Une mobilisation exemplaire

Une mobilisation exemplaire : Défenseurs de l'eau en lutte contre le Dakota Access Pipeline

La tournée européenne de représentant·e·s amérindiens en lutte contre le pipeline DAPL dans le Dakota du Nord a su, sous le slogan Stand Up With Standing Rock (debout avec Standing Rock), mobiliser largement avec un maximum d’activités diversifiées.

Nos quatre hôtes, Wašté Win Young, Rachel Heaton, Nataanii Means et Rafael Gonzales ont porté la voix des défenseur·e·s de l’eau à Paris, Bruxelles, aux Pays-Bas, en Allemagne, puis à Genève. Les trois derniers participent encore jusqu’au 20 juin à diverses actions dans le Sud du continent, notamment à Bologne contre le G7 et à Barcelone pour le sommet municipaliste des Villes sans peur.

Fuites et pollutions

Nous avions déjà annoncé cette tournée dans une édition précédente (numéro 308). Depuis, le pétrole coule dans le pipeline, mais la bataille n’est pas finie. Le DAPL a déjà connu, au moins trois fois, des fuites entre mars et avril, sans impact grave pour l’instant. Cependant, la société Energy Transfer Partners, à la tête du projet, est coutumière des montages douteux, et a rejeté la responsabilité de ces fuites sur des sous-traitants. Par ailleurs, elle a déjà été accusée de graves pollutions de zones humides en Ohio durant le mois de mars, dues à l’extraction du gaz de schiste et à un autre «serpent noir», le pipeline Rover.

Nos quatre visiteurs ont tenu à mettre l’accent sur la portée globale de leur message: ils sont des Water Defenders (defenseur·e·s de l’eau), et leur lutte ne s’arrête pas à Standing Rock, qui fut le plus grand rassemblement d’amérindiens depuis un siècle. Nos quatre amis y ont été victimes à des degrés divers de la répression, dont des actes de sadisme directement inspirés de la lutte contre les djihadistes. The Intercept vient de révéler le 27 mai des documents confidentiels de TigerSwan, l’officine de sécurité privée affectée par la compagnie, qui confirment leurs témoignages.

Racisme environnemental

Dans le cas du DAPL, la convergence des luttes a été accélérée par le parcours modifié du pipeline, qui a évité des endroits peuplés majoritairement par des blancs pour passer par les territoires sacrés des tribus indiennes. Rachel Heaton a dénoncé une nouvelle manifestation de ce racisme environnemental déjà rencontré, par exemple, après le passage de l’ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans. Cette forme de colonisation des terres indiennes qui continue au 21e siècle est vécue comme la poursuite du génocide des peuples premiers d’Amérique du Nord.

Ces quelques jours resteront gravés dans nos mémoires [voir l’article de Léa Samira, ci-contre], notamment parce qu’ils ont permis de fédérer et de toucher un maximum de personnes autour d’un objectif commun: alerter l’opinion et demander le désinvestissement des banques européennes des projets climaticides, ce qui rejoint la campagne internationale relayée en Suisse par l’Alliance climatique. La presse locale et régionale s’en est fait l’écho, et des actions très diverses ont eu lieu (climatjusticesociale.org). Un symptôme? Le Crédit Suisse s’est senti obligé de démentir une nouvelle fois l’ampleur de ses investissements opaques. De quoi être fier de cette tournée, imaginée au départ au sein du groupe écosocialiste de solidaritéS.

Sébastien Bertrand


Trois jours d’action à Genève

Témoignage d’une membre du groupe Jeunes


Action dans une succursale du Credit Suisse – Maria de Lutz

Sur l’étape genevoise de la tournée des Water Defenders, nous avons passé trois jours très mouvementés, pleins d’actions et d’activités. Pour ces défenseur·e·s de l’eau, nous sommes juste une petite étape sur cette grande tournée, cette grande lutte. Une lutte qui est partie des indigènes et qui s’étend petit à petit sur le monde. Ces trois jours ont bien montré que nous sommes nombreux à vouloir nous battre pour la Terre et un monde sans énergies fossiles.

Les actions organisées durant ces trois jours étaient très diverses. Par des concerts Hip Hop, les défenseurs de l’eau parlaient aux jeunes; des conférences ont été données à l’ONU et à l’Université; et l’action des lettres aux banques s’adressait aux citoyens en général. Je trouve que c’est très important de mobiliser les jeunes et de leurs parler dans une langue qu’ils comprennent. Parce que cela concerne notre futur et nous devons arriver à vulgariser la politique pour montrer aux jeunes que c’est notre monde qui est en jeu. Comme Nataani Means et Rafael Gonzales l’ont dit, le Hip Hop fait partie intégrante de leurs luttes car c’est la langue des jeunes, ils revendiquent cet art. Et je trouve que l’énergie qui monte aux concerts est très forte.

Des gens de différents âges, de différents partis, de différentes cultures se sont retrouvés pour cette lutte: c’est cette richesse de compétences variées qui a rendu possible tout cela, ici à Genève et partout sur la tournée. A la conférence, les quatre Water Defenders nous ont narré des expériences choquantes, des choses qu’on a peut-être lues dans les journaux, mais de l’entendre de vive voix les rendait réelles. Mais ils nous racontaient aussi la force qu’ils ont senti dans le camp, cette force de la terre et de nous tous. Trois jours qui ont eu un impact pour nous, nous faisant sentir la lutte commune. Mais ces trois jours étaient aussi un début pour mettre la pression sur les banques suisses qui ont investi dans le DAPL. Et comme l’ont dit les Water Defenders, même avec toutes ces choses qui se passent mal, rions, rions, rions!

Léa Samira Bernath