Au tour du Centre Neuchâtelois de Psychiatrie d’entrer dans la tourmente
Au tour du Centre Neuchâtelois de Psychiatrie dentrer dans la tourmente
Préparé de longue date dans les commissions de
lEtat, le rapport du Conseil dEtat sur le projet de loi
sur le Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP) sera soumis au
Grand Conseil lors de sa prochaine session des 29 et 30 mai 2007. La
même structure que pour Hôpital Neuchâtelois est
proposée: toutes les institutions, publiques et privées
sont rassemblées dans une seule entité,
indépendante de lEtat, avec un conseil
dadministration et un comité directeur «fort»
à sa tête, à qui lEtat alloue une enveloppe
financière réduite.
Le coeur du projet consiste à déconnecter la politique de
la santé dirigée par un comité directeur,
un conseil dadministration et un Conseil dEtat
chargé de lapprouver des décisions
financières soumises à des règles
spécifiques (réduction de lendettement,
équilibre global). Le Grand Conseil recevra un rapport
dactivité et se limitera à voter un budget global
qui aura tendance à être raboté chaque année
puisquon ne discutera plus des conséquences
concrètes des décisions financières sur la
santé de la population.
Malades et personnel payeront la casse
Les mêmes problèmes que pour lHôpital
Neuchâtelois sur- viendront à coup sûr: devoir agir
en fonction dune en- veloppe définie a priori (et
à la baisse), indépendamment des besoins (par
définition, a priori, en partie inconnus), nira pas sans
tensions, ni sans casse. Regrouper toutes les institutions dans une
seule structure serait une bonne chose, mais à condition
den assurer une gestion publique, basée sur les besoins
à satisfaire. Le projet soumis est tout autre.
Il prévoit, essentiellement dans une logique économique,
un déplacement massif de lhospitalisation vers
lambulatoire. Léconomie exigée des
hôpitaux psychiatriques (Perreux, Préfargier, La Rochelle)
est de 15 millions (sur un montant de 48 millions). Lallocation
supplémentaire à lambulatoire nest que de 6
millions (on passe ici de 10 à 16 millions). Comme le souligne
le Dr Claude Cherpillod, ancien médecin-directeur du Centre
Psycho-social Neuchâtelois, dans une lettre adressée aux
député-e-s:«15 millions: cest plus
dune centaine demployés, des soignants pour la
plupart, qui seront licenciés […] Les malades les plus
prétérités seront ceux qui sont le plus gravement
atteints […]. Les moyens mis à disposition sur le plan
ambulatoire pour créer des structures adaptées à
leur état de santé (ateliers, hôpitaux de jour,
foyers résidentiels,etc.) sont trop limités.»
Défendre le service public
Une chose est de décider «sur papier» une
économie de 9 millions, autre chose est de maîtriser les
souffrances et les dérèglements psychiques qui, à
lheure actuelle, ne vont pas en samenuisant. Les
conséquences de cette nouvelle loi seront combinées
à la réduction prévue des budgets des associations
dencadrement social (projet Renard) et à
loffensive de lAI contre les malades psychiques, qui se
voient de plus en plus refuser des rentes, avec comme
conséquence un renvoi croissant des malades vers laide
sociale et les familles. Le transfert des soins vers
lambulatoire serait en soi une idée
généreuse que nous soutenons pleinement, mais qui ne peut
pas se faire sans renforcement de lencadrement et des structures
daccueil de jour, sans aussi des lieux dinsertion sociale
et professionnelle judicieusement répartis dans le canton. Une
telle mission, pour réussir, ne peut relever que du service
public et doit être assurée de moyens financiers
suffisants. Sous le contrôle des autorités élues,
elle pourrait être menée à bien, à condition
que lon procède sans hâte, par étapes, en
concertation continue avec tous les acteurs de la problématique
complexe de lactivité thérapeutique psychiatrique.
Besoins réels sacrifiés
Le Conseil dEtat est loin dadopter une telle
démarche, qui pourtant simposerait de façon
urgente, au vu des problèmes insolubles que rencontre
Hôpital neuchâtelois soumis à une logique
«entrepreneuriale»où la satisfaction des besoins
nest plus le premier but recherché. Dans son rapport au
Grand Conseil, le Conseil dEtat affirme en effet, non comme une
critique mais comme une nécessité inéluctable,
qu«en ces temps de difficultés financières
des pouvoirs publics, la logique des besoins cède le pas
à celle des moyens et la performance doit également se
traduire en matière déconomies de
ressources.»(p. 9 du rapport). Inquiétante dérive,
qui na quun mérite: celui de la clarté.
Un tel rapport ne peut être que renvoyé à son
expéditeur. Cest ce que demandera le groupe PopVerts-Sol.
Le rapport pourrait aussi être renvoyé en commission. Mais
une majorité saura-t-elle simposer pour se donner les
moyens dorganiser la psychiatrie comme un service public
à part entière?
Marianne Ebel
Députée solidaritéS