enchaîné directement en envoyant à tous les étudiants cet avenant, on l’a déjà reçu. 

Vous en êtes satisfait·e·s ? Continuez-vous à vous mobiliser ?

C’est une manière un peu expéditive de conduire une négociation, et même si c’est déjà bien notamment pour le treizième salaire, nous ne sommes pas satisfaits pour les jours fériés et aussi pour la flexibilisation : c’est bien d’avoir un maximum d’heures hebdomadaires mais on veut aussi pouvoir fixer un minimum. 8h c’est beaucoup trop peu pour beaucoup d’entre nous et ça le sera aussi pour beaucoup de futurs étudiants, donc on ne veut pas que la Migros puisse nous passer à 8h en temps de vaches maigres. Alors on a prévu une nouvelle AG la semaine prochaine pour voir ce qu’on va faire.

Propos recueillis par Teo Frei.