Les super riches au centre d’une crise gouvernementale

Si la demande de Valérie Dittli d’annuler des taxations pour répondre aux revendications des plus riches était particulièrement crasse, c’est bien la majorité de droite dans son ensemble qui poursuit l’objectif d’abaisser la charge fiscale des plus nanti·es…

Valérie Dittli entourée de Frédéric Borloz, Isabelle Moret et Christelle Luisier
Si l’entente semble brisée à la suite de l’affaire, c’est bien la majorité de droite du Conseil d’État vaudois dans son ensemble qui poursuit l’objectif d’alléger la fiscalité des gros contribuables… (Événement de campagne de l’Alliance vaudoise, février 2022)

Imaginez un chef de la police qui exigerait d’effacer les amendes de quelques privilégié·es: c’est la comparaison effectuée par l’expert mandaté pour analyser les pratiques récentes de la conseillère d’État vaudoise Valérie Dittli.

Cette dernière, qui fait partie de l’alliance de droite majoritaire au gouvernement du canton, s’est vue retirer la responsabilité des finances. À l’origine de cette décision, il y a le lobbying aussi intense que discret de quelques contribuables très aisés qui ont vu leur taxation quelque peu augmenter en 2022, à la suite d’un affaiblissement du bouclier fiscal. Ce dernier, introduit en 2009, limite la progressivité de l’impôt en faveur des super riches. 

Parmi les personnes qui ont fait pression sur la cheffe des finances, les médias ont en particulier évoqué Bernard Nicod, magnat de l’immobilier local dont la fortune amassée sur le dos des locataires est estimée à plus de 500 millions de francs!

La demande de l’ancienne cheffe des finances Dittli d’annuler des taxations en vue d’un traitement fiscal plus favorable des gros contribuables est certes une manière particulièrement crasse de répondre aux revendications des plus riches. À ce titre, les voix qui ont demandé la démission de Mme Dittli sont légitimes. 

Cependant, c’est bien la majorité de droite dans son ensemble qui poursuit cet objectif. Elle a ainsi récemment voté au Grand Conseil en faveur du renforcement du bouclier fiscal pour répondre, par la voie légale, aux doléances de B. Nicod et consorts. Les partis bourgeois ont justifié cette décision par un discours alarmiste, pointant une perte de compétitivité fiscale du canton et le supposé départ de gros·ses contributeur·ices. 

Cette propagande, si souvent mobilisée par la droite lorsqu’il s’agit de faire passer de nouveaux privilèges fiscaux pour les capitalistes, est pourtant contraire aux faits. Les statistiques publiées par la Confédération montrent en effet que le nombre de contribuables disposant d’une fortune nette supérieure à 10 millions de francs connaît une augmentation soutenue dans le canton ces dernières années: de 1094 personnes en 2015, elles·ils sont 1664 en 2021. Ainsi, les taux d’imposition vaudois, loin d’effrayer les plus riches, les attirent tout au contraire…

Le renforcement du bouclier fiscal auquel a procédé la droite en 2025 n’est qu’une étape dans une offensive plus large des forces néolibérales visant à abaisser la charge fiscale des plus nanti·es. La population aura cet automne à se prononcer dans les urnes sur une initiative des organisations patronales demandant une baisse de l’impôt de 12%, y compris sur la fortune. 

Cette votation constituera une bataille décisive pour le mouvement syndical et la gauche, au-delà du seul canton de Vaud. En effet, l’acceptation de cette initiative aurait non seulement des répercussions dramatiques sur les services publics. Elle renforcerait aussi les inégalités, dans un pays où le 1% le plus riche possède déjà 42% de la fortune totale! 

Un succès populaire du patronat sur une proposition aussi maximaliste, dans le troisième canton le plus peuplé du pays, mettrait en appétit les forces bourgeoises dans toute la Suisse et stimulerait encore davantage la concurrence fiscale intercantonale au profit des capitalistes. solidaritéS s’engagera dans un cadre unitaire pour mettre en échec cette dangereuse «initiative 12%».

Hadrien Buclin