Le Oui de la gauche «réformiste»
À 0,6 % près, c’est la gifle. AVS 21 met en lumière les dysfonctionnements de la soi-disant démocratie directe et le rôle de la social-démocratie. Le 25 septembre, ce n’est pas l’ensemble de la population qui a décidé. La Suisse alémanique a décidé pour la Suisse latine, les hommes pour les femmes, les Suisse·sses pour le quart de la population sans droit de vote. Mais, surtout et avant tout, AVS 21 a été un enjeu de classe. La riche Cologny (GE), commune romande avec le plus haut taux de soutien à la réforme, en est l’exemple.
De leur côté, les travailleuses les plus précarisées, souvent sans passeport suisse, sont les femmes dont les voix sont les plus inaudibles : les vendeuses, soignantes, éducatrices, nettoyeuses, sont les plus affectées par cette décision. Elles ne sont pas apparues dans la campagne, alors que leurs bas salaires excluent toute retraite anticipée.
La plupart des médias ont pris un vicieux plaisir à donner principalement la parole aux entrepreneuses et aux héritières (ainsi qu’aux hommes de droite et à Berset !). Ces femmes des partis bourgeois et du pouvoir font fi des luttes leur ayant permis d’arriver là où elles sont aujourd’hui, elles qui combattent le féminisme au quotidien aux côtés de leurs partis. Elles ont parlé d’égalité, mais méprisent les réalités de celles qui survivent avec des retraites de misère.
Le triomphe de Berset est la 2e augmentation de l’âge de la retraite des femmes obtenue par un·e ministre du Parti socialiste suisse (PSS), après le passage à 64 ans par Dreyfuss en 1997. La plus grosse attaque capitaliste et sexiste post-14 juin 2019 a ainsi été portée par des membres du PSS. Ils·elles ont mené campagne avec ardeur, amenant des voix de gauche à soutenir AVS 21 ou à garder un silence complice.
En 2017 avec PV2020, le PSS et l’ Union syndicale suisse (USS) avaient déjà soutenu l’augmentation, prétendant que les mesures transitoires « compenseraient » le sacrifice des femmes. Si, en 2022, ils ont retourné leur veste et font mine de rien, c’est seulement grâce au mouvement féministe. La confusion qui en a résulté les rend responsables de l’échec du non.
Participer au gouvernement signifie avant tout défendre des projets de droite. C’est le démantèlement social et la social-traîtrise dans toute sa splendeur. Tenir au pouvoir au détriment de la classe qu’il prétend défendre, et refuser de voir que le système ne leur laisse que des miettes.
Avec les élections de 2023, le PSS va se poser en défenseur de l’égalité pour ratisser des voix qu’il ne doit qu’à la lutte sociale et à la mobilisation féministe. Toute remise en question sérieuse de la présence d’Alain Berset dans ses rangs ou de la stratégie de co-gestion de l’État avec la droite est bien entendu exclue.
Le seul espoir réside dans la lutte. Si la Romandie et les femmes ont voté non, c’est grâce à la campagne féministe, particulièrement puissante dans cette partie du pays. Seules nos mobilisations portent des fruits et font avancer l’histoire.
Le progrès social n’est pas le résultat du temps qui passe, mais de la lutte des classes. Pour arracher l’égalité, il faut maintenant transformer le désespoir en rage, la rage en force, et notre force en lutte, et nous organiser pour le 14 juin 2023 : les travailleurs·euses doivent se syndiquer et rendre les syndicats combatifs en y portant des luttes, en exigeant une vraie démocratie syndicale et en y changeant la ligne politique.
Il faut transformer les structures syndicales passives, et les faire exister dans les lieux de travail. Pour cela rejoignez-nous dans nos luttes féministes et syndicales ! Rejoignez un syndicat et un collectif féministe !
Aude Spang