NON au service citoyen !
Le 30 novembre prochain, la population suisse votera sur l’initiative «Service citoyen». Derrière cette belle formule, se cache pourtant un projet militariste!
Nos arguments
Des attaques multiples contre le service civil
L’initiative s’inscrit dans un contexte général d’attaques contre le service civil. En effet, le Conseil national a récemment voté 6 mesures pour diminuer de 40% les admissions au service civil (pour passer de 6600 nouveaux civilistes par année à 4000). L’argument: éviter la pénurie de militaires. Pourtant les effectifs actuels de l’armée sont illégalement trop élevés.
En effet, l’armée suisse compte aujourd’hui environ 147’000 militaires, alors que la limite légale maximale est fixée à 140’000. Pour la droite au conseil national, cette contradiction ne semble pas importante. Seul compte la possibilité de maintenir et d’augmenter les effectifs de l’armée.
Dans la même veine, suite à un postulat voté au Conseil national, le Conseil fédéral devra prochainement présenter les possibilités de réintroduction de l’examen de conscience. Pour rappel, cet examen, abandonné en 2008, consistait à devoir prouver la véracité de son objection de conscience en passant devant un tribunal militaire. Cette mesure d’intimidation limitait évidemment l’admission au service civil en imposant une procédure stressante dans laquelle le civiliste en devenir est forcément en position de faiblesse. Plus de stress, plus de démarches, moins de civilistes, la formule est simple !
De même, le conseil national a voté une motion visant à introduire une obligation de servir dans la sécurité. Concrètement, cela se traduirait par une fusion entre la protection civile et le service civil. Et ceci pose problème ! En effet, la protection civile fonctionne sur un modèle militaire clair : grade, hiérarchie, et est d’ailleurs rattachée au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), contrairement au service civil, actuellement rattachée au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR). La protection civile est inféodée à l’armée et les personnes incorporées en son sein peuvent se voir attribuées des supérieurs militaires, comme cela a été le cas durant la période du Covid. Ce n’est pas le cas pour les civilistes, mais pourrait le devenir si le service civile était soudainement rattachée au DDPS.
L’initiative « Service citoyen » s’inscrit donc dans un climat général extrêmement hostile au service civil. Il faut absolument défendre ce dernier et refuser toutes ces attaques ! Un référendum contre les lois votées au parlement s’est d’ailleurs lancée. Retrouvez ce dernier ici.
Un texte antiféministe
Travail non rémunéré
Le comité d’initiative prétend que le texte serait un pas en avant pour l’égalité. Partant d’un «déséquilibre» créé par le service obligatoire uniquement pour les hommes à l’heure actuelle, les femmes profiteraient d’un avantage indu qui devrait disparaitre au nom de l’égalité.
Les initiant·es semblent oublier le travail non rémunéré domestique ou d’aides aux proches, majoritairement pris en charge par les femmes. En moyenne, les femmes dédient environ 29 heures par semaine aux tâches domestiques, les hommes, seulement 19. Lorsque les couples ont des enfants, cet écart se creuse et arrive à 45 heures pour les femmes et 27 pour les hommes.
Institution sexiste
L’armée suisse (mais toutes les armées en réalité) est une institution sexiste et masculiniste. La chercheuse et sociologue Stéphanie Monay a effectué des recherches au sein des casernes suisses entre 2013 et 2016, les constats qu’elle tire souligne ce sexisme ambiant. Elle relève qu’il existe un «soupçon sexuel» sur les femmes. L’institution les traite comme si c’étaient elles qui amenaient la sexualité sur les casernes et que le problème devait être réglée par ces dernières uniquement. Ainsi, de nombreuses places d’armes interdisent les bijoux, le maquillage et pratiquent une séparation spatiale stricte des conscrits et conscrites.
Lors des inspections en chambre (de femmes), les supérieurs masculins sont toujours présents par pair. Pour protéger les femmes d’agressions? Non, pour protéger les supérieurs de fausses accusations… Pourtant un rapport commandé par l’armée elle même révèle l’ampleur des violences sexistes et sexuelles qui ont cours au sein des casernes suisses. Les femmes cis et trans ainsi que les personnes non binaires sont plus de 10% à déclarer des agressions sexuelles et la violence sexiste verbale touche plus de 80% des personnes.
Stéphanie Monay souligne ainsi que la sexualisation des femmes est un élément constitutif de la culture militaire. Les rumeurs de femmes qui se seraient « tapé toute la caserne » sont extrêmement courantes et le « stigmate de la putain » pèse sur toutes les femmes.
La «carrière» des femmes:
un argument à toutes les sauces
Aujourd’hui les femmes font face à des refus catégoriques dès qu’une initiative cherche à introduire un congé prénatal pour les futures mères, à allonger le congé maternité existant ou encore à créer un vrai congé parental après les congés maternité et paternité. Les arguments principaux à ces oppositions ont toujours été l’augmentation des coûts pour l’assurance perte de gains et l’éloignement trop long des mères du monde professionnel. Et aujourd’hui, les femmes devraient accepter de quitter le marché du travail une année entière pour rejoindre une institution sexiste au prétexte qu’elles deviendraient plus influentes ?
Puisque les femmes gagnent déjà moins que les hommes, la perte salariale de 20% (l’assurance perte de gains verse 80% du salaire) durant le service serait encore plus durement ressentie par les femmes.
Une initiative financé par un anti-IVG
Le 12 novembre 2025, le Blick, a publié un article concernant les financements sulfureux du comité d’initiative pour le « Service Citoyen ». En effet, près de la moitié du budget de campagne provient de Leopold Brügger, un farouche opposant au droit d’avorter qui avait notamment fait campagne pour un droit de veto des hommes sur la décision d’avorter des femmes… Derrière ses discours creux d’égalité, le comité d’initiative montre bien son visage antiféministe avec ce financement.
Un service national pour les personnes étrangères?
Pour continuer dans l’indécence, les initiant·es ont prévu la possibilité d’imposer leur service citoyen, aux personnes étrangères, qui n’ont précisément par les droits politiques associés au statut de citoyen. Le point 5 du texte d’initiative précise:
«La loi définit si et dans quelle mesure un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement est accompli par des personnes qui n’ont pas la nationalité suisse».
Si l’initiative ne prévoit donc pas automatiquement un service citoyen pour les non nationaux, elle ouvre la porte au législateur et lui demande de se pencher sur cette possibilité. Au vu de la composition du Conseil national, on est en droit de s’inquiéter. Si le texte est accepté et que le Conseil national décide d’imposer un tel service aux personnes étrangères, la Suisse deviendra le premier pays au monde à exiger un service national à des non nationaux. Evidemment, les initiant·es n’ont pas prévu de contrepartie à ce potentiel service.
Plus de cohésion?
Le racisme ambiant de l’armée suisse
Le comité d’initiative prétend que le service obligatoire pour tous et toutes renforcera la cohésion du pays. Mais pour qui?
L’armée n’en est pas à sa première bourde en la matière. En septembre 2025, le Temps publiait un article qui révélait le racisme, l’antisémitisme et le sexisme ambiant dans cette institution. À la caserne de Grolley, durant au moins 10 matinées d’un cours de répétition, un sergent prenait la parole lors de l’appel du matin devant une centaine de soldats pour proférer des blagues misogynes, antisémites et racistes. Tout ça avec l’assentiment du commandant de compagnie.
En 2023, la RTS couvrait un exercice à grand échelle de l’armée. Lors du sujet au 19:30, une brève apparition à l’écran a choqué les téléspectateur·ices. Les cibles utilisées par l’armée pour s’entrainer au tir représentaient des personnes d’origine magrébines.
Brigitte Crottaz, parlementaire socialiste au conseil national, a par la suite questionné le Conseil fédéral concernant ces cibles et leur racisme. La réponse ? Ce n’est pas la figure qui compte, mais ce qu’elle a dans les mains, à savoir, une arme. Circulez y’a rien à voir…
Quel idéal de société pour la Suisse?
L’argument de cohésion sociale questionne également sur le type de société promue par l’armée. En effet, toutes les armées fonctionnent sur un principe d’écrasement des soldat·es en son sein.
Courir sous les balles pour défendre les intérêts économiques des plus riches n’est pas particulièrement populaire de prime abord. Pour s’assurer de pouvoir disposer des corps comme de la chair à canon, toutes les armées utilisent la discipline et l’inculcation de cette dernière par la force. Cet écrasement correspond à ce que le sociologue Erving Goffman avait documenté dès 1961 dans ce qu’il a nommé les institutions totales. Ces institutions sont des lieux fermés où les individus sont écrasés et coupés du monde extérieur. On supprime leur individualité pour mieux les former au moule désiré par l’institution.
L’armée en est un exemple parfait. Lors de l’école de recrues, les soldat·es sont humilié·es par leurs supérieurs, privés de sommeil, harcelés par des tâches inutiles à répéter encore et encore. Ceci permet à l’armée de générer un «esprit de corps», une solidarité collective face aux difficultés créés par les supérieurs. Pour autant, cette solidarité entre soldat·es est pensée et utilisée pour les objectifs de l’armée, et rien d’autre.
Le but n’est pas de développer la cohésion nationale, mais bien de préparer des jeunes personnes à servir de chair à canon. Est-ce vraiment à travers l’écrasement militaire que nous souhaitons développer une cohésion nationale? Est-ce vraiment à travers les valeurs militaires que la Suisse pourra aller de l’avant?
Nos articles parus dans la presse
La triple arnaque du service citoyen
Le 30 novembre, la population suisse votera sur l’initiative «Service Citoyen». Malgré une campagne qui souligne sa fonction «civile», le texte a été répudié par le Service Civil International et Fédération pour la défense du service civil suisse… Un projet militariste se cacherait-il derrière une façade citoyenne?
GHI: Service citoyen: une arnaque militaire!
La campagne pour le service citoyen a débuté ces derniers jours. Le comité d’initiative crie haut et fort que son projet est résolument «citoyen». Pourtant, les seules personnes qui en bénéficieraient sont les militaires!
Nos vidéos sur le sujet

