Égalité salariale entre femmes et hommes

Égalité salariale entre femmes et hommes

Non-discrimination sexiste,
l’employeur doit faire la preuve

La notification de l´arrêt de la chambre
de recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud nous conduit à revenir
sur l´une des rares plaintes pour discrimination
salariale dans le secteur
privé fondée sur la loi sur l´égalité
entre hommes et femmes (LEg)1.

Rejetant les arguments du jugement de première
instance, la cour cantonale a reconnu l´existence
d´une discrimination salariale à l´égard de l´ouvrière
Malika K. Signalons que cet arrêt n´est pas définitif
puisqu´il peut encore faire l´objet d´un recours de la
part de l´employeur auprès du Tribunal fédéral.
Les considérants de cet arrêt mettent en évidence que
l´allègement du fardeau de la preuve – il suffit de rendre
vraisemblable l´existence d´une discrimination –
est une question centrale en matière de concrétisation
de l´égalité professionnelle.

A travail égal, salaire égal

Cette affaire, qui a débuté en 1995, illustre parfaitement
les difficultés et les résistances diverses que peut
rencontrer l´application de la LEg. Cela est d´autant
plus vrai que l´on est en présence d´un cas relativement
simple: le litige ne porte pas sur une probable
valeur équivalente du travail, mais sur un travail identique.
Il s´agissait donc de faire appliquer tout simplement
le principe « à travail égal, salaire égal ». Les juges
du tribunal de prud´hommes avaient pourtant considéré
qu´aucun fait ne faisait apparaître comme vraisemblable
une discrimination en raison du sexe. En rendant
son jugement, ce tribunal avait d´une certaine
manière « oublié » une règle de procédure particulière
applicable en matière de LEg: selon l´article 6 de cette
loi, si l´existence d´une discrimination entre femmes et
hommes est rendue vraisemblable, c´est à l´employeur
d´établir l´inexistence de la non-discrimination.

Constatant que l´ouvrière avait rendu vraisemblable
une discrimination fondée sur le sexe, les magistrats
cantonaux ont alors procédé à l´examen sur le fond du
dossier. Ils se sont fondés sur l´article 3 de la LEg qui
s´applique notamment à la rémunération et qui interdit
de discriminer des travailleuses/eurs à raison du
sexe, soit directement soit indirectement. Dès lors
que la discrimination a été rendue vraisemblable dans
le cas d´espèce, le fardeau de la preuve est renversé:
il appartient à l´employeur de démontrer qu´il n´y a
pas discrimination dans la rémunération entre une
travailleuse et ses collègues masculins mieux rémunérés
qu´elle.

Présomption de discrimination

Les juges cantonaux se sont alors appuyés sur la
jurisprudence existante selon laquelle « lorsque des
travailleurs de sexe opposé ont une position semblable
dans l´entreprise avec des cahiers des charges
comparables, il est présumé, s´il y a une différence de
rémunération entre eux que celle-ci est de nature
sexiste.
 » Pour rendre leur jugement, ils ont comparé le
salaire de Malika K. et celui de ces collègues de travail
qui faisaient le même travail. Ils ont écarté la comparaison
particulièrement scandaleuse effectuée par le
tribunal de prud´hommes entre l´ouvrière et des
ouvriers mal voyants.

Ils ont ensuite cherché à savoir si les différences de
salaire constatées étaient fondées sur des critères
objectifs qui auraient pu rendre, selon la jurisprudence,
non discriminatoires les différences de salaire.
Parmi ceux-ci, on trouve d´abord les motifs qui peuvent
influencer la valeur même du travail comme la
formation, l´ancienneté, la qualification, l´expérience,
le domaine concret d´activité, les prestations et les
risques encourus. Les charges familiales, l´âge et la
conjoncture constituent également d´autres motifs de
rémunération différente. Encore faut-il que ces motifs
objectifs jouent un rôle véritablement important en
regard de la prestation de travail et qu´ils influent par
conséquent sur les salaires versés par l´employeur.
Rappelons ici que les juges de première instance
avaient retenu l´existence d´un rendement supérieur
et une plus grande complexité du travail comme motif
justifiant la différence salariale.

Sur la base des pièces du dossier, les juges cantonaux
ont jugé que l´employeur n´a pas apporté de preuves
convaincantes permettant d´établir un rendement plus
élevé entre Malika K. et ses collègues masculins,
preuves qui auraient permis de mettre en échec la
présomption d´une discrimination à raison du sexe.
Ils ont en outre exclu la conjoncture comme motif justifiant
une rémunération différente: « les entreprises ne
sont pas totalement liées aux lois de l´offre et de la
demande. En règle générale, leur marge de liberté
financière leur permet un système de rémunération
non discriminatoire ». L´employeur ayant échoué à
faire la preuve de non-discrimination en raison du
sexe, le Tribunal cantonal a alloué la somme de Fr.
20´000. – à Malika K.

Magdalena Rosende

  1. cf. solidaritéS No 134 du 29.09.01