AVS 21

Jugement patriarcal, colère féministe

Jeudi 12 décembre dernier, le Tribunal fédéral a finalement statué sur la question de la possible annulation de la votation de la réforme AVS 21. Adoptée par une courte majorité de 50,5% des votant·exs le 25 septembre 2022, elle consiste notamment à relever d’une année l’âge du départ à la retraite des femmes. 

Rassemblement devant le Tribunal fédéral à l'occasion du jugement sur la votation AVS21, Lausanne, 12 décembre 2024
Rassemblement devant le Tribunal fédéral, Lausanne, 12 décembre 2024

Les juges ont notamment invoqué la sécurité du droit pour rejeter les recours déposés en août dernier par les Femmes socialistes et les Vert·es à la suite de l’annonce, par l’Office fédéral de la Statistique, d’une erreur de 4 milliards de francs dans les projections de dépense de l’AVS annoncées en 2019. Les partisans de la réforme s’étaient largement appuyés dessus au moment de la votation en 2022

solidaritéS s’est toujours mobilisé contre les attaques visant à dégrader notre système de retraite ; en particulier l’AVS, le seul des trois piliers à reposer sur la solidarité intergénérationnelle et à prendre en considération les facteurs de vulnérabilité maté­rielle, notamment genrés. 

En 2017, nous nous sommes opposé·exs victorieusement au projet PV2020, qui visait également une élévation de l’âge du départ à la retraite des femmes et avons participé à la campagne contre AVS21. Une campagne portée notamment par les collectifs de la Grève féministe qui n’ont eu de cesse de rappeler le caractère profondément discriminatoire de cette réforme, dans un contexte où les femmes demeurent largement pénalisées tout au long de leur vie professionnelle et au moment de la retraite. À la suite au jugement, les collectifs ont publié un communiqué de presse que nous reproduisons ci-dessous.

VéNèRES, MAIS PAS PReTES DE NOUS TAIRE: CONTINUONS LE COMBAT POUR DES RETRAITES DIGNES POUR TOUTE·XS!

La décision tant attendue du Tribunal fédéral sur la validité de la votation contre AVS21 qui augmente l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans vient de tomber. La votation ne sera pas annulée. L’ordre établi, la «sécurité juridique», le confort des autorités qui auraient dû remettre l’ouvrage sur le métier, ont primé sur la valeur de nos vies, en particulier sur les vies de toutes ces travailleuses aux métiers pénibles et aux salaires modestes, qui ne pourront pas s’offrir une retraite anticipée.

Cette décision nous met en colère: même si le TF a débouté les plaignantes, il est évident que le petit oui à AVS 21 n’a été arraché que par une propagande mensongère sur l’avenir des finances de l’AVS, alors qu’il n’y a aucune raison d’imposer aux femmes de travailler une année de plus. 

Or, c’était le principal, si ce n’est le seul argument mis en avant par la droite, mais aussi par le Conseil fédéral et son ancien ministre Alain Berset, socialiste. Sans cet argument, nous aurions probablement gagné la votation, car l’écart était vraiment infime, une poignée de voix d’hommes majoritairement suisses alémaniques.

Même l’Enquête administrative, diligentée par Elisabeth Baume-­Schneider et rendue publique, comme par hasard quelques jours seulement avant la séance du TF, conclut dans une fort belle langue de bois, «qu’on ne peut pas parler d’erreur de calcul, en l’absence d’opérations erronées […], ce sont deux formules spécifiques qui ont poussé les dépenses de l’AVS à la hausse dans le programme de calcul des perspectives financières de l’AVS validé en externe, et c’est ce qui a conduit à des prévisions peu plausibles sur le long terme (à échéance de dix ans)». Ainsi, c’est bel et bien sur la base de ces «prévisions peu plausibles» qu’on vole aux femmes une année de vie en leur imposant de travailler une année de plus, au mépris souvent de leur santé, toujours de leur souhait légitime de profiter un peu de la vie, avoir du temps pour soi et pour ses proches.

Si nous sommes déçues, nous ne sommes pas surprises, car nous savons que la justice est imprégnée des rapports de domination de classe, de genre et de race. 

Nous prenons acte de ce jugement qui pour nous reste injuste, bien qu’il soit rendu par la plus haute instance juridique du pays. La décision du TF de favoriser la «sécurité juridique» surtoute autre considération va nuire à la vie et à la santé des milliers de femmes qui ont lessalaires les plus bas et les conditions de travail le plus difficiles. 

Nous savons que d’autres combats nous attendent. Nous allons nous opposer au projet de suppression de la rente de veuve, porté par la ministre socialiste Elisabeth Baume-Schneider, que nous pensions pourtant sensible aux situations des personnes en détresse et en précarité. Une fois encore l’égalité est détournée et utilisée pour précariser la vie de femmes déjà fragilisées par un veuvage. Et nous suivrons avec attention la énième révision de l’AVS, annoncée pour 2026 déjà: nous nous opposerons à toute nouvelle détérioration de nos retraites. 

On ne lâche rien!

Les collectifs de la Grève féministe