Conférence de La Haye, désastres programmés
Conférenence de la Haye, désastres programmés
Il y a dix jours a pris fin la Conférence de La Haye sur le réchauffement climatique. Le moins quon puisse dire est que la capacité de mobilisation dont avait fait preuve la «communauté internationale» pour bombarder lIrak ou la Serbie na pas été enregistrée dans le domaine de la préservation de lenvironnement.
Les participants ont en effet décidé, une fois de plus, quil était urgent dattendre. Qui plus est, les maigres mesures de réduction des gaz à effet de serre décidées dans le cadre du Protocole de Kyoto (1997) se sont révélées un échec complet.
(rk)
Les années 1998-99 ont été les plus abondantes en catastrophes climatiques de lensemble du XXe siècle. Des événements météorologiques aussi extrêmes que le cyclone Mitch, les inondations du Mozambique ou, plus près de nous, les tempêtes de lhiver 1999 en France, ne constituent toutefois, selon les sources scientifiques les plus sérieuses, quun avant-goût des désastres écologiques à venir. Selon Klaus Topfer, directeur du Programme des Nations Unies pour lEnvironnement (PNUE), le constat simpose selon lequel «le changement climatique est déjà là».
Selon diverses études, la température à la surface de la terre pourrait augmenter de 1°C à 3,5°C dans les décennies à venir si rien nétait fait pour inverser la tendance actuelle. Il sagit dun accroissement gigantesque, dont les conséquences sur lécosystème seront considérables. Si, au cours du XXe siècle, la température globale sétait déjà accrue de 0,5°C, dix des années les plus chaudes du siècle ont été constatées après 1985. La glace de lArctique a perdu près de 40% de son épaisseur, avec des conséquences drastiques pour le niveau des mers (augmentation de 15-20 cm au XXe siècle).
Intransigence américaine
Les pays industrialisés sont en grande partie responsables du réchauffement climatique. Plus de 80% des émissions de CO2 dorigine humaine proviennent des Etats-Unis, de lUnion européenne et du Japon. Un citoyen de lUnion européenne émet trois fois plus de gaz carbonique quun Chinois, et huit fois plus quun Indien. Depuis la conférence de Kyoto (1997), qui prévoyait une réduction globale des gaz à effet de serre de 5.2% jusquen 2012, les émissions américaines, de très loin les plus importantes, ont encore progressé de 1.3%. Mais comme la répété inlassablement le négociateur américain à La Haye, «le modèle américain nest pas négociable».Depuis Kyoto, un certain nombre de «solutions» ont été proposées pour inverser la tendance au réchauffement climatique. La plus remarquable aura été la mise en place dun marché des «droits à polluer», ratifiée lors de la Conférence de Buenos Aires (1998). Le principe de ce marché (négatif) de lair propre est simple: il sagit de donner à un pays qui ne souhaite pas diminuer ses émissions de gaz à effet de serre la possibilité dacheter les titres de pollution dun autre pays, qui, lui, diminuerait dautant ses émissions. A vrai dire, un pays peut même semprunter des droits démission à lui-même, cest-à-dire à ses propres générations futures, sur lesquelles il fera donc nécessairement peser une contrainte de réduction supplémentaire.
Pollution spéculative
La dernière trouvaille américaine en matière de protection de lenvironnement consiste à exiger que la surface des forêts soit considérée comme un actif sur le marché des droits à polluer. En effet, dans la mesure où celles-ci absorbent le dioxyde de carbone, elles réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Le pays où sont situées les forêts en question aurait donc droit à des titres de pollution supplémentaire ! Autre idée de génie: couper massivement des arbres et en planter de nouveaux, ce qui aurait pour conséquence dempêcher le CO2 datteindre latmosphère. Le problème est que cette technique ne fait que retenir le CO2, et non en diminuer la quantité. De surcroît, une fois installées, le risque est grand de voir les monocultures remplacer les forêts naturelles. Pire encore, daucuns se plaisent déjà à imaginer des arbres génétiquement modifiés spécialement dans la perspective de retenir le CO2
La volonté de mettre un terme au réchauffement climatique est inversement proportionnelle au pouvoir des lobbies pétroliers. On sait désormais que lors de ses huit années de présence à la Maison Blanche, Bill Clinton a reçu de ces derniers plus de 12 millions de dollars. De lautre côté du (petit) spectre politique américain, les Républicains ne furent dailleurs pas en reste. La contrepartie de cette générosité étant que les autorités du pays ne devaient accepter aucune espèce de réforme visant à réduire la consommation de pétrole. Et de fait, le Sénat nen a ratifiée aucune. Cest ainsi que les engagements américains pris à Kyoto, qui prévoyaient une baisse des émissions de 7%, sont demeurés lettre morte.