Euro 2012, au bonheur des dames

Un championnat européen de football, en même temps que des klaxons ou des buts, c’est aussi un moment de forte médiatisation mettant en lumière différentes pratiques politiques d’un pays, notamment d’agression envers les femmes, qu’elles soient prostituées ou ancienne première ministre.

 

L’Euro se révèle avant tout comme un événement auquel on ne peut pas échapper. Tout le monde se doit d’en parler, les images envahissent les bistrots et le tout semble représenter le dernier moment de liesse populaire. Que l’on aime ou pas, des critiques doivent être énoncées sur les auteurs des matchs. Les compétitions de football, par l’amour que vouent les organisations internationales aux pays autoritaires, ont fini par prendre l’allure de tournée des pratiques liberticides, des injustices sociales ou raciales, l’Euro devenant alors l’occasion de porter à jour ces dernières. Cette année, la compétition est organisée par deux pays. Le premier, la Pologne, s’en sort bien, la Grèce ayant pris sa place de repoussoir dans la psyché de l’Europe néolibérale. C’est surtout le second, l’Ukraine, qui dévoile ses dessous peu ragoutants. Premièrement, comme pour chaque compétition de football, certaines organisations tentent de dénoncer la prostitution massive que ces rendez-vous sportifs provoquent. Cette année, à l’avant-garde de cette protestation se trouvent les FEMEN. Il est d’autant plus logique de les y trouver que l’organisation vient justement d’Ukraine. S’il reste difficile de juger définitivement ces féministes militant seins nus, leurs positions tous azimuts ont parfois rendu leurs mobilisations au mieux peu claires, au pire politiquement limites (leurs actions contre le voile en France par exemple). Il n’empêche que dans le cadre de cet Euro, on ne peut que leur reconnaître une capacité à attirer l’attention des médias sur un phénomène qui touche le pays de façon endémique, le nombre de prostituées n’étant recensé par aucun rapport officiel mais souvent estimé entre 60 000 et 90 000. S’opposant aux forces de police, les FEMEN n’ont raté aucune occasion de dénoncer le tourisme de la prostitution que connaît leur pays. Dans les actes, c’est efficace : en perturbant les matchs ou les expositions de la coupe, les FEMEN ont obligé tous les médias à parler de ce problème. Par contre au niveau du contenu, pas sûr que « Fuck euro » constitue une approche suffisamment critique et politique.

 

 

Une tradition d’autoritarisme

Cette année, on a même parlé de boycott au sujet de l’Euro. Ainsi les gouvernements européens ont fait mine de soudain découvrir la répression qui sévit dans l’Ukraine de Ianoukovitch, à travers le cas médiatisé de l’enfermement de l’ancienne premier ministre Ioulia Timochenko, devenue opposante et actuellement condamnée à 7 ans d’emprisonnement. Cette dernière a entamé une grève de la faim et appelé au boycott de l’Euro pour dénoncer les conditions de sa détention. Tous les dirigeants européens s’accordent pour condamner ces dernières, mais certains pensent que le boycott ne doit avoir lieu qu’en finale, d’autres se vantent de n’envoyer aucun membre du gouvernement alors que cette pratique est habituelle, d’autres encore, candides, rappellent que s’il s’agit de dénoncer des pratiques répressives, il existe des moyens plus politiques qu’une compétition de football. Au-delà de ces discussions, cet Euro aura permis de rappeler la présence d’un héritage politique obscur toujours présent en Ukraine. Il existe ainsi dans certaines villes d’Ukraine des bars à thèmes terrifiants : par exemple, le bistrot « juif » orné de tableaux et caricatures antisémites. Le football n’a plus de place quand les problèmes touchés l’excèdent totalement, qu’il s’agisse de la prostitution massive dans l’Europe de l’Est, l’autoritarisme de certains gouvernements ou la présence de traditions antisémites renforcées par la valorisation des nazis comme force d’opposition à l’occupant soviétique. 

 

Pierre Raboud