JORNOT: ÉLECTION INCONTESTÉE, POLITIQUE PÉNALE INACEPTABLE

Le 26 avril, anniversaire de Guernica et de Tchernobyl, est la date des élections judiciaires à Genève qui verront, catastrophe d’un autre ordre, Olivier Jornot être réélu tacitement, comme candidat d’une liste «interpartis» à laquelle solidaritéS-GE a donné, à tort ou à raison, son agrément, faute de candidat·e opposé comme l’était Pierre Bayenet il y a six ans. C’est à lui que nous avons posé quelques questions sur la politique pénale de Jornot.

Olivier Jornot

Dans Le Temps, la journaliste Fati Mansour suite à l’élection tacite annoncée d’Olivier Jornot écrivait que «même la gauche de la gauche n’a plus vraiment de priorité pénale à contester». C’est vrai?

PB: C’est archi-faux! Nous ne pouvons qu’être en complet désaccord avec la politique pénale menée par Olivier Jornot. Actuellement, le Ministère public genevois joue un rôle important de gestion des flux migratoires, en mettant en prison les sans-papiers honnêtes ou non. Ce n’est pas immédiat – les sans-papiers ont une ou deux chances de se faire arrêter sans aller en prison – mais au bout du compte, s’ils restent à Genève, ils finissent à Champ-Dollon.

La politique en matière de lutte contre la vente des stupéfiant est à mon avis un instrument déguisé de lutte contre les migrations, puisque les condamnations pour séjour illégal sont souvent associées à des condamnations dans ce domaine

Olivier Jornot est sévère, mais il l’est avec tout le monde, riches et pauvres, non?

Encore faux! A l’autre extrémité des classes sociales, on a vu le Ministère public conclure des arrangements douteux avec des personnes prévenues de délits économiques, moyennant des versements de fortes sommes d’argent. En 2015, le Ministère public a classé la procédure dirigée contre la banque HSBC, qui a versé CHF 40 000 000.- à l’Etat de Genève en. En 2017, c’est le courtier Addax Petroleum, qui était prévenu de corruption d’agents d’Etats étrangers, qui a versé CHF 31 000 000.- à l’État pour obtenir le classement d’une procédure pénale.

En 2019, la justice genevoise a procédé à la vente pour CHF 23 400 000.- de 25 véhicules de luxe ayant appartenu à Theodorin Obiang, fils du Président de la Guinée Equatoriale, en contrepartie de la clôture de l’enquête pénale contre lui. Petit progrès, cette fois, l’argent n’a pas fini dans les caisses de l’Etat mais sera attribué à des projets de développement en Guinée. On voit que les criminels en col blanc peuvent négocier des classements de procédure, alors que les plus faibles finissent invariablement en prison.

La gauche radicale n’est-elle pas, de toute façon, en désaccord avec le principe même de la justice pénale?

Il faut avoir conscience des limites de cette justice, quelle que soit la personne du Procureur général : la loi impose de punir la vente de stupéfiants, ce qui n’a aucun sens ; la loi réprime le simple séjour illégal en Suisse, même si aucune autre infraction n’est commise ; la loi conduite à ce que les étrangers soient placés plus que les Suisses en détention provisoire. Néanmoins, il existe une marge d’amélioration car les magistrats disposent d’une importance marge d’interprétation. Ils pourraient donc infliger des sanctions légères, ou même renoncer à poursuivre des comportements qui ne causent aucun trouble.

Que serait selon toi une politique criminelle progressiste ?

Une politique criminelle progressiste doit être intelligente et viser la prévention des infractions, la réparation du dommage causé, et la prévention de la récidive. Le facteur préventif le plus important n’est pas la lourdeur de la sanction, mais le degré du risque que le délinquant soit dénoncé, identifié et puni.

Ainsi par exemple, en matière de violences conjugales, il est inutile d’appeler à des sanctions plus lourdes. Il faut mettre en place des dispositifs qui encouragent les victimes à déposer plainte rapidement, auprès de professionnels spécialement formés, qui sauront faire établir des constats médico-légaux objectifs, donnant ainsi toutes les chances à la procédure d’aboutir. S’ils savent qu’ils risquent fort d’être punis, même légèrement, les auteurs potentiels se garderont de passer à l’acte.

Nous ne sommes pas contre le principe même de sanctions pénales, mais il faut garder à l’esprit que la sanction n’est qu’un des aspects de la justice: il faut restaurer la victime dans ses droits, dans sa dignité et dans sa confiance en elle, tout en confrontant l’auteur à la violence de ses propres actes.