Dysfonctionnement à l’Office AI du canton de Vaud
Postulat de Jean-Michel Dolivo et consorts visant à mettre fin au dysfonctionnement de l’Office AI du canton de Vaud en matière d’expertises psychiatriques.
Le 11 octobre 2002, le quotidien 24 Heures faisait état d’une démarche publique émanant d’une soixantaine de médecins et de personnalités travaillant dans le secteur de la santé publique du canton de Vaud mettant en cause l’Office AI du canton, en particulier la méthode et les compétences d’un expert privé en psychiatrie régulièrement mandaté par l’AI. Dans ce même article, le Chef du Département de la santé de l’époque, le conseiller d’Etat Charles-Louis Rochat, interrogé en qualité de président de la Commission de surveillance de l’Office AI, révélait l’identité du psychiatre incriminé, le Dr Marc Charles Séchaud.
Dans un courrier, daté de début 2008 et adressé par le Chef de service au Service des assurances sociales et de l’hébergement du DSAS, M. Fabrice Ghelfi, à une personne ayant formulé une demande de renseignement auprès du dit Service, il ressort que ce psychiatre, pour l’année 2007 (situation au 13.12.2007), a été mandaté 141 fois, soit dans 8% des cas d’expertises demandées par les médecins du SMR SR, toutes disciplines confondues, soit 9% des cas d’expertises psychiatriques et multidisciplinaires, soit 13,8% des expertises strictement psychiatriques.
Pour ce qui est de la qualité des rapports d’expertise de ce praticien, de nombreux médecins, psychiatres ou non, ont fait part de leurs critiques. La démarche publique de praticiens de la santé en 2002 dénote le ras-le-bol général existant à ce sujet. Ce ras-le-bol existe non seulement du côté des médecins traitants et des médecins d’hôpitaux mais également du côté des assistants sociaux travaillant au service des services sociaux. Le déni de maladies psychiques, dont semble faire preuve ces expertises, paraît très largement admis. Ces expertises sont, dans l’immense majorité des cas, en totale contradiction avec le diagnostic posé par d’autres médecins traitants, psychiatres et les médecins d’hôpitaux, appelés à se prononcer sur l’état de santé des assurés concernés. Comment se fait-il que ces expertises divergent autant des avis et expertises des médecins du Département universitaire de psychiatrie ambulatoire (DUPA), de l’Unité de psychiatrie ambulatoire (UPA) ou du CHUV ?
Les expertises en question interviennent dans le cadre de procédures AI ou de procédures d’assurance perte de gain en cas de maladie. Elles servent de base pour des décisions de refus de rente dans un très grand nombre de cas. L’Office AI confie donc à ce psychiatre, très largement contesté par ses pairs, des expertises dont le dit Office sait par avance qu’elles vont aboutir à un constat, sur le plan médical, qui permettra de refuser ou de réduire ses prestations d’assurance !
Les personnes concernées ayant vu leur prestation de l’AI refusée, l’assurance-chômage les considèrera, dès le mois de leur inscription, inapte au placement. Elles n’ont alors plus que la possibilité de recourir aux services sociaux du canton et se voient octroyer l’aide sociale. Pourquoi le Chef du DSAS, président de la Commission de Surveillance de l’Office AI admet-il qu’autant d’expertises soient confiées à un seul médecin, lequel est par ailleurs fortement contesté par ses confrères, alors même que ces expertises conduisent à augmenter encore la charge du canton en matière d’aide sociale ? La Commission de gestion du Grand Conseil avait déjà été alertée à ce propos.
Dans une telle situation, une réponse, sur un plan politique est nécessaire. Une procédure de répartition des mandats d’expertise doit être mise en œuvre afin d’éviter qu’un seul médecin puisse faire 13,8 % des expertises strictement psychiatriques, sans parler des expertises pluridisciplinaires. Des mandats d’expertise, confiés à un nombre très restreint de médecins, donnent inévitablement lieu à une tendance de transformer certains cabinets médicaux en PME, soumises aux seules règles du profit.
En conséquence les postulant·e·s demandent au Conseil d’Etat d’établir un rapport sur les pratiques de l’Office d’assurance invalidité du canton de Vaud en matière de répartition d’expertises, en particulier d’expertises psychiatriques, et d’indiquer au Grand Conseil comment il entend mettre en œuvre, dans le cadre de son pouvoir de surveillance, une véritable politique de répartition des dites expertises.
Lausanne, le 26 février 2008 Jean-Michel Dolivo, AGT