Brésil

Ce qu’annonce la victoire de Lula

La défaite de Bolsonaro a été célébrée comme un but lors un match de football. Après quatre ans, un espace pour le changement s’est ouvert. Mais le chemin est parsemé de contradictions, comme l’explique un camarade du PSOL.

Un groupe de militants du PSOL entourent Lula
Le PSOL a obtenu 12 sièges au Parlement national. Assemblée du parti, 1er mai 2022

 Une victoire démocratique. C’est le résultat des élections du 30 octobre dernier au Brésil. Il est néanmoins effrayant que Bolsonaro n’ait été battu que de 1,8 %, malgré quatre années dévastatrices. Outre la partie radicalisée de sa base, il s’est appuyé sur la machine financière du gouvernement en promouvant des politiques sociales de dernière minute pour gagner le soutien de la part la plus pauvre de la population, ainsi que sur l’appareil policier, qu’il a utilisé pour tenter d’empêcher les déplacements des électeurs·trices. Malgré cela, il est le premier président brésilien à avoir échoué à se faire réélire.

Lula, candidat du Parti des travailleurs (PT), nous est apparu comme ayant le leadership capable d’entraîner la défaite électorale de Bolsonaro. Le soutenir a été un pas tactique pour la défense des libertés démocratiques, pour qu’il nous soit possible d’exister comme une alternative à gauche à travers le Parti socialisme et liberté (PSOL). 

Mais le PT porte un programme de conciliation de classe et, en tant que tel, il n’a pas réussi à présenter des réponses à la crise qui s’est ouverte au début de la dernière décennie principalement causée par les impacts de la crise économique de 2008.

Cela explique en partie la polarisation que nous connaissons. Une large part de la société ne voit ni Lula ni Bolsonaro comme une option viable, le vote en faveur de l’un ou de l’autre est à interpréter comme un vote de défiance. En ce sens, cette élection tenait plutôt du plébiscite « pour ou contre » Bolsonaro 

Nous avons été victori­eux·euses dans la construction de ce large mouvement démocratique. La victoire de Lula, même si elle est serrée, ouvre un espace pour l’élargissement des mouvements protestataires. Mais elle démontre aussi que l’extrême droite continuera d’être un élément saillant dans le pays, que ce soit dans les mobilisations ou à travers les majorités électorales. Nous en avons eu un exemple après l’élection, avec des blocages et des manifestations à caractère putschiste dans l’ensemble du pays. Toutefois, malgré leur caractère a priori effrayant, l’extrême droite n’a pas la force de mettre en œuvre son projet de coup d’État.

Le gouvernement de Lula et sa capacité d’agir 

Le futur gouvernement de Lula est porteur d’une contradiction. D’un côté, il cherchera le dialogue avec les partis du centre et de la droite, qui ont soutenu Bolsonaro, afin d’obtenir une majorité au Congrès. La bourgeoisie, en particulier ses factions qui n’ont pas soutenu Bolsonaro, fera pression pour la poursuite des politiques néolibérales. 

Mais les classes opprimées voient en Lula une possibilité d’améliorer leur existence avec une augmentation des salaires, une réduction de l’inflation, une augmentation du nombre d’emplois et de logements – autant de promesses de campagne porteuses de la dynamique progressiste de l’élection. Elles dépendent pourtant précisément du refus de l’ajustement fiscal néolibéral et de l’affirmation de politiques qui soutiennent les dépenses sociales, telles que l’imposition des grandes fortunes, toujours refusée par le PT.

Lula a vécu avec une contradiction similaire lors de ses premiers gouvernements, mais dans une situation économique beaucoup plus favorable et sans l’existence d’une extrême droite massive. Pour celles et ceux d’entre nous qui ont construit le PSOL en tant qu’alternative de gauche indépendante et anticapitaliste, et qui n’ont donc jamais soutenu les précédents gouvernements du PT, il apparaît que Lula n’est pas disposé à faire payer les riches pour résoudre la crise. Le temps montrera comment ces contradictions vont se développer, mais le conflit sera inévitable.

Le rôle du PSOL 

La dispute sur ce que sera le nouveau gouvernement se prolonge dans notre parti. Selon le Mouvement socialiste de gauche (MES, tendance au sein du PSOL appartenant à la IVe internationale) le PSOL ne devrait pas faire partie du gouvernement. Tout comme nous ne pouvons pas nous bercer d’illusions sur Lula, nous ne pouvons pas nous replier sur un sectarisme dogmatique qui ne tient pas compte de la polarisation sociale. Notre rôle est d’exiger que les demandes sociales soient satisfaites et de soutenir les processus de mobilisation populaire, tout en prenant nos responsabilités dans la lutte contre l’extrême droite, lutte qui demande une unité dans l’action.

Un espace pour le changement

Aujourd’hui, nous avons obtenu une victoire démocratique qui constitue une avancée non négligeable vers la défaite de l’extrême droite en Amérique latine et dans le monde. Au regard des multiples crises que nous traversons, nous ne connaissons pas l’issue de l’instabilité et de la polarisation à l’échelle mondiale, mais chaque pas franchi en faveur de la construction d’une alternative de gauche socialiste partout dans le monde doit être célébré.

João Pedro de Paula  militant du PSOL
Traduit de l’anglais par Cornelia Hummel