Le PSS et l’intégration: Musulmans de tous les pays, intégrez-vous !

Le PSS et l’intégration: Musulmans de tous les pays, intégrez-vous !

Rappelez-vous: en 1984 un certain Laurent Fabius, alors Premier
ministre, déclarait que Le Pen posait les bonnes questions, mais
apportait de mauvaises réponses. Il s’agissait alors,
prétendait-on, de ne pas laisser le «terrain» de
l’immigration à l’extrême droite. On a vu le
mirifique bilan de cette politique de légitimation de la
thématique xénophobe en avril 2002, lorsque le chef
du Front national s’est retrouvé au deuxième tour
de l’élection présidentielle française.

C’est pourtant dans le même salto mortale que se lance
aujourd’hui le Parti socialiste suisse, après
l’adoption de son «papier de position» sur
l’intégration lors de son Assemblée des
délégués de Muttenz (BL) du
2 décembre. Certes, nombre d’amendements ont
édulcoré la version initiale, en particulier en ce qui
concerne les éventuelles sanctions en cas de non-respect de la
convention d’intégration, qui ont été
abandonnées. Pour le reste, la démarche est similaire
quant au fond. Le président du PS, Hans-Peter Fehr ne s’en
cache du reste pas: sa stratégie est de «nous placer sous
les feux de la rampe et faire de l’ombre à
l’UDC» (swissinfo, 2.12.2006). Sans trop s’interroger
sur la source de cette inquiétante lumière, ni sur les
effets de cette convention d’intégration que devraient
signer tous les migrant-e-s extra-européens et qui serait
même partie intégrante de leur contrat de travail.

A vrai dire, le même responsable socialiste avait
déjà avancé une fort curieuse conception du
fonctionnement de la société helvétique lors de la
conférence de presse présentant la version initiale du
texte: «on peut lire l’histoire de la Suisse comme
l’histoire d’une succession d’intégrations:
d’abord l’intégration des cantons ruraux catholiques
(…) (aboutissement du Kulturkampf); puis l’intégration
des masses laborieuses, tenues à l’écart pendant
des décennies (aboutissement de la lutte des classes); plus
tard, l’intégration des femmes par l’octroi du droit
de vote et d’éligibilité et par la reconnaissance
du principe d’égalité (aboutissement de la guerre
des sexes)». Passons sur l’ingénuité du
propos et l’absence de toute référence à la
réalité concrète. Remarquons simplement que dans
le propos de H.-P. Fehr, l’intégration est
l’aboutissement d’un conflit. Que conclure alors de la
suite de sa déclaration «Ce qui est maintenant
d’actualité, c’est l’intégration de la
population étrangère vivant en Suisse. Nous ne sommes pas
à la fin, mais bien au début de ce processus»,
sinon qu’une lutte est engagée? Mais entre qui et qui? Ou
contre quoi? Contre le racisme et la xénophobie? Pas du tout!
Contre ceux et celles qui sont mal intégrés; contre les
personnes immigrées qui ne font pas assez d’efforts pour
s’intégrer; contre ceux et celles qui importent des
comportements culturels et religieux qui entrent en collision avec les
droits fondamentaux et les valeurs de base du pays. Ah, la belle
guerre, oh, le beau combat! Musulmans de tous les pays,
intégrez-vous!

Ramenant le patriarcat à sa seule variante
«orientale», Ursula Wyys, présidente du Groupe
socialiste de l’Assemblée fédérale, clame
haut et fort que «toute forme de discrimination moyenâgeuse
à l’encontre des femmes est inacceptable». Sans
aucun doute, mais les formes modernes le sont-elles moins? Pourquoi
réserver un traitement spécifique à certaines
discriminations, en désignant du doigt une communauté
bien précise, et ne pas s’en prendre de manière
aussi virulente aux autres? Le PSS croit-il vraiment que la Loi sur
l’égalité a fait disparaître toute forme de
domination patriarcale de la société helvétique?
Croit-il aussi qu’en stigmatisant les hommes musulmans on
libère les femmes?

Oui, si l’on en croit son vice-président, Pierre-Yves
Maillard, expliquant qu’il y a des situations dans lesquelles
«la règle libère et la liberté
opprime». Digne successeur des «roille-gosses»
vaudois, il explique que l’école a connu un énorme
succès lorsqu’elle est devenue obligatoire et qu’il
en ira de même avec les cours de langues auxquels seront
contraints les migrant-e-s extra-européens. Sauf que quiconque a
déjà eu affaire à des adultes en formation sait
les effets délétères de la contrainte sur la
qualité de cette formation. Sauf que ces cours de langue,
système binaire de la Loi sur les étrangers oblige, ne
seraient obligatoires que pour certains migrant-e-s (Turcs et
ressortissants de l’ex-Yougoslavie, essentiellement) et pas pour
les autres, ce qui est ouvertement discriminatoire. Sauf aussi et
surtout que le succès de l’école dans la
transmission des connaissances n’a pas modifié
fondamentalement le fonctionnement de cette machine à
créer des inégalités que représente le
capitalisme helvétique. Lui, en revanche, il a parfaitement su
intégrer le PSS.

Daniel SÜRI