Défendre nos droits démocratiques
Une urgence vitale
La gestion de la crise sanitaire par les gouvernement européens fait planer la menace d’un nouveau tournant autoritaire. Les mesures prises restreignent sensiblement les droits démocratiques et les libertés fondamentales. La situation requiert une vigilance accrue de toutes les forces progressistes.
Les mesures engagées par les États pour faire face à la crise socio-sanitaire en cours provoquent des atteintes importantes à nos libertés fondamentales ainsi qu’aux droits démocratiques et sociaux des travailleurs·euses. Notre mobilité est contrainte, les réunions et les rassemblements sont intégralement interdits ou presque, les moyens pour nous exprimer et faire circuler une opinion sont considérablement réduits.
Si elle découle en partie de mesures de protection sanitaires nécessaires, cette situation est aussi le fruit d’un pouvoir pour qui l’exercice de ces droits n’est pas une priorité. Sinon, des dispositions seraient prises pour garantir à chacun·e un accès égal et gratuit à l’information et à des moyens de communication et d’échange permettant de s’exprimer, d’interpeller publiquement et de s’organiser collectivement. Le contraire s’observe, dans un contexte où la fracture numérique revêt plus que jamais un enjeu démocratique essentiel.
Ces mesures doivent être exigées sans aucune illusion : c’est surtout par nous-même que nous devons chercher à y pallier, par des initiatives d’auto-organisation dans les quartiers, les collectifs de travail et de formation pour maintenir, voire développer, des dynamiques d’action collective.
Institutions démocratiques malmenées
Les parlements fédéraux, cantonaux et communaux sont mis en shut down. En clair, nous sommes appelé·e·s à nous ranger derrière nos chef·fe·s et sommes prié·e·s de ne pas discuter des mesures prises.
Laisser la gestion de la crise aux gouvernements constitue une dérive dangereuse. Il est nécessaire que les assemblées continuent de contrôler l’action gouvernementale. L’argument du respect des normes sanitaires pour légitimer leur interruption ne tient pas : les pouvoirs législatifs sont des secteurs essentiels au fonctionnement de notre société et doivent donc être maintenus. Des solutions peuvent être trouvées pour respecter les normes de protection, par exemple en activant un mécanisme de délégations réduites et proportionnelles ou par un système de vidéo-conférence.
En revanche, les élections et votations doivent impérativement être reportées, dès lors qu’il n’est pas possible de faire campagne de façon démocratique. Les associations patronales et la droite pourraient inonder la toile et les boîtes aux lettres de leur propagande, tandis que les moyens habituels des forces progressistes et de gauche – la présence dans la rue, les mobilisations, les contacts directs sur le terrain – sont mis hors-service.
Droits démocratiques au travail
Par-delà la démocratie parlementaire, c’est sur les lieux de vie et de travail que les droits démocratiques doivent faire irruption. Alors que les mesures sanitaires ne sont souvent pas respectées, des milliers de travailleurs·euses sont contraint·e·s de se rendre au travail dans des secteurs qui pourraient tout à fait être interrompus.
Il est impératif que les travailleurs·euses puissent décider collectivement de l’interruption de leur activité. Dans le même sens, c’est le moment de défendre un droit de retrait universel, c’est-à-dire la possibilité pour tout·e travailleur·euse de s’éloigner de son lieu de travail s’il·elle s’y sent menacé·e. Les travailleurs·euses et leurs syndicats doivent être intégrés aux décisions ayant un impact sur leurs conditions de travail. Les syndicats doivent aussi pouvoir accéder aux entreprises pour informer les travailleur·euse·s de leurs droits et contrôler le respect des mesures de protection. Enfin, le droit de grève doit être garanti pour celles et ceux qui demandent la fermeture de leur entreprise et le maintien des salaires.
De manière générale, aucune mesure exceptionnelle ne devrait être imposée par en haut. Pour qu’elles bénéficient d’une large adhésion, elles devraient toujours être le fait de décisions collectives.
Préparer le monde de demain
Maintenir en fonction les institutions démocratiques et développer des moyens de prise de décision par en bas ne vise pas seulement à contrôler le pouvoir exécutif et à exiger une gestion démocratique du moment de la crise. Les décisions qui sont prises aujourd’hui auront des conséquences de première ampleur pour les décennies à venir.
C’est donc dès aujourd’hui qu’il faut nourrir le débat démocratique des jalons de ce qui devra être entrepris demain, au sortir de cette crise, en avançant la perspective d’une organisation sociale débarrassée des règles capitalistes et de la mondialisation néolibérale, à la source du démantèlement des systèmes de santé publique, d’échanges favorisant la propagation d’épidémies comme le coronavirus et, aussi, de dérives autoritaires.
Pierre Conscience