Une loi inhumaine, raciste et cynique
Le 27 septembre 2016, le Grand Conseil a adopté une loi interdisant la mendicité. Malgré des tentatives d’opposition, cette loi est entrée en vigueur le 1er novembre 2018. Le même jour, environ 300 personnes se sont rassemblées pour dénoncer son caractère inhumain et raciste.
Nirine Arnold
«Mendier n’est pas un crime», «Je vais disparaître de vos regards… pour aller où?», «Je n’ai plus le droit de mendier… avez-vous du travail à me proposer?». Ces slogans, brandis sur des pancartes pendant la manifestation, démontrent l’inhumanité d’une stratégie qui criminalise la pauvreté au lieu de la combattre. Stratégie qui cible aussi principalement la communauté rrom, ajoutant à l’inhumanité le racisme.
Aussi scandaleuse soit-elle, cette loi n’est pas isolée, puisqu’elle s’inscrit dans deux processus que nous combattons: le renforcement de logiques sécuritaires, policières et répressives, et l’accroissement des inégalités économiques.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi, la police peut amender les personnes qui font le geste de l’aumône. Au nom de l’ordre et de la tranquillité publics, elle sera peut-être même habilitée à prononcer des interdictions de périmètre sans l’aval de la justice.
Comme pour la lutte contre le harcèlement dit de rue, comme la réaction policière à la polémique du «deal de rue», la présence policière et ses prérogatives sont renforcées. Et toute solidarité au sein de la population est interdite. On criminalise la misère pour ne pas avoir à se regarder en face.
Mais surtout, pendant qu’on criminalise – et précarise davantage – la partie la plus vulnérable de la population, on creuse toujours plus l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Pendant qu’on envoie la police dans les rues au nom des droits des femmes, on permet à cette même police de harceler et violenter des êtres humains dont la misère nous est insoutenable: les femmes rroms ne sont-elles pas des femmes? Pendant qu’on donne des amendes aux plus précaires, ce qui peut les conduire en prison comme c’est le cas à Genève, on poursuit la politique du dumping fiscal qui octroie des cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises et permet à leurs actionnaires de profiter encore plus du travail et de la précarité des autres.
Face à cette inhumanité et à ce cynisme, nous ne lâcherons RIEN!
Anouk Essyad & Tamara Knezevic