Accord de la COP 21

Accord de la COP 21 : Miracle et désastre sont en bateau. Miracle tombe à l'eau...

La formule de l’éditorialiste du journal The Guardian, Georges Monbiot a fait florès : «par rapport à ce que cet accord aurait pu être, c’est un miracle. Par rapport à ce qu’il devrait être, c’est un désastre». Mais les miracles enfantés par la crédulité ou l’imposture ne durent pas. Les désastres, si.

Président de la COP21, Laurent Fabius – dont les préoccupations concernant le climat ou l’environnement sont assez récentes – aura toutefois réussi un tour de force, à défaut de miracle : faire coïncider l’adoption par applaudissement de l’accord de Paris avec l’heure du journal télévisé. Il aura donc fallu attendre quelques jours pour que le paraître cède la place à une analyse plus critique dans les médias et que les adjectifs accolés à l’accord par Fabius juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant»), laissent la place à une réalité plus prosaïque.

 

 

Juridiquement contraignant ?

Formellement, l’accord de Paris est l’équivalent d’un traité international, donc il est juridiquement contraignant, comme tous les traités. Son entrée en vigueur dépend de la ratification, acceptation, approbation ou adhésion, à partir du 22 avril 2016, d’au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales. Un Etat signataire devra donc le respecter.

Mais comme les engagements impliqués par l’accord restent vagues, la contrainte n’est pas très…contraignante. Ainsi, chaque Etat doit procéder, tous les cinq ans, à une révision de sa contribution nationale (à la réduction des gaz à effet de serre), appelée INDC, selon son acronyme anglais. Il s’engage aussi à améliorer cette contribution. Mais on ne sait pas de combien. 1 % de gaz à effet de serre en moins tous les cinq ans représente déjà une «amélioration»!

De même, l’accord prévoit un objectif d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et leur absorption par les puits de carbone au cours de la seconde moitié du 21e siècle. Donc entre 2051 et 2099… Même si un comité d’experts internationaux est chargé de vérifier publiquement les informations fournies par les Etats sur leurs émissions, cette vérification ne devra pas être intrusive et se faire dans le respect de la souveraineté nationale, tout en étant flexible pour les pays dits en voie de développement. Bref, l’absence de toute sanction fait qu’ici la contrainte ne sera que de type «name and shame» (nommer et blâmer). D’autant plus que nombre de clauses de l’accord utilisent le conditionnel («should» : devrait), signifiant par là qu’il y a obligation de moyen, mais pas de résultat. Autrement dit, si vous avez mis en œuvre tout ce qu’il fallait pour atteindre l’objectif, mais que celui-ci est resté hors de portée, vous n’êtes pas responsable de cet échec. Ce genre de clause, à cause de leur élasticité légendaire, sont appelées paragraphes chewing-gum en allemand.

Par ailleurs, les engagements pris par les pays (INDC) ne font pas partie de l’accord au sens strict, ce qui les rend encore moins contraignants, reposant simplement sur une base volontaire.

 

 

Un grand écart significatif

Généreusement, l’accord se fixe pour objectif de maintenir la hausse moyenne de température du globe «bien au-dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5°C au-dessus de ces niveaux, en reconnaissant que cela réduirait considérablement les risques du changement climatique». Une belle ambition, à laquelle on ne peut que souscrire. Sauf qu’on en reste au principe et que l’absence de moyens ne permet aucunement de garantir que l’objectif sera atteint. Cela d’autant moins que les contributions nationales promises (INDC), qui portent jusqu’à l’échéance 2025 ou 2030, auront un effet cumulé qui entraînera un réchauffement de 3° C. En moyenne planétaire. Pour certains pays, comme la Suisse, ces 3° C correspondront probablement à une élévation de 6° C des températures. De quoi traverser un jour le Rhône à gué.

En prenant comme base de calcul ces promesses, les experts du groupe ad hoc mis sur pied lors de la COP de Durban (2011) ont ainsi pu calculer qu’en 2025, seuls les 27 % de l’objectif du maintien de la température à 2° C seront atteints et que cette proportion baissera à 22 % en 2030. Le désastre est programmé.

 

 

Des mots qui manquent

L’accord de Paris traite du climat et des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant on n’y trouve pas de mots ou d’expressions comme «combustibles fossiles», «charbon», «pétrole», «gaz naturel», «industrie», «automobile»; l’«énergie» n’y est citée que deux fois, dans une même phrase à propos de l’Afrique ; on n’y trouve pas non plus les vocables «transition énergétique» ou «sobriété énergétique»; «énergie renouvelable» n’est évoquée qu’une fois, en lien… avec les pays en développement; quant à la «justice climatique», elle n’est mentionnée que dans un alinéa fourre-tout qui rappelle l’importance («pour certains») de la biodiversité (seule mention) et de la Terre Mère (sur demande d’Evo Moralès). S’y ajoute le fait que les émissions du transport aérien et maritime sont exclues de l’accord.

En suivant ce texte, il n’y a donc pas vraiment d’origine au réchauffement climatique, ni de responsables et d’acteurs. Et la transition, si transition il y a, va vers on ne sait trop quoi. Ou plutôt non : vers on sait trop bien quoi. Le maintien à très haut prix social et écologique d’un capitalisme n’ayant pas renoncé aux énergies fossiles et cherchant à s’en sortir en multipliant les projets de compensation et de captation du CO2, selon le scénario de l’Agence internationale de l’énergie. Décidement, il n’y a pas eu de miracle à Paris.

Daniel Süri