Police lausannoise: de l’éthique, en veux-tu, en voilà
Police lausannoise: de léthique, en veux-tu, en voilà
Lancé en 2002 par
lancienne municipale radicale Doris Cohen-Dumani, à qui
le popiste Marc Vuilleumier a succédé, le
développement de la « dimension
éthique » de laction de la Police municipale
lausannoise a connu son baptême avec la publication du premier
rapport de son Comité déthique, consacré au
« délit de faciès ».
Sur le papier, le dispositif visant à barder
déthique et à larder de déontologie le
Corps de police lausannois est impressionnant : une charte, un
code déthique, une commission et un code de
déontologie, un délégué à
léthique, un préposé à la
déontologie et trente « catalyseurs »,
courroie de transmission des nouvelles pratiques et des
préoccupations de leurs collègues. Si avec ça, la
Police municipale connaît à nouveau les manquements graves
révélés par le rapport interne de 2007,
cest quelle est indécrottable !
Lorsquon y regarde de plus près, le
doute sinstalle cependant. Adopté par la
Municipalité le 2 avril 2008, le « Code de
déontologie des policières et policiers »
stipule dans son préambule qu« Au quotidien,
le policier doit inscrire son action entre le respect des droits de
lHomme et laccomplissement de la mission
générale qui lui est confiée ».
Lexécutif lausannois aurait-il voulu signifier à
ses pandores que les droits humains ne simposent pas en toutes
circonstances quil ne sy serait pas pris autrement. Selon
cette curieuse conception en effet, les droits sont à un
pôle, la mission à un autre et laction
policière entre les deux
Drôle
déthique, non ?
La recherche ciblée en lieu et place du délit de faciès
Léthique, justement, il y a un comité pour
ça. Composé pour moitié de fonctionnaires de
police, cest un « organe autonome mis à
disposition du Corps de police de Lausanne par la Municipalité
de Lausanne. Ce Comité déthique
délibère de manière indépendante. Il
émet des avis consultatifs. » Il
délibère de manière indépendante,
peut-être, mais il nest, ni dans sa composition, ni dans
sa fonction comparable à ce quAmnesty International
réclame en Suisse, à savoir « une commission
dexpert-e-s qui observe comment et dans quelle mesure la police
respecte les normes internationales et matière de droits humains
et les codes de déontologie », dotée de
véritables compétences denquête et
danalyse des pratiques.
Le texte publié par le Comité
déthique, lAvis no 1, intitulé Du
« délit de faciès » à la
« recherche ciblée » de personnes
ressemble à une sorte de jésuite à la frangipane,
un peu lourd et pas vraiment convaincant. Un avertissement et un
avant-propos solennels où ceux qui connaissent Marx
samuseront de lire quune des caractéristiques des
sociétés totalitaires est « la
réduction des personnes à des choses »
, des compléments juridiques et un glossaire en annexe.
Pour le reste, la « recherche ciblée »
nest pas arbitraire, et se distingue donc du
« délit de faciès »,
lorsquelle respecte cinq critères. Voici le
premier : le recours à cette pratique doit être
« motivé par une finalité légitime,
cest-à-dire congruent avec les politiques publiques
concernées et le respect des droits des citoyens ».
« Chef, si je cogne, est-ce que ça
congrue ? » aurait demandé Delfeil de Ton
dans le Charlie-Hebdo de la belle époque
Dautres critères sont plus
compréhensibles sans être nécessairement plus
crédibles. Le dernier dit ainsi que ce recours doit être
« annoncé et expliqué de façon que
les personnes interpellées comprennent le mieux possible que les
contrôles effectués ne sont pas arbitraires et visent,
à priori davantage à reconnaître leur innocence
quà établir leur
culpabilité ». Ça risque de coûter
bonbon en leçons de rhétorique pour les membres du Corps
de police
A ces cinq critères sajoute une
série de recommandations adressées à nombre de
destinataires. La population de la ville est y priée
dapporter son meilleur concours à la
sécurité urbaine et les associations de défense
des droits humains se voient conviées à expliquer
à leurs interlocuteurs dans quel esprit travaille la Police
lausannoise.
Bref, ce doux verbiage qui dénonce
quand même le « délit
duniforme » dont sont victimes les
policiers ! risque fort de ne pas changer
véritablement leurs pratiques. La revendication avancée
par Amnesty International dun organe de plainte
indépendant pour examiner les plaintes contre la police reste
incontournable. Un premier pas dans ce sens pourrait être
représenté par lobligation pour les policiers de
porter un badge didentification. Une recommandation du Code
européen déthique de la police, déjà
mise en uvre dans la plupart des pays européens.
D. Süri