Allègements fiscaux pour les plus riches
la fabrique de l’austérité
L’austérité, ça se prépare. Encore une fois, les organisations patronales et leurs représentant·es politiques sont à la manœuvre : réduire les recettes de l’État, au profit des plus riches, puis crier au déficit. À la clef, des baisses de moyens pour les services publics et un accroissement des inégalités. Le Conseil d’État freine un peu, mais ne change pas le cap.
Les organisations patronales vaudoises ont déposé une initiative populaire pour une forte baisse de l’impôt sur le revenu et la fortune. Celle-ci sera soumise au vote au début de l’année 2025. Si elle est acceptée, la perte de recettes pour l’État serait d’environ 550 millions par an, sur un total de revenus de près de 12 milliards. Les comptes publics plongeraient alors dans le rouge vif, permettant à la majorité de droite d’adopter de sévères mesures d’économie. La Constitution vaudoise comporte en effet un frein à l’endettement très strict, qui prévoit que les autorités «prennent sans délai des mesures d’assainissement» dans le cas où les dépenses de fonctionnement excèdent les revenus.
Le gouvernement choie aussi les riches
Le Conseil d’État s’oppose à cette initiative, estimant qu’elle provoquerait un trop fort déséquilibre financier. C’est aussi, sans doute, que le gouvernement cantonal a été échaudé par le large mouvement de manifestations et de grèves de la fonction publique de 2023 et ne souhaite pas s’engager dans un nouveau bras de fer avec les syndicats. Le gouvernement propose néanmoins d’agir dans le sens demandé par le patronat, à travers des baisses fiscales d’une ampleur plus réduite, générant environ 270 millions de pertes. Les élu·es d’Ensemble à gauche au Grand Conseil vaudois s’y opposeront, car ces diminutions d’impôt profiteront avant tout aux contribuables les plus fortuné·es.
Le Conseil d’État prévoit notamment de diminuer l’impôt sur la fortune ainsi que celui sur les successions et donations. Ces baisses fiscales ne bénéficieront en rien aux personnes modestes, car les fortunes jusqu’à 58000 francs sont déjà exemptées d’impôt. Il en va de même pour les transmissions de petits patrimoines. Ainsi, les donations de parent à enfant sont exemptées d’impôt jusqu’à 50000 francs par an et par héritier·ère et l’impôt sur les successions n’est pas prélevé sur les 250000 premiers francs. De plus, pour les montants supérieurs, les taux demeurent très faibles et n’ont en rien le caractère supposément «confiscatoire» dénoncé par les organisations patronales. Ainsi, le taux d’impôt cantonal sur la fortune est plafonné à 0,34%: pas de quoi empêcher les multimillionnaires de dormir!
Service public et prestations sous pression
Ces nouvelles baisses d’impôt ne sont pas seulement injustes socialement, mais elles compromettent le financement du service public et des prestations. En annonçant le budget 2025, le Conseil d’État a déjà présenté une première partie de la facture, limitant la création de nouveaux postes dans la fonction publique. Le gouvernement vante ainsi «la croissance la plus faible des postes des cinq dernières années». Compte tenu d’une progression démographique soutenue – 1,9% en 2023 – une telle restriction dégradera rapidement les conditions de travail et la délivrance des prestations.
Or, aujourd’hui déjà, la pression sur les salarié·es de la fonction publique est forte. Ainsi, les enseignant·es de l’école primaire ont récemment déposé une pétition demandant des effectifs plus faibles dans les petites classes et un soutien accru pour les élèves en difficulté, dénonçant «un manque criant de moyens». Des revalorisations salariales sont également indispensables dans les secteurs social et sanitaire parapublics, où les revenus des soignant·es ou encore des éducateur·trices sont jusqu’à 1000 francs par mois inférieurs à ceux en vigueur dans les cantons voisins, ce qui pose d’importants problèmes de recrutement et de fidélisation des salarié·es. Ainsi, en 2023, un foyer pour adolescent·es a dû fermer ses portes à Lausanne, faute d’éducateur·trices spécialisés en nombre suffisant! Des renforts sont aussi nécessaires, entre autres, à l’Office de l’assurance maladie et à celui des bourses d’étude et d’apprentissage, afin de réduire les délais de traitement des demandes, qui aggravent la précarité des personnes faisant appel à ces prestations.
Les élu·es d’Ensemble à gauche proposeront, durant l’examen du budget au Grand Conseil, des amendements visant à renforcer ces secteurs essentiels du service public. De plus, nous nous engagerons avec détermination dans la campagne à venir pour mettre en échec l’initiative fiscale du patronat. La réponse aux menaces qui pèsent sur le service public passe aussi par de nouvelles mobilisations syndicales, comme en 2023.
Hadrien Buclin