Face à l’extrême droite, quelle actualité des luttes féministes?


Ce 14 juin prochain se tiendront pour la septième année consécutive des mobilisations féministes nationales, coordonnées par les collectifs locaux de la Grève Féministe dont la première grève, le 14 juin 2019, avait relancé une dynamique féministe de rupture en Suisse. Cette mobilisation historique et celles qui ont suivies s’intègrent dans un mouvement de redynamisation des luttes féministes au niveau global. 

Manifestantes lors de la Journée internationale du droit des femmes 2025
Manifestation du 8 mars 2025 à Genève

Le climat géopolitique international connaît une brutale évolution: montée des conflits inter-impérialistes, réarmement, crises économiques et sociales, génocide, progression idéologique et électorale accélérée de l’extrême droite. Si cette tendance politique se caractérise par un antiféminisme assumé, elle se réapproprie également certains enjeux féministes à des fins purement tactiques, parfois en collusion avec le féminisme libéral. Ce sont ces deux faces d’une même pièce qu’une perspective féministe révolutionnaire doit combattre.

Contre le fémonationalisme: une perspective antiraciste et internationaliste

Sur les dernières années, une partie de l’extrême-droite s’est illustrée par une réappropriation de la question des violences sexistes et sexuelles (VSS) à des fin racistes et impérialistes. Comme exemple, citons le collectif identitaire Nemesis ou des femmes sionistes qui mobilisent des stéréotypes islamophobes à l’endroit des hommes arabes pour défendre une politique antimigratoire et justifier le projet génocidaire de l’État israélien. 

Cette tendance n’est pas l’apanage de l’extrême droite et sous-tend également des politiques publiques répressives de gestion et de prévention des VSS.

À travers leur luttes, les féministes antiracistes et décoloniales nous éclairent sur la réponse à donner à cette offensive, pour nous réapproprier la lutte contre les VSS. D’une part, l’approche anticarcérale contourne le tryptique police/justice/prison, pour inventer des espaces d’auto-défense et de justice alternatifs, échappant aux logiques racistes de l’État. D’autre part, la requalification des VSS comme outil de terreur et de coercition privilégié du néolibéralisme dans l’exploitation des femmes précaires et racisées, que ce soit dans l’économie domestique des pays du Nord ou dans les zones franches des pays du Sud Global, appelant à une solidarité féministe internationaliste.

Contre la crise de la reproduction sociale: la grève féministe et l’abolition de la famille nucléaire

La phase actuelle du néolibéralisme se caractérise par une crise du care: le démantèlement de l’État social, associé à une privatisation des services publics précarise les espaces et les travailleureuses de la reproduction sociale, indispensables au fonctionnement du capitalisme. Si le féminisme libéral tend à pousser cette dynamique jusqu’au bout, promulguant une externalisation et une libéralisation du travail reproductif pour permettre aux femmes des classes dominantes de désinvestir le travail productif, l’extrême droite s’infiltre dans cette contradiction avec un projet différent. 

Sans remettre en question la destruction des services publics, celle-ci défend une recentralisation du travail reproductif au sein de la famille nucléaire hétérosexuelle. Ce mouvement permet une re-naturalisation de la binarité de genre par le processus de division genrée du travail et la réification de la famille comme lieu de reproduction de la classe sociale et de la race blanche. En témoignent les attaques systématiques envers toutes formes d’existence venant menacer ce projet, notamment le redoublement de violence envers les personnes trans.

L’outil de la grève féministe permet d’adresser la crise de la reproduction sociale et d’offrir des perspectives opérationnelles de lutte contre l’extrême droite. Il permet d’étendre et de décloisonner des espaces stratégiques de lutte, à l’intersection entre le travail productif et reproductif. Il permet de se réapproprier les moyens de reproduction en permettant une auto-organisation des travailleureuses du care salariéexs et non salariéexs qui déborde les cadres habituels des lieux de travail et de la famille nucléaire. 

De cette mise en commun d’expériences et de luttes nait une autre manière de faire famille qui refuse l’assignation des êtres humains à la binarité de genre nécessaire à la subordination du travail reproductif pour le collectiviser et en généraliser l’expérience, créant un espace de résistance au néolibéralisme.

Seule cette stratégie féministe révolutionnaire, capable de dépasser les contradictions du capitalisme néolibéral et de l’extrême droite, est porteuse d’espoir.

Gaara