Tous ensemble dans la lutte contre le déficit social à Genève!

Tous ensemble dans la lutte contre le déficit social à Genève!

La droite cherche à enfermer les socialistes
et les verts dans la logique des économies.
De ce point de vue, le projet de budget
2005 du Conseil d’Etat unanime répète le
«paquet ficelé» de fin 1998. Mais
attention, cette fois-ci, la droite
parlementaire joue un double jeu: au
Conseil d’Etat, elle feint l’alliance sacrée
avec la gauche, pour légitimer l’attaque
aux salaires et aux prestations; au
parlement et dans les médias, elle donne
de la voix pour durcir les coupes et refuser
tout nouvel impôt. La gauche syndicale,
associative et politique doit sortir de ce
piège en disant non en bloc aux mesures
antosociales et aux impôts injustes prévus
par le budget 2005. Elle doit se rassembler
dans un large front anti-néolibéral contre le
déficit social! C’est dans ce sens que
l’action syndicale pour la défense des
conditions de travail et des prestations de
la fonction publique est essentielle. Mais
les salarié-e-s du public ne sont pas seuls!
Ils/elles peuvent trouver un appui auprès de
toutes celles et tous ceux qui se
reconnaissent dans les batailles lancées
contre la libéralisation-privatisation des
services publics (santé, TPG, Services
Industriels) et l’amputation de la
prévoyance sociale (compléments
cantonaux AI, occupations temporaires des
chômeurs-euses, tarifs minimaux
d’assistance, allocations logement,
assurance maladie des jeunes, etc.) Nous
ne gagnerons qu’en articulant ce large front
du refus. Et à son tour, une telle résistance
ne pourra être crédible, que si elle
revendique aussi de nouvelles recettes, soit
une imposition plus forte des hauts
revenus, des bénéfices et de la fortune.
C’est pourquoi, solidaritéS fait des
propositions concrètes à ce sujet.

Depuis plusieurs années, la droite patronale a pris l’initiative
de baisser les impôts, sous prétexte de favoriser la
relance. En réalité, ces baisses d’impôts n’ont pas contribué
à doper la croissance. En revanche, elles ont creusé
les déficits publics et aggravé la dette (13 milliards au budget
2005, contre 8,4 milliards en 1995). Certes, le service
de la dette de l’Etat de Genève est inférieur, encore aujourd’hui,
à ce qu’il était il y a dix ans (330 millions contre 443
millions en 1995), ceci en raison du niveau historiquement
bas des taux d’intérêts actuels. Cependant, la hausse des
taux qui s’amorce pourrait faire exploser rapidement le
service de la dette. C’est une menace à prendre au sérieux,
mais sans précipitation excessive!

Caisses vides: la faute à qui?

On reconnaît ici les recettes du néolibéralisme: creuser
les déficits publics en réduisant les impôts (en particulier
des plus riches), accroître les transferts en faveur du
capital financier (par le service de la dette), remettre en
cause les services publics et les dépenses sociales. Par
exemple, la moitié des bénéfices réalisés grâce à la baisse
linéaire d’impôts de 12% sur le revenu des personnes
physiques, l’a été par moins de 5% des contribuables
les mieux lotis!

A cela, il faut ajouter les baisse d’impôts sur le bénéfice
des entreprises, ainsi que la suppression du droit de
succession en ligne directe, du droit des pauvres, etc.
Ces manques à gagner cumulés dépassent le déficit de
l’année 2003, qui s’est élevé à 431 millions. C’est pourtant
ce déficit qui justifie aujourd’hui le budget d’austérité
2005. Ni le député vert David Hiler, ni le libéral Pierre
Weiss, n’y font cependant la moindre allusion dans le
débat qui les «oppose» dans les colonnes de la Tribune
de Genève du 4 octobre.

Budget d’austérité brutal

Avec son budget 2005, le Conseil d’Etat unanime (y compris
les magistrats socialistes et vert) annoncent ainsi:

  • Le durcissement des attaques contre les salaires et les conditions de travail des employé-e-s de la fonction publique: blocage de la masse salariale (à l’exception d’une compensation partielle du renchérissement, à hauteur de 0,75%, et d’une augmentation de 75 postes au DIP).
  • La réduction des dépenses sociales pour les plus démuni-e-s: baisse des allocations complémentaires cantonales aux invalides, réduction des emplois temporaires pour les chômeurs, diminution du minimum vital d’assistance publique, baisse des allocations logement, aide réduite pour l’assurance maladie des jeunes de 19 à 25 ans en difficulté, augmentation des effectifs des classes, allongement des délais d’attente à l’hôpital cantonal et dégradation de la qualité des soins, personnel insuffisant dans les EMS… En même temps, la majorité de droite du Grand Conseil veut privatiser une part croissante des activités des TPG et refuse de faire barrage à la «libéralisation» électricique…
  • Deux mesures fiscales antisociales: la suspension de la compensation de la progression à froid (cette mesure épargne les très hauts revenus, puisqu’ils ont déjà atteint le taux maximum d’imposition); le transfert du quart des charges de l’OCPA sur les communes, sans indiquer la répartition précise de l’effort dans la loi (quand on sait que les communes populaires d’Onex ou de Vernier paient déjà 50 cts additionnels ou plus, contre 30-31 cts dans les «paradis fiscaux» de Collonge-Bellerive, de Cologny ou de Genthod).

Paquet ficelé et front du refus

Assiste-t-on à une répétition du «paquet ficelé», proposé
par la droite, les socialistes et les verts, fin 1998, auquel
l’ADG, et solidaritéS en son sein, avaient opposé une
résistance victorieuse? En partie oui, puisqu’il s’agit d’un
nouveau paquet de mesures antisociales et d’impôts
injustes, défendu par le Conseil d’Etat unanime. Pourtant,
comme le remarque Eric Budry dans la Tribune de
Genève, ce paquet n’est pas vraiment ficelé, ce qui permet
à la droite parlementaire de se tenir en embuscade.
D’abord, il s’agit de faire passer le premier train de mesures
contre les salarié-e-s et les usagers-ères du public,
avec l’aide bienvenue des magistrats socialistes et des
vert. Ensuite, la voie sera libre pour lancer – directement
ou indirectement (on se souvient du rôle joué par «Halte
aux déficits!» dans les années 90) – des référendums
contre les nouveaux impôts, avec une bonne chance de
succès, afin de légitimer un second train de mesures d’économies
encore plus dures…

La gauche syndicale, associative et politique doit sortir
de ce piège si elle entend offrir une résistance efficace au
programme néolibéral du Conseil d’Etat et de la droite
parlementaire. C’est la raison pour laquelle elle doit tout
d’abord soutenir sans réserve les manifestations et les
grèves des salarié-e-s de la fonction publique, qui représentent
la clé de voûte d’une telle résistance. Il est décisif
que ces mobilisations s’installent dans la durée, qu’elles
multiplient les offensives, sans engager précipitemment
toutes les forces dans la bataille, et surtout sans
attendre de résultats spectaculaires rapides; qu’elles
sachent faire appel aux usagers-ères, s’adresser à la
population dans son ensemble, montrer enfin clairement
les enjeux de société qui se cachent derrière d’apparentes
mesures d’assainissement financier…

Poll Tax pour Genève?

En même temps, si la fonction publique est la clé de voûte
de la résistance, elle n’est pas seule. Pour réduire le déficit,
le Conseil d’Etat unanime et la droite parlementaire indiquent
clairement qui va passer à la caisse: les chômeurseuses,
les invalides, les personnes dépendant de l’assistance
pour vivre, les locataires modestes, les jeunes qui peinent
à payer leurs primes maladie, etc. C’est une politique
de classe limpide, à laquelle le libéral Pierre Weiss ajoute,
comme à son habitude, une note supplémentaire d’indécence:
suivant Margaret Thatcher (1990) – et une pratique
moyennâgeuse britannique – il revendique aujourd’hui une
véritable Poll Tax pour Genève (c’est-à-dire une capitation
de 365 francs par an, contre 25 francs aujourd’hui, que
vous soyiez chômeur ou multimillionaire!) (cf. Tribune de
Genève du 4 octobre). Il faudra soutenir toutes et tous
ensemble les campagnes politiques nécessaires – y compris
référendaires – contre de telles mesures.

Pour financer le maintien des services publics et des
prestations sociales, il faut donc refuser l’introduction
d’impôts régressifs, qui opposent les contribuables
modestes aux salarié-e-s et aux usager-e-s. C’est le piège
tendu par la droite, auquel les verts et les socialistes
cèdent trop souvent, par ex. en défendant les hausses
antisociales de la TVA au niveau fédéral, afin de financer
des dépenses sociales prioritaires. Au plan cantonal, nous
tomberions dans le même panneau en défendant la
suspension de la compensation de la progression à froid
ou le report du quart des charges de l’OCPA sur les communes,
du moins tel qu’il est prévu actuellement par
l’exécutif (si le Conseil d’Etat envisage de pondérer l’effort
des communes en fonction de leur capacité contributive,
aucune clé de répartition n’est fixée par le projet de loi).

Au contraire, il faut expliquer que les projets de réduction
des dépenses publiques, que l’on justifie par les
déficits en cours, découlent directement des baisses
d’impôts qui ont profité essentiellement aux plus riches.
Qu’ils participent d’une vaste opération planétaire visant
à redistribuer la richesse produite en faveur des nantis.
Qu’ils faut donc traiter le mal à la racine, en refusant la
logique d’un système économique et social fondé sur la
privatisation des bénéfices et sur la socialisation des
pertes. Qu’il faut donc défendre une taxation plus forte
des hauts revenus, des grandes fortunes et des gros
bénéfices, pour que le service public et la prévoyance
sociale soient en mesure de répondre aux besoins du
plus grand nombre.

Initiative pour taxer les riches

Pour cela, solidaritéS propose une série de mesures fiscales
simples, au plan cantonal:

  • Suppression par palier de la réduction d’impôts de 12% sur les personne physiques, introduite dès 1999. En effet une baisse linéaire d’impôts n’a pas du tout les mêmes conséquences sur les petits et les gros revenus. Pour les premiers elle représente peu de choses, pour les seconds elle génère des bénéfices considérables (5% des contribuables se sont ainsi partagés les 50% de ce «cadeau fiscal»). C’est pourquoi il est proposé de maintenir la baisse de 12% jusqu’à un revenu imposable de 100 000 fr. pour un célibataire et de 130 000 fr. pour un couple marié. A partir de ces montants, la baisse d’impôts serait progressivement réduite, jusqu’à disparaître pour les revenus imposables de plus de 210000 fr. (respectivement 240000 fr. pour les couples), qui retrouveraient ainsi leur niveau d’imposition d’avant 2000.
  • Impôt progressif sur les grosses fortunes supérieures à 1,5 million de fr. De 1991 à 2001, le nombre de contribuables disposant d’une fortune supérieure à 1 million a augmenté de 77% et leur fortune cumulée a progressé de 46%, entre 1994 et 2001, pour s’établir à plus de 35 milliards. Nous prévoyons une taxation progressive sur la part de la fortune qui dépasse 1,5 million. Cette mesure homéopathique devrait pourtant rapporter 120 millions de plus aux finances cantonales.

Nous proposons d’inscrire ces deux premières mesures
dans une initiative populaire, à lancer le plus rapidement
possible, avec le front le plus large des forces intéressées.
En effet, elles devraient rapporter un minimum de
250 millions par an de recettes supplémentaires. Il est
aussi prévu que, si les comptes du canton devaient être
à nouveau bénéficiaires, cet argent serait consacré
exclusivement au remboursement de la dette, qui
dépasse aujourd’hui les 12 milliards. Si celle-ci devait
descendre au niveau des recettes annuelles du canton,
ces deux mesures seraient alors suspendues. En tout
état de cause, la récolte de signatures en faveur d’une
telle initiative serait aujourd’hui un atout pour rouvrir
publiquement le débat sur la politique fiscale régressive
des autorités.

Fiscalité pour le plus grand nombre

Par ailleurs, nous entendons défendre aussi d’autres
projets de loi fiscaux au parlement:

  • Un impôt supplémentaire sur les bénéfices des entreprises dépassant 1 million, ceci tant que le taux de chômage cantonal est supérieur à 2%. Actuellement, les bénéfices des personnes morales sont soumis au régime injuste de la flat tax (10% pour les PME comme pour les grandes banques). Nous proposons d’élever ce taux progressivement, par tranche, à partir de la part des bénéfices qui dépasse 1 million, jusqu’à un maximum de 14%, pour la part des bénéfices qui dépasse 8 millions. Cette mesure devrait rapporter 160 millions aux finances cantonales.
  • Pour un accroissement des prélèvements sur les gains immobiliers visant plus particulièrement la spéculation, c’est-à-dire les mutations après une brève période de possession. Il s’agit d’une sorte de «taxe Tobin» contre la spéculation immobilière, qui relève la tête depuis un certain temps. Ces prélèvements supplémentaires seraient affectés à l’achat ou à la construction par le canton de logements répondant aux besoins prépondérants de la population.

Au-delà du canton, nous défendons l’introduction d’un
impôt fédéral sur les grosses successions, ceci afin de
contrecarrer la course au démantèlement des taxations
cantonales des héritages.

Enfin, quels que soient nos désaccords avec les verts
et les socialistes – parce qu’ils acceptent trop souvent
les présupposés de l’adversaire et se privent ainsi
d’une stratégie de résistance crédible – nous devons
appeler tous ensemble les électeurs-trices à battre la
droite aux prochaines élections cantonales. En effet,
dans le contexte actuel, la défaite des Kunz, Muller,
Weiss et consorts marquerait un clair désavoeu populaire
de la politique de démontage social en cours. En
même temps, il importe de renforcer tout particulièrement
la représentation de celles et ceux qui rejettent le
néolibéralisme en bloc et résistent sans concession à
ses postulats, c’est-à-dire de l’Alliance de Gauche.
Pourtant, rien ne serait plus faux que d’attendre
quelque chose des élections à venir si nous n’engageons
pas la lutte sur le terrain dès aujourd’hui. Cela
seul peut faire la différence!

Jean BATOU