Le personnel d’un EMS vaudois se révolte !
Il a fallu beaucoup de courage aux travailleuses de l’EMS Les Boveresses à Lausanne pour exprimer leur révolte contre des conditions de travail délétères.
Depuis l’entrée en fonction d’une nouvelle infirmière cheffe il y quelques mois, le personnel soignant (infirmières et aides-infirmières) a vu ses conditions de travail se dégrader rapidement. Des atteintes à la santé avant tout psychologique des soignantes se sont multipliées. Le syndicat des services publics (SSP) a constaté de graves violations par l’employeur de son devoir de protection de la personnalité du personnel. Dans un communiqué de presse du 7 juillet 2011, le SSP et MLCR (mouvement de lutte contre le racisme) « déplorent dans cette institution subventionnée par l’Etat des actes de racisme, de stigmatisation d’une partie du personnel, de violation des données personnelles, d’atteinte à la santé, de licenciements injustifiés, des départs forcés, etc. Mais aussi, une mise en danger du personnel et des résidents par les directives édictées par l’infirmière cheffe et le directeur. Le SSP a interpelé Monsieur Pierre-Yves Maillard, chef du DSAS, au sujet de cet établissement et a saisi l’Office cantonal de conciliation en cas de conflits collectifs de travail. Pour le SSP, cette situation est intolérable et doit cesser immédiatement. »
Parmi les fait dénoncés, on notera la méthode de l’infirmière cheffe consistant « A en prendre une pour taper sur une autre » et le fait qu’une aide-soignante ait été chargée d’espionner des collègues, désignées nominativement. Certaines travailleuses se sont entendu dire par le directeur qu’il donnerait des mauvaises informations à leurs futurs employeurs si elles ne donnaient par leur congé elles-mêmes. Le mépris envers le personnel de base de l’EMS, les aides-infirmières qualifiés d’« incultes », relevant du sexisme, est devenu monnaie courante. Des propos racistes tels que « il y a trop de noires ici » ou « ces Africaines ne font que causer » ont été fréquemment entendus. L’infirmière cheffe a annoncé que le recrutement se ferait dorénavant sur des bases ethniques. De facto, toutes les aides-infirmières d’origine africaine ont été éliminées de l’établissement, jusqu’a ce que l’intervention du syndicat calme les ardeurs de la direction. De plus, les salaires ne sont souvent pas versés à temps, les certificats de travail sont incomplets, etc. Pas étonnant dès lors que le taux de rotation du personnel soit plus du double de la moyenne dans les EMS du canton de Vaud (22 %).
Ce conflit de travail a été porté devant l’Office cantonal de conciliation. Une instruction est en cours car la direction nie résolument les faits reprochés par le personnel. L’EMS Les Bouveresse est également dans le collimateur du Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud, car il ne répond pas aux exigences légales en matière de qualité de prise en charge des résident·e·s.
En 2001 une commission d’enquête parlementaire vaudoise dénonçait de nombreux cas d’abus dans les EMS vaudois, des problèmes aussi graves que la maltraitance, la sous dotation en personnel des services chargés de la surveillance et de la gestion des EMS, les comptes frauduleux de certains établissements, les salaires exorbitants de quelques directeurs, etc. Depuis, la CIVEMS (coordination interservices des visites en EMS) a vu ses prérogatives et ses moyens renforcés. Certes le cas de l’EMS Les Boveresses ne saurait être généralisé. Mais il montre qu’il y a encore du pain sur la planche et qu’il faut toujours déplorer le manque de base légale pour que l’Etat puisse intervenir directement dans des institutions privées subventionnées par celui-ci pour faire appliquer la législation censée protéger le personnel contre des méthodes patronales inqualifiables.
Jean-Michel Dolivo (tiré du bimensuel solidaritéS nº 193)