Aéroport international de Genève: lÉtat brade le bien public
Aéroport international de Genève: lÉtat brade le bien public
Les 16 et 17 novembre 2006, pour 155
mios de francs seulement le Grand Conseil va vendre à
létablissement public autonome quest
lAéroport International de Genève (AIG),
lensemble du parc immobilier quil détient, soit
plus dune cinquantaine de bâtiments, y compris la piste.
Comme le disait un député libéral de la commission
des finances du Grand Conseil, lorsquil sest agi
daccepter cette opération de bradage «la vente
à la valeur comptable est une manière de donner un prix
plaisant à lacheteur» contrairement à la
valeur du marché ou la valeur de rendement. On se souvient
quil ny a pas une année des investisseurs
privés australiens avaient mis sur la table 1 milliard pour
racheter cet aéroport.
Cest le Conseil dEtat, qui se prétend encore de
gauche, qui a déposé un projet de loi (PL 9827-A)
appelé pudiquement «transfert dactif» en vue
de vendre pour le modeste prix de 155 mios ce que des
générations de contribuables genevois-es ont
financé par leurs impôts.
La manuvre est simple. Nous avons un outil industriel
(lAIG) extrêmement performant qui dégage par
année 30 mios de bénéfices dont la moitié
revient à lEtat, soit sur les dix dernières
années 115 mios. Au prétexte dune dette à
rembourser, le Conseil dEtat imagine faire rentrer dans les
caisses des sommes importantes, mais, comme par hasard pour
laéroport, le prix de vente de tous les bâtiments
est manifestement sous-évalué; lInspectorat des
finances estimait ce prix, à la valeur de rendement, à
quelque 844 mios, évaluation confirmée par les assurances
incendies contractées par lAIG. Cest donc un
marché de dupe quon nous propose.
Dès lors, on peut penser quil sagit dune
opération, dont le seul but est de poursuivre la privatisation
de lAIG débutée en 1994. Demain sous
prétexte dun besoin dinvestissement, on viendra
nous dire quil faut faire entrer du capital privé et le
tour sera joué. Pire même, lorsque des privés se
présenteront pour exploiter les bâtiments ainsi
bradés, ils se référeront à ce prix de
vente pour imposer leur prix et récupérer de substantiels
bénéfices grâce aux largesses consenties par
lEtat.
Privatiser les bénéfices et socialiser les pertes
Et les employé-e-s dans toutes ces affaires de copinage ne
seront pas mieux lotis. Aujourdhui déjà, le
Conseiller dEtat en charge pour combien de temps encore,
puisquil a proposé de ne plus être président
du conseil dadministration de lAIG, Monsieur
Longchamp laisse entendre quils-elles sont trop payés. En
effet, la majorité des employé-e-s des entreprises
privées (environ 5000 personnes) de laéroport a vu
son salaire bloqué pendant de nombreuses années, alors
que les employé-e-s de lAIG (environ 600 personnes) ont
reçu lindexation, chaque année. Et lon voit
bien ou tous veulent en venir. Lorsque laéroport sera
entre les mains de privés qui sauront, eux, le faire fonctionner
avec «efficience» comme à Zurich (privatisé
dans les années 90 et aujourdhui en grande
difficulté financière), ils attaqueront tous les
salaires, augmenteront les prix des loyers des bâtiments qui leur
auront été vendus pour une bouchée de pain et
dégageront ainsi de substantiels bénéfices.
Si lon tient compte des chiffres daffaires de 240 mios
par année pour lAIG, générés
respectivement par les taxe datterrissage et de décollage
(115 mios) et par la location des surfaces commerciales et des parkings
(125 mios), tout ceci dans un monopole, on comprend pourquoi certains
investisseurs privés veulent mettre la main sur cette mine
dor. Et ils ont raison de se presser au portillon dans la mesure
où une large majorité de député-e-s, y
compris les Verts, est daccord de leur céder la boutique
à vil prix. La seule réponse qui simpose pour
garder en mains publiques un outil indispensable au pilotage, y compris
écologique, de léconomie genevoise: le
référendum.
LEtat se prive de revenu et fait semblant de rembourser sa dette
Si en 10 ans lEtat a pu engranger quelque 115 millions de
bénéfice, on comprend mal lintérêt
qui consiste à vendre cette entité en prenant le risque
de voir lui échapper ce revenu par une privatisation
ultérieure. Lorsquon regarde dun peu plus
prêt le montage financier qui nous est proposé, on
saperçoit que le coût des intérêts de
la somme que lAIG devra emprunter pourra être
déduite des futurs bénéfices. Par cette
manuvre financière, lEtat aide lAIG par une
compensation de fonds indirecte en tolérant que lAIG
naugmente pas les loyers et le prix de ces prestations, mais le
déduise de son bénéfice futur. Ainsi, lEtat
ne fait que transférer sa dette sur lAIG sans lui donner
les moyens de la rembourser.
Droit de superficie et droit de propriété
Dans les explications qui sont données relatives à ce
transfert dactif, largument qui consiste à dire
que les terrains restent propriétés de lEtat se
veut rassurant pour le bon peuple. Quen est-il de la
réalité? Si lon admet que la quasi-totalité
des surfaces disponibles dans le périmètre de
laéroport sont actuellement occupées par
lAIG, on admet que le droit dusage appartient
déjà dans sa totalité à cette
entité. Pour linstant, personne naurait
lidée de destiner à autre chose que
lactivité aéroportuaire ces bâtiments. Ainsi
que lEtat soit propriétaire des terrains ou que ce soit
lAIG ne change rien, cest le droit dusage qui
impose sa logique. Le droit de propriété nest que
formel. Cest à ce point vrai que lEtat,
contrairement à aujourdhui, a fixé la
rémunération de ce droit foncier à la modique
somme 4,5 millions en intitulant ce loyer; rémunération
annuelle du droit de superficie. (rp)