Musique, cinéma et luttes sociales

Musique, cinéma et luttes sociales


It’s bread we fight for, but we fight for roses too !


Avec son dernier film, «Bread and Roses», Ken Loach met subtilement en relation la lutte syndicale actuelle des travailleurs des entreprises de nettoyage aux Etats-Unis et le slogan de la grève de 1912 dans les usines du textile à Lawrence dans le Massachusetts. Si «Bread and Roses» n’est pas, à proprement dit, un film historique comme l’a été «Land and Freedom», la référence discrète à un des événements les plus importants des mobilisations ouvrières du début du siècle au Etats-Unis, rappelle que les luttes actuelles sont intimement intégrées à un long processus historique.

par Erik Grobet

Aujourd’hui, malheureusement, l’histoire du socialme a pratiquement disparu de la mémoire collective des partis de gauche et des syndicats. Il est d’ailleurs bien pratique pour la social-démocratie de mettre pudiquement un voile sur son passé, avec l’argument désagréable de ne vouloir légitimer son action que dans le présent et dans le futur, afin de faire passer son renoncement avéré de renverser le capitalisme comme «allant de soi». Imaginez l’USS et le PSS dans l’opposition et appelant l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de ce pays à entrer en guerre contre la bourgeoisie patronale en se mettant en grève. Cette expérience de pensée peut paraître absurde, folle et illusoire, mais c’est pourtant une situation que la Suisse a connue il y a moins d’un siècle.



Reconstruire une connaissance de notre passé, c’est nous redonner les armes de la critique et retrouver le lien nous permettant de comprendre la légitimité actuelle du socialisme face au capitalisme. C’est aussi, et ce n’est pas rien, témoigner de notre respect à l’égard de toutes et tous nos camarades qui ont lutté, au prix de souffrances que nous imaginons mal, afin de nous permettre de vivre dans une société un peu moins absurde. Enfin, cette conscience que nos actions s’inscrivent dans la continuité des luttes passées et dans l’ébauche de celles à venir, est la clé de la renaissance d’un esprit révolutionnaire, enfin libéré des contraintes de l’obsession des «victoires» à court terme.



Le travail de Ken Loach est donc particulièrement salutaire et, à ce titre, bien que dans un registre différent, un autre artiste contemporain mérite d’être présenté. Chanteur – poète – narrateur, Bruce «U. Utah» Phillips s’inscrit, depuis plus de quarante ans, dans la tradition des chanteurs folk américains, tels que Woody Guthrie, Pete Seeger, Lee Hays, Millard Lampell et tant d’autres qui, par leur chansons, traduisaient la vie courante des masses exploitées des Etats-Unis, des «fainéants» et des clochards.



Artistes et travailleurs/euses, ensemble



Originaire de Cleveland en Ohio, Utah Phillips a rapidement quitté sa famille pour sillonner les Etats-Unis en train, dans lesquels il a découvert le monde des vagabonds (les fameux «hoboes») qui lui a inspiré de nombreuses chansons, histoires et poèmes, que l’on peut notamment apprécier sur le disque «Loafer’s Glory» qu’il a enregistré en 1997 avec Mark Ross1. C’est en participant à la guerre de Corée que Utah Phillips a commencé à se politiser. Il y a acquis la conscience profonde de ne plus jamais accepter d’être «un pion dans leur jeu». Cette expérience l’a profondément marqué et on en retrouve évidemment des traces dans son travail2. Dans un de ses textes, «anarchy»3, il affirme notamment: «j’ai appris en Corée que jamais plus, dans ma vie, je ne céderais à quelqu’un d’autre mon droit de décider qui est l’ennemi». A son retour aux Etats-Unis, malade de ce qu’il a vu et fait, c’est naturellement qu’il adhérera à l’Industrial Workers of the World (IWW), dans la section des artistes (Union 630). Allant de ville en ville, il utilisera, dans la lignée d’un des wobblies les plus connu Joe Hill4, sa musique comme une arme au service de la lutte anticapitaliste.



Joe Hill a écrit de nombreuses chansons qui font parties de la mémoire collective du mouvement ouvrier, notamment «The Rebel Girl», dédiée à Liz Gurley Flynn, figure des grèves du début du siècle, et «Pie in the sky», très beau texte sur le mensonge de la religion. Par son exécution, le syndicaliste poète est devenu un martyr et a, à son tour, été l’objet de nombreuses chansons, dont la plus connue est celle qui porte son nom, écrite en 1938 par Alfred Hayes et notamment reprise et popularisée par Joan Baez5.



Joe Hill utilisait ses chansons pour organiser les masses. Il estimait que «un pamphlet, indépendamment de sa qualité, n’est jamais lu plus d’une fois, mais une chanson est apprise par cœur et constamment répétée» et soutenait que «si quelqu’un arrive à transcrire des faits de la vie courante en chansons, en les enveloppant d’humour afin de les rendre moins ennuyeux, il arrivera alors à toucher un grand nombre d’ouvriers.»



Cette vision est très proche de celle de Utah Phillips qui, en expliquant les raison de l’existence de la branche 630 des artistes musiciens de l’IWW, précisait l’idée que «les musiciens, les artistes, sont également des travailleurs et doivent donc se syndiquer non seulement pour défendre leurs droits, mais aussi pour lutter avec l’ensemble des masses laborieuses pour l’émancipation de notre classe».



Utah Phillips, outre ses propres créations, a repris nombreuses de ces chansons qui font partie de l’histoire des mobilisations du mouvement ouvrier. Parmi celles-ci, il a réadapté le texte de James Oppenheim «Bread and Roses», écrit lors des semaines de grèves de janvier 1912 à Lawrence. Cette adaptation fait partie du disque «Fellow Workers»6 qu’il a enregistré avec Ani Difranco7 et qui particulièrement représentatif de la volonté de Utah Phillips de transmettre aux jeunes générations d’activistes «l’esprit du passé» duquel souffle le vent de la révolte.



Utah Phillips est définitivement un artiste à découvrir. Son humour, sa finesse et sa passion, dans la plus pure tradition folk américaine, donnent, à celui qui l’écoute, une force incroyable et l’invite à ne jamais s’égarer du chemin de la révolution qui reste à faire. As soon we are…



Lawrence, Massachusetts, 1912

Femmes en grève


1912 a été l’année de la grande grève des textiles à Lawrence. Les grandes usines, les grandes entreprises de tissage, y ont été construites, comme dans d’autres villes de la nouvelle Angleterre. Les jeunes femmes venaient des fermes en déclin du New Hampshire dans le Vermont dans l’espoir de travailler dans ces nouvelles industries. D’autres jeunes femmes arrivèrent des pays pauvres d’Europe ou de France pour trouver du travail. Assez bonnes pour être exploitées dans les usines, mais pas assez bonnes pour être des citoyennes.



Ces femmes mourraient en moyenne à l’âge de 26 ans à cause de la poussière des salles de tissage.

Alors elles se sont mises en grève. Les revendications étaient bien sûr liées aux conditions salariales. Joe Ettor, syndicaliste exceptionnel, parlait toutes les langues de Lawrence, il y en avait environ dix-sept. Les gens pouvaient à peine se comprendre entre eux, mais Joe Ettor était sur ce perron en pierre en face de l’usine d’Auston, et faisait face à plus de 20 000 grévistes et il a dit avec cette forte voix: «Camarades, les ouvriers, avec leurs mains dans leurs poches, ont plus de pouvoir que les patrons.»



La grève a été gagnée. Une grève amère, très dure, qui a duré tout le mois de janvier. Il n’y avait pas moyen de nourrir les enfants, pas de nourriture. Ils ont alors trouvé des sympathisants partout dans la Nouvelle Angleterre, jusque tout au Sud comme à New-York et ils y ont envoyer leurs enfants en train pour attendre la fin de la grève. Les mères et les enfants ont été tabassés par la milice et la police sur le chemin de la gare. Mais ils ont gagné. Et vous savez, je n’ai jamais du travailler sous terre en Pennsylvanie à l’âge de douze ans dans une mine de charbon. Ma sœur n’a jamais du travailler à l’âge de huit ou neuf ans dans les usines de tissage de Lawrence dans le Massachusetts ou n’importe où ailleurs. Aucun de nous n’a du faire ce genre de chose et pourquoi ? Pourquoi avons-nous cette journée de huit heures, pourquoi ces lois sur la sécurité minière, pourquoi avons nous ces lois qui interdisent les «sweatshops» ? Sont-elles le cadeau bienveillant d’une gestion éclairée ? Non, elles ont été gagnées par des gens pas comme nous qui se sont battus, qui se sont saignés, qui sont morts pour les obtenir. Il ne sont pas morts sur un champ de bataille d’une de ces guerres bourgeoises stupides. Ils sont morts sur les piquets de grèves, pour nous donner à nous tous un futur meilleur.



Il y avait durant la grève une jeune femme qui portait une pancarte avec l’inscription: «Oui nous voulons du pain, mais nous voulons aussi des roses !» C’est donc devenu la bien connue «grève du pain et des roses» et ceci est la chanson qui en a été tirée :



Du pain et des roses 8



Alors que nous marchions, marchions, dans la beauté du jour

Un million de cuisines assombries, un millier de greniers gris

Sont égayés par la beauté qu’un soleil soudain révèle

Et les gens nous entendent chanter: du pain et des roses, du pain et des roses

Alors que nous marchions, marchions, on se battait également pour le hommes

Parce qu’ils sont dans la lutte et ensemble nous gagnerons

Nos vies ne devraient pas être exploitées de la naissance jusqu’à leur fin

Comme les corps, les cœurs peuvent être affamés, donnez-nous du pain mais donnez-nous des roses

Alors que nous marchions, marchions, une centaine de millier de morts

Viennent pleurer a travers notre chant de leur ancien cri pour du pain

L’art, l’amour et la beauté ressourcent l’esprit

Oui, nous luttons pour du pain, mais nous luttons aussi pour des roses

Alors que nous marchions, marchions, nous sommes fiers et grands

L’émancipation des femmes signifie l’émancipation de nous tous

Plus de bonnes et de paresseux, de labeur au profit du repos de quelques-uns

Mais un partage de la splendeur de la vie: du pain et des roses, du pain et des roses

Nos vies ne devraient pas être exploitées de la naissance jusqu’à leur fin

Comme les corps, les cœurs peuvent être affamés, donnez-nous du pain mais donnez-nous des roses





Discographie


Il n’est malheureusement pas aisé de trouver les «galettes», savoureuses et subversives, de Utah Phillips dans les bacs des disquaires helvétiques. Il semble que seuls les deux albums qu’il a effectués avec Ani Difranco soient disponibles. Pour le reste, les magasins de disques rechignant malheureusement de plus en plus à faire de l’import, il faut passer par Internet. Il est bien entendu possible de passer par les sites habituels (comme Amazone.com), mais vous trouverez à côté de chaque albums où cela est possible, l’adresse Internet de la maison d’édition (généralement des petites entreprises indépendantes qui s’évertuent à narguer les CBS et autres Warner Company). Nous vous invitons à privilégier ces voies, qui nécessitent parfois un peu plus de patience pour l’envoi de la marchandisbe, mais qui offrent l’avantage de respecter le choix des artistes de ne pas permettre aux «big companies», de faire des profits sur leur dos. De même, nous vous invitons, pour l’achat de vos disques en Suisse à privilégier les petits commerçants indépendants plutôt que les grandes chaînes de distribution. Pour les puristes, il est possible de commander directement l’un de ces albums auprès de Utah Phillips, en l’appelant à No Guff Records au 001 530 265 2476.


(eg)




  • El Capitan, Utah Phillips, 1969, Rounder records, PHILO 1016. Cet album n’est disponible qu’en cassette (http://www.rounder.com)

  • Good Though, Utah Phillips, Rounder records, PHILO 1004. (>http://www.rounder.com)


  • We have fed you all a thousand years, Utah Phillips, 1983, Rounder records, PHILO 1076. Ce disque, fait de chansons de l’Industrial Workers of the World, est l’enregistreme’un concert donné par Utah Phillips lors d’une grève des employés de la British Columbia. Parmi les perles de cet album, on peut signaler «Bread and Roses», «Joe Hill» et «Solidarity for ever». (http://www.rounder.com)

  • All used up, Utah Phillips, 1988, Rounder records, PHILO 1050. Cet album n’est disponible qu’en cassette. (http://www.rounder.com)

  • Legends of the folk, U. Utah Phillips, Spider John Koerner and Ramblin’ Jack Elliott, 1990, Red House Records, CD 31. Trois légendes du folk sur un même disque. Un vrai bijou sur lequel on trouve notamment «Hallelujah I’m a bum» et une version de «Don’t think twice, it’s all right» par Ramblin’ Jack Elliott. (http://www.redhouserecords.com)

  • Don’t mourn, organize, artistes divers avec notamment Utah Phillips et Pete Seeger, 1990, Smithsomian Folkways. Concert dédié à Joe Hill à l’occasion du 75ème anniversaire de son exécution. C’est l’album idéal pour découvrir les chansons du syndicaliste poète, notamment «The rebel girl» et «There is power in a union». (http://web2.si.edu/folkways/)

  • I’ve got to know, Utah Phillips, 1991, Alcazar records. Ce disque est le fruit de la rage de Utah Phillips durant la guerre du Golfe. Des textes extraordinaires sur la guerre, le pacifisme et l’anarchisme, tels que «I’ll not obey» et «Stupid’s Pledge». (http://www.cduniverse.com/)

  • IWW Rebel Voices, divers artistes dont Utah Phillips, 1992, Rounder records, FLY 484. Concert à Chicago en 1984 de 12 wobblies, membres de l’Union 630. Des chansons stimulantes sur l’histoire du mouvement ouvrier et sur la nécessité d’un syndicalisme révolutionnaire. S’il est un disque à acquérir, c’est probablement celui-ci. (http://www.rounder.com)

  • The long memory, Utah Phillips and Rosalie Sorrels, 1996, Red House Records, RHR CD 83. Ce disque est dédié à la connaissance du mouvement ouvrier. Un album conçu pour lutter contre l’amnésie et retrouver le chemin de la révolution. Contient notamment «All used up» et «Dumb the bosses off your back». (http://www.redhouserecords.com)

  • The past didn’t go anywhere, Utah Phillips and Ani Difranco, 1996, Righteous Babe Records, Cooking Vinyl, COOKCD 124. Des textes lus par Utah Phillips et mis en musique par Ani Difranco. A la croisée des chemins entre «le vieux folk» et le rock puissant d’Ani Difranco, cette première collaboration entre les deux artistes a réussi avec éclat à diffuser l’esprit révolutionnaire de Utah Phillips auprès des nouvelles générations des militantes et de militants. Ce disque est diffusé en Europe par Cooking Vinyl et se trouve chez de nombreux disquaires .

  • The tellings takes me home, Utah Phillips, 1997, Rounder records, PHILO 1210. Ce compact disque est une compilation des meilleurs morceaux de «El Capitan» et de «All used up» qui ne sont que disponibles en cassettes. (http://www.rounder.com)

  • Loaffer’s glory, Utah Phillips and Mark Ross, 1997, Red House Records, RHR CD 103. Le duo entre ces deux wobblies, vieux amis et membres de la «Britt National Hobo Convention» est une grande réussite. Ce disque est inspiré de la vie des gens du voyage, des vagabonds aux Etats-Unis. (http://www.rounder.com)
  • Heart songs, Jody Stecher and Kate Brislin, 1997, Rounder records, ROUN 0424. Jody Stecher et Kate Brislin reprennent sur ce disque des vielles chansons de Utah Phillips. (http://www.rounder.com)

  • The Moscow hold, Utah Phillips, 1999, Red House Records, RHR CD 118. Ce disque est une collection de textes et de chansons enregistrés lors de concert de Utah Phillips. A noter notamment «Job action» et «Natural Resources». (http://www.redhouserecords.com)

  • Fellow workers, Utah Phillips and Ani Difranco, 1999, Righteous Babe Records/Cooking Vinyl, COOKCD 182. Ce second album des deux artistes est une pure merveille. Si leur premier album en commun est constitués d’histoires racontées par Utah et mises en musique par Ani, celui-ci comporte des chansons enregistrées en commun par les deux artistes. On trouve notamment sur ce disques, qui se termine par une version instrumentale de l’Internationale, des versions incroyable de «Joe Hill», «Bread and Roses», «Direct action» et de «Pie in the sky». Tout comme «The past didn’t go anywhere», ce disque se trouve chez de nombreux disquaires.

  • Making speech free, Utah Phillips, 2000, Philadelphia IWW. Ce disque, dont le titre rappel les campagnes du début du siècle de l’IWW pour la liberté d’expression aux Etats-Unis, ne peut malheureusement, à l’heure actuelle, pas être commandé facilement sur internet. Vous pouvez toutefois essayer de le commander directement auprès de Utah Phillips, No Guff Records.




  1. Mark Ross est un vieil ami et camarade de Utah Phillips. Il est le troubadour officiel de la «Britt National Hobo Convention». «Loafer’s Glory», U. Utah Phillips and Mark Ross, Red House Records, 1997 (difficilement trouvable, à commander sur internet, soit sur les sites de vente en ligne, soit directement et sans intermédiaire auprès de Red House Records, http://www.redhouserecords.com).

  2. Utah Phillips notamment a écrit un texte qui s’intitule «Korea» et qui décrit avec puissance incroyable cette sale guerre. In «The past didn’t go anywhere», Utah Phillips and Ani Difranco, Righteous Babe Records, 1997. Ce disque est diffusé en Europe par Cooking Vinyl et se trouve facilement chez certains disquaires en Suisse.

  3. In «The past didn’t go anywhere», Utah Phillips and Ani Difranco, Righteous Babe Records, 1997.

  4. Joe Hill était un immigrant d’origine suédoise qui est
  5. arrivé aux Etats-Unis en 1901 à l’age de 19 ans. Leader syndicaliste, il a été exécuté dans l’Etat de Utah le 19 novembre 1915. A la veille de son exécution, il a écrit un mot à Big Bill Haywood, autre leader de l’IWW, lui demandant de ne pas perdre de temps à pleurer sa mort et de continuer d’organiser la lutte.

  6. «Joe Hill» et «Pie in the sky» ont été reprises par Utah Phillips notamment sur le second album qu’il a effectué avec Ani Difranco, «Fellow Workers», Righteous Babe Records, 1999, diffusé en Europe par Cooking Vinyl.

  7. «Fellow Workers», Righteous Babe Records, 1999 (voir note 5).

  8. Ani Difranco est une jeune chanteuse de 29 ans, féministe et anticapitaliste radicale, qui a enregistré 13 albums sous son propre label Rightous Babe Records. Elle sera l’objet d’un prochain article.

  9. Texte original de James Oppenheim, réadapté par Utah Phillips