Pour une Constitution solidaire qui défende le bien commun

Pour une Constitution solidaire qui défende le
BIEN COMMUN!

Le corps électoral genevois va
élire une assemblée, le 19 octobre prochain, pour
réviser entièrement sa Constitution. Cet enjeu
présente de sérieux risques, notamment de voir rejeter du
texte actuel des dispositions acquises de haute lutte et
adoptées notamment par voie d’initiative. La droite ne
cache pas non plus sa volonté de réduire les droits
populaires par le biais d’un nouveau découpage des
prérogatives cantonales et communales, voire des communes
elles-mêmes, mais aussi d’une augmentation du nombre de
signatures exigé pour le dépôt d’initiatives
ou de référendums.

En même temps, cette élection donne l’occasion
à une force comme la nôtre de parler clair avec un projet
d’ensemble, en se battant aussi pour l’inscription de
nouveaux droits dans la Constitution. En effet, même si les
rapports de force font douter aujourd’hui de la
possibilité de faire adopter toute nouvelle avancée
à froid, il est essentiel de désigner des pistes de
mobilisations à venir. Rien ne serait pire, en effet,
qu’une option uniquement défensive, qui ferait passer
abusivement la Constitution actuelle pour une panacée…

Pour une démocratie participative

Nous savons bien que les droits, même les plus fondamentaux, ne
sont jamais acquis, ni surtout mis en pratique et
développés dans la durée, sans mobilisations
sociales. Par exemple, la Constitution actuelle prévoit le droit
au logement, tandis que dans les faits, locataires et squatters sont
allègrement expulsés sans être
relogés… C’est pourquoi, dans le débat
constitutionnel à venir, nous ne devons pas nous contenter de
défendre des objectifs, mais pointer les acteurs collectifs et
les mobilisations sociales indispensables à leur conquête
effective et à leur mise en pratique sur le terrain. La
démocratie est un vain mot si elle n’est pas participative!

Dans ce sens, nous militons pour un engagement accru de la population
dans toutes les sphères de la vie sociale (sur les lieux de
travail, dans le monde associatif, dans la rue, etc.). Et dans le
débat constitutionnel, nous revendiquons l’accroissement
et non la réduction des droits démocratiques et des
prérogatives populaires: la reconnaissance pleine et
entière du droit de manifester sur la voie publique, mais aussi
de s’organiser syndicalement dans l’entreprise; la
défense d’une presse diversifiée, échappant
au contrôle des grands groupes financiers; le maintien des quotas
de signatures et des délais requis pour le dépôt
d’une initiative ou d’un référendum; les
droits de vote et d’éligibilité communaux et
cantonaux pour les résident-e-s étrangers, etc.

Mieux vivre ensemble

La Constitution doit aussi garantir les droits sociaux essentiels qui
fondent le bien commun: salaire et revenu minimaux permettant de vivre
décemment, droit à un logement bon marché de
qualité, gratuité des soins et de
l’éducation jusqu’à
l’université, accès garanti à la culture,
monopole public de l’eau et de l’électricité,
transports publics gratuits, engagement pour la défense de notre
environnement contre les ravages de l’économie
privée, etc. Elle doit rejeter toutes les discriminations en
raison du sexe, de la couleur, de la nationalité, de la
religion, de l’orientation sexuelle, etc. De tels droits figurent
dans la Déclaration universelle des droits humains (DUDH),
adoptée par l’assemblée générale de
l’ONU, il y a soixante ans, ainsi que dans les chartes qui en
découlent. Aujourd’hui, les Etats ne les invoquent plus
que de façon incantatoire, de moins en moins d’ailleurs,
tandis que la dynamique du capitalisme privatise le domaine public,
creuse les inégalités et précarise la vie du plus
grand nombre.

Rappelons que la DUDH a été adoptée dans une
période de mobilisation et d’espoir, marquée par la
défaite des fascismes et des régimes d’occupation,
par la victoire de la révolution chinoise (le plus grand partage
des terres de l’histoire) et la montée des luttes de
libération du tiers-monde, au moment où le suffrage
féminin se généralisait dans le monde et où
Simone de Beauvoir achevait la rédaction du Deuxième
Sexe. La même année, Albert Einstein, sans doute le
scientifique le plus prestigieux de ce temps, défendait un
projet socialiste pour l’humanité. C’était
indubitablement une période d’aspirations sociales et
démocratiques radicales, mais aussi de confiance dans
l’avenir, à laquelle le monde d’aujourd’hui
tourne le dos en renonçant aux droits universels pour encenser
le droit du plus fort.

Un exemple: le salaire minimum

Nous entendons placer l’élection de la Constituante
genevoise sous le signe d’une commémoration
conséquente de la DUDH, dans le but de défendre
l’application concrète des libertés fondamentales
et des droits sociaux qu’elle prescrit. Par exemple, la DUDH
prévoit «un salaire équitable et satisfaisant
garantissant une existence conforme à la dignité
humaine» (art. 23). Or, la seule façon de fonder une telle
prescription en droit, c’est de fixer un salaire minimum
légal. Nous revendiquons l’inscription de ce principe dans
la Constitution. A contrario, les associations patronales annoncent
d’ores et déjà le dépôt d’une
liste pour la libre entreprise et le rejet de tout salaire minimum
cantonal…

En proposant la garantie d’un ensemble de droits par la
Constitution, nous défendons un point de vue politique
d’ensemble. Dans ce sens, nous ne sommes pas favorables au
dépôt de listes sous le chapeau d’associations
poursuivant des objectifs spécifiques, qui ne peuvent se
revendiquer d’un programme touchant tous les aspects de la vie
sociale sans diviser leurs adhérent-e-s. Par exemple, quelle
serait la position d’élu-e-s de l’AVIVO sur les
notes à l’école ou le droit de vote et
d’éligibilité des étrangers-ères sur
le plan cantonal? La même remarque s’applique à une
liste de locataires, comme à celle de la
Fédération associative genevoise (FAGE)…

La Constituante prévoit un «quorum» réduit de
3% (environ 3000 listes) – au lieu de 7% pour le Grand Conseil (env.
7000 listes) – et exclut tout apparentement. Dans de telles conditions,
il serait incompréhensible que solidaritéS ne
défende pas ses positions de fond avec cohérence et
clarté en présentant une liste de gauche
conséquente, féministe et écologiste. Une liste
qui refuse toute concession aux sirènes du national-populisme –
à la veille d’un nouveau débat sur la
libre-circulation -, comme à celles du social-libéralisme
(PS et Verts), qui est majoritaire au sein de l’Exécutif
cantonal et conduit de facto une politique de droite.

Jean Batou