Fin de grève à Filtrona... début d'une autre lutte

Fin de grève à Filtrona… début d’une autre lutte

Commencée le 30 novembre, interrompue
le 13 décembre, reprise le
15 et interrompue le 21 décembre
2004, puis reprise le 17 janvier et terminée
le 21, la grève de Filtrona aura été l’un des
conflits les plus longs et les plus difficiles
que ce pays ait connu depuis des décennies.
La convention de l’Office de conciliation
acceptée le 26 janvier par la majorité
du personnel n’est pas franchement
bonne. Mais la portée d’un conflit ne se
juge pas uniquement à la teneur du texte
qui y met fin.

Deux risques

La convention signée prévoit une mise à
l’écart de fait des travailleurs temporaires
(une trentaine), pourtant très solidaires
durant le mouvement. Un risque de division
dont Carole Reumer, membre de la
Commission du personnel et négociatrice,
est consciente. Elle précise cependant que
le personnel est en train de discuter de
modalités permettant d’attribuer leur juste
part aux temporaires, malgré la clause restrictive
de la convention, afin de ne pas briser
ce qui fut l’une des forces du mouvement,
sa solidarité interne.

L’autre risque est bien évidemment l’inaction
qu’implique la paix du travail absolue
si la direction prend des mesures en
matière d’accroissement de la productivité,
par exemple. Il faudra savoir agir ici
avec tout le «doigté» nécessaire.

Un écho lointain,
des conséquences à suivre

La lutte à l’intérieur d’un groupe multinational
comme Bunzl ne limite pas ses
effets au seul site en jeu. On l’a bien vu lors du meeting international du samedi
29 janvier. Malgré une participation restreinte
– la mobilisation fut épuisante –
les échanges furent enrichissants, mettant
pour la première fois ensemble des
salarié-e-s et des syndicalistes de différentes
entreprises du groupe. Une lettre
de solidarité du Conseil d’entreprise de
Filtrona-Reinbeck (Allemagne) y fut lue
(voir encart) et surtout des perspectives
de fonctionnement des représentations
des travailleurs à l’échelle des
entreprises de Filtrona furent évoquées
multilatéralement. Holger Artus, du
syndicat allemand Ver.di – responsable
des comités d’entreprise européens
dans la branche «édition» – après avoir
salué la détermination exemplaire du
personnel de Filtrona-Crissier, admit les
faiblesses stratégiques du mouvement syndical face à l’internationalisation du
capital. Il rappela que le groupe était en
principe dans l’obligation d’avoir un
comité d’entreprise européen, dont
l’existence aurait évidemment changé
la donne face aux réductions d’emplois.
La lutte du personnel de Filtrona-
Crissier pourra servir à relancer la
structuration durable des relations
entre les salarié-e-s et les syndicats des
différents sites, avec en point de mire la
convocation d’une conférence internationale
des commissions du personnel
de Filtrona. Cette question sera à l’ordre
du jour de la réunion des syndicalistes
allemands de Filtrona, le 5 février.
Ironie du sort, cette prise de
conscience et cette relance d’un dispositif
de défense des salarié-e-s au
niveau européen seront ainsi partie
d’une entreprise située hors de l’Union
européenne. Ne serait-ce que pour cela,
la lutte des Filtrona-Crissier n’aura pas
été vaine.

Daniel SÜRI


Mettre à l’ordre du jour une action commune des salariés?

«Nous devons admettre, de manière
autocritique, que les groupes internationaux
jouent les salarié-e-s les uns
contre les autres, par dessus les frontières,
mais que, malgré de nombreuses
tentatives, nous n’avons pas réussi à
agir ensemble jusqu’à maintenant. Dans
ce sens, nous ne pouvons que tirer des
leçons de votre lutte légitime. Il est vraiment
urgent que nous nous mettions à
discuter pour élaborer ensemble des
stratégies, définissant comment nous
pouvons, tous ensemble, nous défendre
contre les intérêts des détenteurs de
capitaux de ce groupe international.

(…) les représentants du capital se rencontrent
constamment pour décider
comment diviser le personnel de chaque
site, selon le principe du «diviser pour
régner». En revanche, nous continuons
toujours à mener une politique locale au
niveau de l’entreprise. Notre but doit être
d’arrêter de fonctionner comme cela,
afin de pouvoir, finalement, sortir victorieux
de la confrontation.

(…) Si le simple fait que les informations
circulent, avec l’aide des syndicats,
rend nerveux la direction du groupe, que
se passerait-il si nous mettions à l’ordre
du jour une action commune des salarié-
e-s?»

extraits de la lettre du Comité d’entreprise
de Filtrona- Reinbeck du 28.1.05.