Deuxième grève générale en Italie contre la réforme de retraites
Deuxième grève générale en Italie contre la réforme de retraites
Le projet de réforme des retraites du gouvernement de Berlusconi, inscrit dans la tendance européenne dattaques contre les systèmes de rentes par répartition, a une nouvelle fois été massivement contesté. Le 26 mars dernier, une grève générale du Val dAoste à la Sicile a paralysé le pays et des centaines de milliers dItaliennes et dItaliens sont descendus dans les rues, pour la troisième fois en 5 mois, pour défendre leurs retraites. Loin de céder, le Condottiere cherche surtout à gagner du temps avant les élections européennes.
LItalie, où un cinquième de la population a plus de 65 ans, est parmi les pays européens qui connaissent un fort vieillissement de leur population. Certaines études démographiques prévoient un rapport entre actifs et retraités de un pour un en 2040. Face à cette tendance générale du vieillissement de la population, les politiques néolibérales menées par les gouvernements européens ne sont pas innocentes… Fermer toujours plus les frontières aux travailleuses et travailleurs immigrés va en effet à lenvers du bon sens, privant nos société de lapport dactifs permettant de contenir le poids croissant des retraités dans le rapport actifs/retraités. Par ailleurs, les mesures économiques néolibérales ne font quaccroître la masse des chômeuses et des chômeurs et autres exclus du monde du travail réduisant encore le nombre dactifs prenant part au financement des retraites. Cette politique est parfaitement cohérente avec lobjectif affiché de remettre en question les fondements même du système de retraites par répartition qui ne serait, selon les discours dominants, plus viables.
Partout en Europe, le système de retraite par répartition est remis en cause, au profit du système par capitalisation1. On le voit en France, en Autriche, en Allemagne ou encore en Suisse avec lactuelle 11ème révision de lAVS. LItalie nest pas en reste. Le Gouvernement Berlusconi a mis en place un projet de réforme des retraites qui diminue le niveau des pensions et porte à 40 annuités la durée de cotisation pour une retraite pleine, contre 35 actuellement.
Lunité syndicale retrouvée
En automne dernier, à lannonce de ce projet de réforme, les trois grandes confédérations syndicales italiennes CGIL (gauche), CISL (catholique) et UIL (modérée) avaient appelé à la grève générale. Le 24 octobre 2003, près de 10 millions de travailleuses et de travailleurs ont arrêté le travail et plus dun million sont descendus dans la rue contre le gouvernement Berlusconi. En tout, entre 70% et 80% des salarié-e-s ont suivi lappel des syndicats et ont «arrêté le pays»2. Lampleur de cette première mobilisation et lunité retrouvée entre les centrales syndicales mise à mal entre juillet 2002 et octobre 2003 suite au soutien apporté par la CISL et lUIL au gouvernement dans le cadre du «pacte pour lItalie», catalogue de réformes néolibérales a relancé lespoir au sein de la gauche italienne qui na pas oublié quen 1994, le premier gouvernement Berlusconi était tombé à cause dun premier projet de réforme des retraites
Six semaines après cette grève générale, les syndicats de la péninsule ont réussi une seconde mobilisation dampleur. Le samedi 6 décembre 2003, plus dun million et demi dItaliennes et dItaliens ont manifesté à Rome contre le projet de réforme des retraites du gouvernement. Le cortège à rassemblé des délégations venues de tout le pays avec une présence massive de jeunes et de précaires, défilant sous le slogan «Défends ton avenir». Face à ce nouveau succès de lunité syndicale retrouvée, la première réaction du gouvernement a été particulièrement virulente. Gianfranco Fini, vice-premier ministre, déclarait alors quil ne céderait jamais devant la rue et que la réforme serait maintenue telle quelle…
Roberto Maroni, ministre du Travail, a essayé dappaiser les esprit en proposant une réunion de conciliation avec les responsables des trois centrales syndicales mais, en dénonçant en même temps «le discours dopposition systématique de la CGIL», quil opposait à «la disponibilité des modérés de la CISL et de lUIL», son objectif apparaissait au grand jour: isoler la confédération syndicale de gauche et recréer une situation telle que celle du «pacte pour lItalie». Mais limpopularité flagrante des mesures du gouvernement concernant les retraites a incité lUIL et la CISL à rester dans lopposition. Il aurait dailleurs été pour cette dernière, dont près de la moitié des adhérent-e-s sont retraité-e-s, pure folie que de se rallier au gouvernement sur cette question…
Alors que le gouvernement a essayé dans un premier temps de faire du pied aux centrales modérées pour raviver les anciennes tensions entre la CGIL dune part et la CISL et lUIL dautre part, il se trouve aujourdhui face à une unité syndicale raffermie qui a assuré une nouvelle démonstration de force dans sa lutte contre le projet de réforme des retraites. Le 26 mars dernier, lItalie était une nouvelle fois paralysée par une grève générale massive. Plus dun million de travailleuses et de travailleurs ont défilé dans les rues des principales villes du pays et des millions dautres salarié-e-s ont suivi lappel à la grève en organisant des arrêts de travail de quatre à huit heures dans les écoles, les banques, les postes, les administrations et aussi dans des entreprises privées comme la Fiat.
Elections européennes en vue
Face à limpasse dans laquelle il se trouve, après trois mobilisations dampleur en 5 mois, le gouvernement Berlusconi, par la voix de Roberto Maroni, a appelé les syndicats à reprendre le chemin des négociations, allant jusquà juger leur plate-forme de revendications «intéressante»… Etonnant lorsque lon sait que la revendication des syndicats était et demeure le retrait total du projet de réforme! En réalité, le gouvernement cherche manifestement à gagner du temps, voyant venir léchéance des élections européennes du 13 juin comme une loccasion de la gauche italienne de le sanctionner par les urnes, à linstar de ce qui sest passé en Espagne et en France. De fait, le gouvernement a déjà déposé le projet de législation sur les retraites au Parlement, mais a décidé den reporter le traitement à fin juin… Il nest cependant pas certain que le verdict des urnes le place dans une position moins inconfortable que celle quil connaît aujourdhui, ce dautant que la gauche, les syndicats et le mouvement social ont démontré quils nétaient pas prêts à lâcher du lest.
Erik GROBET