Tragédie en Grèce
L’UE et la Turquie coupables, la Suisse complice
Alors que la pandémie du coronavirus aggrave encore davantage leurs conditions d’existence, les réfugié·e·s sont à nouveau victimes des politiques répressives et racistes de l’Union européenne et de la Turquie.
Le gouvernement turc, qui compte quelque 3,6 millions de Syrien·ne·s sur son sol, a décidé fin février de rouvrir temporairement ses frontières avec les pays européens. Ces dernières étaient fermées aux réfugié·e·s depuis 2016, à la suite d’un accord avec les autorités de l’Union européenne, en échange de quelques milliards d’euros. Cette réouverture est la conséquence d’un nouvel afflux potentiel de réfugié·e·s venant de Syrie, suite aux offensives armées du régime syrien sur la province d’Idlib au nord du pays. Elle marque aussi la volonté de la Turquie de faire pression sur les autorités européennes pour obtenir un soutien à son offensive armée en Syrie.
Des dizaines de milliers de réfugié·e·s ont saisis cette opportunité pour tenter la traversée vers la Grèce et se sont massé·e·s le long de la frontière, tandis que plusieurs milliers de personnes affluaient au point de passage de Pazarkule.
Le gouvernement grec a pris des mesures extrêmement répressives et sécuritaires. Il a notamment suspendu temporairement le droit de demander l’asile, et entrepris la construction de nouveaux centres de rétention de masse de 20 000 places. Du personnel militaire et de sécurité supplémentaire s’est déployé aux frontières. Pour justifier cette politique, le gouvernement grec utilise une propagande ouvertement raciste contre les réfugié·e·s.
L’Union européenne a apporté son plein soutien à ces décisions, et versé 700 millions d’euros supplémentaires au gouvernement grec, tout en dépêchant une mission d’apaisement à Ankara pour résoudre leur contentieux.
Conditions sanitaires et coronavirus
Les réfugié·e·s arrivé·e·s dans les îles grecques ont été confiné·e·s dans les ports, sans avoir accès aux services de base, en attendant d’être envoyé·e·s dans des centres de détention, en vue de leur expulsion. Plus de 40 000 réfugié·e·s, dont près d’un tiers d’enfants, sont actuellement pris·es au piège dans les îles dans des camps prévus initialement pour 6000 personnes.
Compte tenu de la surpopulation des camps, du manque de services sanitaires et des soins médicaux très limités, le risque de propagation du virus parmi les habitant·e ·s des camps est extrêmement élevé. Après la confirmation de la contamination d’un citoyen grec à Lesbos, l’évacuation des camps devient extrêmement urgente. Le gouvernement grec a décidé au contraire le confinement des réfugié·e·s dans les camps surchargés.
Dans d’autres pays d’Europe, des mesures coercitives ont également été prises contre des réfugié·e·s. Les autorités françaises n’ont par exemple pas hésité à renvoyer plus d’une dizaine de personnes depuis le 16 mars soit dans leur pays d’origine, soit dans le premier pays d’entrée en Europe dans le cadre du règlement Dublin.
Cela se reflète dans les choix politiques inhumains de l’UE comme le mentionnait Eric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitime, qui affirmait qu’elle n’avait pas les capacités d’envoyer dix médecins en Lombardie ou dans l’Etat espagnol, « par contre elle dépense plus de 330 millions d’euros pour Frontex ».
De son côté, La Suisse continue sa politique restrictive envers les réfugié·e·s (voir page précédente). Pour rappel, en 2019, le secrétariat d’État aux Migrations (SEM) a dénombré 14 269 demandes d’asile en Suisse, le chiffre le plus bas depuis 12 ans. Les procédures d’asile accélérées se sont également révélées néfastes pour le sort des demandeurs·euses d’asile et ont été critiquées pour leur manque de qualité et d’équité. Elles poussent de plus des dizaines de milliers de réfugié·e·s en Suisse dans la clandestinité, soumis·es le plus souvent à des conditions d’exploitation et de précarité effroyables.
Dans ce cadre, on ne peut voir que d’un mauvais œil la décision du Conseil fédéral en décembre 2019 d’augmenter progressivement sa contribution à l’agence européenne de garde-frontières Frontex, coupable de violations des droits humains aux frontières extérieures de l’UE et d’avoir transformé la mer Méditerranée en un grand cimetière. Les contributions de Berne passeront de 14 millions actuellement à 75 millions de francs par an en 2024. La Suisse doit se désengager de Frontex !
Pas de frontières et un accueil digne
Face à une nouvelle étape de liquidation des droits d’asile et de violation des droits humains, luttons pour mettre un terme au système inhumain contre les réfugié·e·s en Suisse et ailleurs.
Ouvrons les frontières et accueillons dignement les réfugié·e·s. À l’heure actuelle, de nombreuses personnes en exil sont bloquées en Grèce alors que, pour raison de regroupement familial par exemple, elles ont le droit de venir en Suisse. Laisser les camps grecs surpeuplés et insalubres à leur sort et ne faire preuve d’aucun geste de solidarité est intolérable.
Des mesures pour faciliter leurs installations garantissant leurs droits démocratiques et socio-économiques en Suisse et ailleurs doivent leur être octroyées, et cela passe également par la fermeture des camps de réfugié·e·s.
Personne n’est illégal !
Joe Daher