Nouvelle initiative pour le remboursement des soins dentaires

Le 25 mars 2025, Ensemble à Gauche (EàG) a proposé à toutes les organisations politiques, syndicales et associatives vaudoises, susceptibles d’être intéressées, d’initier une discussion collective en vue du lancement unitaire d’une nouvelle initiative cantonale pour le remboursement des soins dentaires. Aujourd’hui, le manque de prise en charge de ces soins par le système de santé constitue un véritable fardeau pour une très grande partie de la population. Selon une récente étude, plus de 26% des personnes habitant la Suisse renonceraient aux soins dentaires pour des raisons financières. Ce projet permettrait d’offrir à toutes et tous des prestations abordables et de qualité sans discrimination et seul un front commun des forces politiques de gauche, syndicales et associatives permettrait d’arracher cette victoire sociale.
Voici les raisons qui amènent aujourd’hui Ensemble à Gauche à proposer cet objectif, ainsi qu’un premier projet de texte d’initiative législative. Ce texte doit faire l’objet de discussion avant son lancement avec toutes celles et ceux intéressé.e.s à le soutenir.
Pourquoi une telle initiative ?
En 2020 en Suisse, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a évalué le coût des soins dentaires à près de 4.2 milliards de francs, ce qui représente environ 5% des coûts totaux de la santé. Cela correspond à une moyenne de près de 500 francs par habitant-e et par an. Les ménages privés paient de leur poche près de 90% de la facture dentaire en Suisse, contre environ 55% en moyenne dans les autres pays de l’OCDE. Le fait que la prévention et les soins dentaires ne soient pas compris dans l’assurance-maladie de base (LAMal) a des effets non seulement sur le revenu disponible des ménages, mais également sur le renoncement aux soins ! Les soins dentaires prodigués en Suisse sont d’excellente qualité, mais l’accès aux soins y est fondamentalement inégalitaire ! Selon une récente étude, plus de 26% des personnes habitant la Suisse renonceraient aux soins dentaires pour des raisons financière. Une tendance qui va certainement augmenter encore ces prochaines années, avec les hausses successives et importantes des primes d’assurance-maladie, l’augmentation générale du coût de la vie ainsi que la baisse des salaires réels. Selon une étude de l’International Health Policy Survey, en Suisse en 2020, le renoncement à un soin ou à un examen dentaire pour des raisons de coûts avait augmenté par rapport à 2016 de près d’un tiers !
Cette situation n’est pas acceptable quand on connait l’effet que peut avoir notre santé bucco-dentaire sur notre état de santé général. En effet, si les affections bucco-dentaires ne sont pas traitées à temps, des complications sérieuses peuvent apparaître, localement (inflammations, infections) ou sous des formes beaucoup plus graves (maladies cardio-vasculaires, infections respiratoires, diabète, etc.). Chez l’enfant notamment, des troubles du sommeil ou de la concentration dues aux pathologies et douleurs dentaires peuvent perturber la croissance et les apprentissages scolaires. Quant aux personnes âgées et dépendantes, les conséquences dommageables d’un état bucco-dentaire dégradé sur leur santé générale déjà fragile sont aujourd’hui clairement établies. On peut donc affirmer que favoriser l’accès le plus large possible aux dépistages et aux soins bucco-dentaires de base permet un fort retour sur investissement à travers des économies dans les coûts de la santé !
Pour ces raisons, Ensemble à Gauche propose de reprendre, sous une autre forme, la proposition faite au printemps 2014 et votée en 2018, pour favoriser l’accès à la prévention et aux soins bucco-dentaires, pour toute la population vaudoise. Comme nous le constatons pour l’introduction d’un salaire minimum cantonal, il faut souvent, en Suisse, taper sur un même clou pour tenter d’obtenir une « avancée sociale », même modeste ! Ce fut notamment le cas pour l’introduction d’une assurance-maternité, sans parler du droit de vote des femmes ! Une initiative pour une assurance sociale soins dentaires, financée sur le modèle de l’AVS, va à l’encontre du système de financement LAMal basé sur des primes d’assurance par tête. Une assurance soins dentaires cantonale serait financée solidairement, pour une très grande part, par un pourcentage sur les salaires et, pour une part minime, par le budget du canton. Sans parler du fait qu’aujourd’hui, nombre de dentistes (pas tous et toutes !) pratiquent des tarifs exorbitants, sans contrôle réel par les autorités de santé du canton. Évidemment, un système d’assurance sociale en matière de soins dentaires retirera partiellement ces soins du marché et de sa logique des profits privés.
Quelle proposition aujourd’hui ?
En 2014 l’initiative populaire cantonale « pour le remboursement des soins dentaires », d’ordre constitutionnel, avait été lancée unitairement. Elle avait obtenu en 2018 un score en votation populaire plus qu’honorable dans le canton de Vaud (plus de 40% de oui). Il est temps de revenir à la charge pour trouver une réponse à cette faille grave dans le système de santé.
Le Conseil d’État avait annoncé en mars 2022 un dispositif visant à favoriser l’accès aux soins dentaires pour les personnes précarisées ainsi que pour les enfants et les personnes entrant dans un établissement médico-social. La mise en place de ce dispositif est positive, mais il faut bien constater que son périmètre demeure très restreint au regard des enjeux.
Que demandait l’initiative votée en 2018 ? L’initiative proposait d’introduire un nouvel article dans la Constitution vaudoise, le 65b, intitulé « soins dentaires », dont la teneur est la suivante : – L’État met en place une assurance obligatoire pour les soins dentaires de base ainsi qu’un dispositif de prévention en matière de santé bucco-dentaire. – Il met en place un réseau de policliniques dentaires régionales. – Le financement de l’assurance des soins dentaires de base est assuré, pour les personnes cotisant à l’assurance vieillesse et survivants (AVS), par un prélèvement analogue à celui de l’AVS et, pour les autres, par la politique sanitaire cantonale.
Aujourd’hui il nous semblerait plus opportun de lancer une initiative législative sur cette question. Une telle initiative serait en effet directement applicable, si elle est évidemment acceptée en votation ! Nul besoin d’un nouveau processus législatif devant le Grand Conseil. Ce qui n’était pas le cas d’une initiative constitutionnelle. Nous proposerions une modification de la Loi vaudoise sur la santé publique qui pourrait être la suivante, tout en précisant qu’il s’agit d’une première ébauche :
Article 6 LSP : Service de la santé publique
(ancien), de a à h
…i (nouveau)promeut et organise la prise en charge de la santé bucco-dentaire de la population, par des mesures de prévention et de prophylaxie.
…j(nouveau) met en place une assurance pour le remboursement des soins dentaires et d’orthodontie de base prenant en charge les soins énumérés à l’article 6b et dont le financement est garanti sur la base des principes posés à l’article 6c.
Article 6 b (nouveau) Assurance cantonale pour les soins dentaires
Le Service organise une assurance pour les soins dentaires et d’orthodontie de base, soit notamment :
- Traitements de prévention dentaire : en particulier, bilan annuel, détartrage, traitement des gencives ;
- Soins courants : en particulier, consultations, extractions de dents, traitement de caries, radiographie, dévitalisation ;
- Orthodontie : en particulier, les traitements pour l’ajustement de la dentition ;
- Actes prothétiques en particulier, la pose de prothèses dentaires.
Article 6c (nouveau) Financement de l’assurance pour le remboursement des soins dentaires
L’assurance cantonale pour les soins dentaires est financée par des cotisations à la charge des salariés travaillant au service d’un employeur qui sont tenus de payer des cotisations au sens de l’article 5 LAVS.
Le taux unique des cotisations est fixé à 1% des salaires et revenus déterminant AVS, cotisations versées à part égale entre employeur et employé.
Pour les frais qui ne seraient pas couverts par l’alinéa précédent, le canton les prend en charge.
Article 6d (nouveau) Pour le surplus, le canton édicte un règlement pour toutes les questions liées à l’organisation et le financement de l’assurance pour le remboursement des soins dentaires.
Sur le plan du financement de cette assurance, la loi vaudoise sur les PCs famille et les prestations cantonales de la rente-pont (LPCFam), modifiée en 2019, prévoyant un financement par une retenue sur les salaires, ouvre ainsi la voie à une possible retenue fixée sur les salaires par le canton pour une prestation cantonale telle que le remboursement des soins dentaires.
Sur la question du financement, en extrapolant à l’entier de la population, les frais bucco-dentaires effectués dans le cadre des aides sociales, on obtiendrait un coût d’environ 250 millions de francs. En estimant par contre les frais à 500 francs, sur la base des statistiques suisses, on obtient environ 400 millions de francs. Si l’on retire les bénéficiaires de l’aide sociale au nombre d’habitant·e·s du canton, les coûts pourraient être en « moyenne » d’environ 350 millions de francs. Comment régler cette facture ? Là encore les PC familles nous donnent un point de comparaison : avec une cotisation de 0,12 % partagée à égalité entre employeur·euse et employé·e, elle a récolté 35 millions en 2015. Un prélèvement de 1 % sur cette masse salariale (partagée à égalité entre employeur·euse et employé·e) permettrait d’amener 350 millions dans les caisses de l’assurance, correspondant aux coûts supputés.